Actualité Congrès

Diagnostic et traitement des complications diabétiques

Update Refresher Endocrinologie et diabète

Lors de l’ Update Refresher à Lausanne le 12.02.2021, les spécialistes du CHUV ont donné des conférences sur les maladies de la thyroïde, les maladies de l’ hypophyse et des glandes surrénales, le traitement du diabète de type 2, ainsi que sur le diagnostic et le traitement des complications diabétiques. Le présent rapport passe en revue l’ exposé sur les complications diabétiques.



Les complications concernent le système cardiovasculaire, les reins, les yeux, la neuropathie, les pieds et le foie. C’ est en ces termes, que la Dre Laura Marino du Service d’  Endocrinologie, Diabétologie et Métabolisme au CHUV a introduit son exposé. Pour chacun de ces organes l’ oratrice a montré comment il faut dépister et traiter ainsi que prévenir les complications diabétiques.
Les complications liées au diabète proviennent essentiellement de l’ hyperglycémie, ce qui va entraîner des complications vasculaires, hémodynamiques et inflammatoires avec à la fois les produits de la glycosylation avancée et l’ activation d’ autres mécanismes comme la protéine kinase, qui ont un impact au niveau micro- / macrovasculaire. Cela peut être une augmentation de la rigidité au niveau vasculaire ou endothélial, une vasoconstriction, une diminution des capacités de récupération et réparation au niveau endothélial et une inflammation chronique.
Mis à part l’ hyperglycémie d’ autres facteurs jouent un rôle : des facteurs de risque comme l’ hypertension, les lipides, mais aussi des facteurs génétiques dont on ne connaît pas encore en détail le rôle dans les complications liées au diabète et qui vont parfois expliquer pourquoi deux patients avec le même contrôle glycémique sur le même nombre d’ années de diabète ne vont pas avoir la même palette de complications.

Les maladies cardiovasculaires

Hypertension artérielle
Doit être recherché lors de toutes les consultations (éventuellement MAPA). Le cut-off retenu comme pathologique est de 140/90 mmHg. En cas de risque cardiovasculaire élevé (≥ 15 %) envisager une valeur cible de < 130/80 mmHg en décision individuelle, en intégrant l’ hypotension, l’ âge et d’ autres facteurs. Si le risque est faible (risque intermédiaire < 15 %), envisager une cible de < 140/90 mmHg.
Sur le plan thérapeutique la correction du style de vie (lifestyle) reste la pierre angulaire de tout traitement.
En cas d’ ACRh (3.4-30 mg/mmol) les IECA/ARA sont fortement recommandés, en particulier pour une valeur d’ ACR > 30 mg /mmol et/ou avec un eGFR < 60 ml/min. S’ il n’ y a pas d’ hypertension, que l’ ACR est < 3.4 mg/mmol et le eGFR normal, il n’ y pas d’ indication aux IECA/ARA. Surveiller la créatinine et le potassium.
Eviter la combinaison d’ un IECA avec un ARA.
Lipides
Établir le profil lipidique au moment du diagnostic. Répéter tous les 5 ans pour les moins de 40 ans, annuellement pour les plus de 40 ans. Calcul annuel des risques. Estimation du risque cardiovasculaire (prévention primaire), score de risque d’ infarctus du myocarde ou d’ événement coronarien dans les 10 ans selon PROCAM CH (score GSLA). Score de mortalité selon l’ ESC.
Risque de diabète sous traitement par statines : un patient sur 255 pendant quatre ans de traitement, mais 5,4 événements vasculaires évités.
L’ oratrice a présenté les différentes catégories de risque et les valeurs cibles correspondantes pour le cholestérol LDL selon les nouvelles directives de l’ ESC 2019.
Aspirine
Prescription en prévention secondaire. En prévention primaire lors de risque cardiovasculaire augmenté (risque accru de saignement GI).
Patients de plus de 50-70 ans : DM + 1 facteur de risque majeur (hypertension, dyslipidémie, tabagisme, insuffisance rénale) sans risque d’ hémorragie. À plus de 70 ans, les risques sont supérieurs aux bénéfices. À moins de 50 ans : si aucun facteur de risque n’ est présent, l’ aspirine n’ est pas nécessaire, si plusieurs facteurs de risque sont présents, il n’ y a pas de preuves cliniques suffisantes.

