- « Toutes nos lignes sont occupées… » – la COVID 2019-20-21-… aussi !
Peut-être vous souvenez-vous de mon article dans « la gazette médicale » de juin 2020 sur la façon de vivre des aînés en confinement ? J’ ai décidé aujourd’ hui de vous faire partager la suite de mon confinement par quelques constats qui m’ ont d’ abord stressé et dont finalement je ris.
Comme vous, j’ ai une année de plus (86 ans), comme beaucoup d’ entre vous, j’ ai un ordinateur dont je ne connais qu’ une infime portion des possibilités, et j’ ai aussi un téléphone portable. Neuf fois sur 10, quand j’ utilise mon portable pour appeler le numéro d’ une administration publique ou privée, j’ entends cette petite phrase : « Toutes nos lignes sont occupées… » ou alors « Tous nos collaborateurs sont… ». Au mieux on vous prie de rappeler plus tard, ou alors on vous explique de raccrocher et d’ aller voir ailleurs, c’ est-à-dire d’ ouvrir votre ordinateur, d’ aller sur internet et de taper « www.yxz123@questions essentielles.ch ». Vous avez votre téléphone en mains mais pas de papier/crayon pour noter l’ adresse, et voilà déjà 30 minutes de solitude consommées. Et cela va recommencer car les personnes à domicile, en télétravail, ne répondent qu’ à leur patron qui les contrôle, etc. C’ est la crise économique, les masses de formulaires à remplir pour être éventuellement indemnisé. Mais il faut bien que quelqu’ un décide !
Pour entamer un peu plus votre capital de résistance à la solitude et à la crise sanitaire, vous allumez votre télévision. Et là, vous êtes obligés de zapper pour trouver autre chose que la COVID. C’ est le médicament absolu pourtant pas recommandé par la Task Force Fédérale : la télécommande. Nous pouvons voir et entendre les décideurs, toute la journée, les revoir si vous vous réveillez au milieu de la nuit, et le matin au petit déjeuner. Les polyglottes ont l’ avantage de pouvoir changer de chaîne plus souvent pour profiter des mêmes informations dans d’ autres langues. La télévision m’ a fait chaque jour connaître plusieurs épidémiologistes, mais qui sera le premier pandémiologiste ? Il faut bien que l’ un d’ eux se décide.
Après une petite balade en forêt, où j’ ai croisé deux couples masqués tentant de briser leur solitude au grand air, je me souviens qu’ il y a du foot à la télé. Dans un stade vide, on vous balance des enregistrements du public virtuel, et par-dessus des personnes bien réelles, les entraineurs, qui hurlent comme si un médecin sadique leur arrachait les ongles un à un avec un scalpel mal aiguisé. Heureusement les médecins importants ne sont pas au Wankdorf mais au Palais fédéral pour rédiger les suggestions de réponse pour le Conseil fédéral dans le genre « Dites la même chose qu’ hier, mais avec d’ autres mots ! » Les CFF et de nombreux transports publics ont décidé de supprimer certains trains car il y a moins de voyageurs, le résultat est donc le même : il y a toujours à peu près autant de monde dans les compartiments. Les aînés qui ont encore leur voiture ne prennent plus les transports publics et se retrouvent dans la solitude de leur carrosse sur les routes, donc toujours autant de trafic, de bruit et de pollution. Mais il faut bien que quelqu’ un décide.
Un pays voisin a déclaré la guerre au virus, comme il a déclaré la guerre au terrorisme. Les morts ne sont pas les mêmes, mais ce sont des morts tout de même, plus nombreux que ceux de l’ horrible tuerie de la seconde guerre mondiale. Les deuils ne sont pas vécus de la même façon. Difficile de partager l’ émotion d’ une famille en pleurs quand les rassemblements de plus de 5 personnes sont interdits. Il faut bien que quelqu’ un décide.
C’ est comme la quarantaine : ce n’ est-ce plus un isolement spécifique de quarante jours dans la solitude complète. « Aujourd’ hui il y a des quarantaines de 15, 10, 7 et bientôt 5 jours, curieux, non ? », me disait hier une dame ancienne professeure de français qui se sentait bien seule sans ses élèves, en arrosant son dictionnaire de gel hydro-alcoolique.
Ce qui m’ inquiète davantage, c’ est de constater que beaucoup de malheurs s’ abattent sur l’ humanité toute entière. Les nappes phréatiques sont pleines à ras bord, les mêmes nappes phréatiques seront vides l’ été prochain, causant la sécheresse et à nouveau d’ énormes dégâts. Comment payer tout cela ? Il faut bien que quelqu’ un décide. On pouvait espérer que la politique ne se mette pas aussi violemment en scène aux USA, en Russie, en Birmanie, en Chine, en Turquie et dans tant de pays, et là aussi c’ est presque toujours un homme, un dangereux solitaire, souvent un dictateur, qui décide. Trop rarement encore, il y a des femmes au pouvoir, qui se méfient de la violence physique, même si leurs propos sont de moins en moins amènes. Bref, il y a des jours où tout va mal. Il faut bien que je me décide.
J’ ai fait un AVC pour commencer l’ année. J’ ai fait confiance à mon chirurgien, et je suis là en pleine forme. Nos petits-enfants ne font plus nos courses, ils ont l’ impression d’ être dangereux pour nous. Nous avons aussi eu la chance de pouvoir être vaccinés avec une première dose. Nous serons un peu moins vulnérables dans quelques jours, c’ est positif. J’ ai eu aussi le bonheur avec mon épouse de voir sur WhatsApp deux nouvelles arrières petites filles débarquer dans notre famille. C’ est une décision de confiance en l’ avenir que d’ avoir des enfants aujourd’ hui.
Je m’ abstiens de critiquer ceux qui de par leur fonction et qualité doivent décider pour tout un peuple si divers. J’ ai eu quelques petites responsabilités politiques dans le temps, Je suis bien content aujourd’ hui de ne plus devoir décider pour les autres. On commence à remarquer que les jours rallongent et que le printemps s’ approche. C’ est la vie, le renouveau, qui s’ imposent toujours.
à nous de répondre en ligne aux petits bonheurs qui nous entourent.
Ça ira mieux demain, décidez dès maintenant de vous faire plaisir !
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