Maladies cardiovasculaires – dépistage et traitements

Si le patient diabétique est asymptomatique on ne fait plus de dépistage de routine d’ une maladie coronarienne, mais traite les facteurs de risque cardiovasculaire. Le dépistage isolé n’ améliore pas les résultats. Par contre, on considère un dépistage si les symptômes atypiques suivants sont présents : une dyspnée inexpliquée, des signes / symptômes d’ une maladie vasculaire (souffle carotidien, AIT, AOMI, anomalie ECG).
Pour la prise en charge on va traiter de manière conséquente les autres facteurs de risque comme le tabagisme, l’ hypertension et les dyslipidémies. On va bien sûr également cibler les glycémies pour les abaisser. Pour cela, deux nouveaux traitements sont disponibles, à savoir les inhibiteurs du SGLT-2 et les analogues du GLP-1.
Depuis 2008, il existe une obligation de démontrer la sécurité cardiovasculaire des traitements antidiabétiques. Les DPP-4i sont neutres dans les études SAVOR TIMI, Examine, TECOS, CARMELINA. Les SGLT-2i ont montré une réduction des évènements cardiovasculaires dans les études EMPA-REG, CANVAS (CANVAS R), CREDENCE, DECLARE-TIMI, pour CANA/dapa/empagliflozine. Les analogues du GLP-1 ont également montré une diminution des événements cardiovasculaires dans les études LEADER, ELIXA, SUSTAIN 6/PIONEER 6, EXSCEL, HARMONY, REWIND pour lira-/sémaglutide.
En cas d’ insuffisance cardiaque on ne devrait pas utiliser les thiazolidinediones. Une augmentation du nombre d’ hospitalisations a été documentée pour le DPP-4i saxagliptine. Les analogues du GLP-1 RA n’ ont pas d’ impact sur l’ insuffisance cardiaque. Les SGLT-2i par contre ont montré une diminution des hospitalisations de 35 % dans EMPA-REG OUTCOME, CANVAS, SAVOR TIMI, CREDENCE. Les SGLT-2i ont aussi montré un bénéfice sur l’ insuffisance cardiaque et sur la maladie rénale. Les SGLT-2i et les GLP-1 RA ont des effets comparables pour réduire les événements cardiovasculaires athérosclérotiques majeurs. Dans le DT2 avec maladie cardiovasculaire athérosclérotique on va utiliser les SGLT-2i ou les GLP-1 RA. Les SGLT-2i sont préférés en cas d’ insuffisance cardiaque ou de maladie rénale.

Maladie rénale chronique

Elle est caractérisée par un rapport albumine créatinine (ACR) pathologique et/ou une diminution du eGFR sans signes ou symptômes d’ une maladie rénale d’ une autre origine.
Une maladie rénale chronique est présente chez 20 %-40 % des patients diabétiques. Le diabète est la cause principale d’ atteinte rénale terminale. La maladie rénale augmente le risque cardiovasculaire.
Le diagnostic est posé après 10 pour le DT1 et au moment du diagnostic pour le DT2. Pour le diagnostic on évalue deux spots urinaires avec le dosage de l’ albumine/ et de la créatinine. La mesure de la créatinine et le calcul de la filtration glomérulaire selon CKD-EPI sont recommandés une fois/an pour le DT1 à partir d’ une durée de 5 ans, pour le DT2 à partir du moment du diagnostic (Attention aux erreurs en cas de fièvre, HTA, menstruations, ou exercice physique).
Au niveau du traitement on sait que le contrôle de la glycémie va retarder la progression de la maladie rénale, toutefois avec un certain délai (ACCORD, DCCT/EDIC). La tension artérielle sera optimisée à < 140/90 mmHg (< 130/80 selon le rapport risque/bénéfice). Pour ce faire plusieurs types de médicaments sont à disposition : les IECA/ARA sont fortement recommandés en cas de rapport ACR h(3.4-30mg/mmol), en particulier si ce rapport dépasse 30 mg/mmol et/ou en cas de eGFR < 60 ml/min. S’ il n’ y pas d’ hypertension artérielle, que le rapport ACR est normal (< 3.4 mg/mmol) et que le eGFR est normal, il n’ y a pas d’ indication pour donner un IECA ou un ARA. On n’ oubliera pas les antagonistes des R-minéralocorticoïdes, qui diminuent l’ albuminurie et ont des bénéfices cardiovasculaires.
Les SGLT-2i sont un excellent choix. On sait qu’ ils vont prévenir le déclin de la fonction rénale. Ils ont un effet aussi bien sur le eGFR que sur l’ albuminurie. Pour les GLP-1 RA on ne sait pas encore s’ ils ont un effet sur le eGFR mais ils ont un effet sur l’ albuminurie.

Rétinopathie

La rétinopathie diabétique est la cause la plus fréquente de cécité chez les adultes. Elle est en relation avec la durée du diabète et le contrôle glycémique. Elle est également associée au glaucome et à la cataracte. Au niveau du diagnostic on recommande un fond d’ œil 5 ans après le début du DT1 et au moment du diagnostic pour le DT2. S’ il n’ y a pas de rétinopathie et qu’ un bon contrôle glycémique soit assuré, le suivi peut être fait tous les deux ans. CAVE : Une amélioration trop rapide de la glycémie peut péjorer la situation oculaire.

Polyneuropathie

Polyneuropathie périphérique
Atteinte d’ abord des petites fibres (douleurs et dysesthésie), extension aux fibres larges avec anesthésie et perte de sensation et de protection par la suite.
Neuropathie autonome
Ne pas oublier de dépister surtout s’ il existe d’ autres complications microvasculaires, par exemple une insensibilité aux hypoglycémies, une tachycardie au repos, une hypotension orthostatique, ou encore des symptômes comme la constipation, des diarrhées, une diaphorèse, ou une dysfonction érectile.
Neuropathie cardiaque
Facteur de mortalité indépendant. Tachycardie au repos, hypotension orthostatique.
Neuropathie gastro-intestinale
Peut aussi influencer les glycémies. Entraine : Constipation/diarrhées, dysmotilité, incontinence.
Diagnostic : OGD/transit baryté, mesure de la vidange gastrique à 4h/ à l’ aide d’ un test respiratoire octanoique 13C, scintigraphie gastrique après un repas marqué.
Neuropathie génito-urinaire
Se manifeste par une dysfonction érectile, une dysmotilité vésicale, une éjaculation rétrograde, et/ou une baisse de la lubrification.
Le dépistage se fait également 5 ans après le diagnostic du diabète pour le DT1 , au moment du diagnostic pour le DT2, puis 1 fois/an. C’ est toujours un diagnostic d’ exclusion.
Les douleurs neuropathiques peuvent être traitées par la prégabaline (effet dans 30-50 %) à titrer, la gabapentine ou la duloxétine 60-120 mg/j.

Les pieds

Les ulcères et les amputations représentent la cause majeure de la mortalité/morbidité dans le DT2. 25 % des diabétiques développent un ulcère. 85 % des amputations non traumatique sont dues à un mal perforant.
Les facteurs de risque sont un mauvais contrôle glycémique, la polyneuropathie avec perte de la sensation de protection (loss of protective sensation), le tabagisme, des déformations, des callosités avec/sans hyperkératose, une peau sèche, des ulcères, une maladie artérielle périphérique, une rétinopathie, et l’ insuffisance rénale.
On veillera par conséquent à une inspection régulière et soigneuse de la peau et des pieds (callosités/hyperkératose, lésions, sudation réduite, peau sèche). Attention aussi aux déformations des pieds, ou des orteils (gros orteils rigides, orteils en griffe), ainsi qu’ aux mycoses.

Checklist pour le pied diabétique
L’ oratrice présente différentes mesures à prendre en fonction de la classe de risque, comprenant en résumé les élements suivants : décharge, débridement, antibiothérapie à large spectre (staph / strep). S’ il n’ y a pas d’ atteinte des tissus mous ou des os, la prise d’ antibiotiques n’ est pas nécessaire. Adresser le patient à un centre spécialisé.
Conseiller le patient : inspection quotidienne, chaussures adaptées, soins quotidiens des ongles et de la peau, (séchage, hydratation…), éviter les comportements à risque (marche à pieds nus), soins de podologie, consulter sans délai en cas de blessure.

Conclusion

  • Axer sur la prévention dès le diagnostic du diabète
  • Réévaluer le spectre des complications possibles annuellement ou plus fréquemment en cas d’ atteinte diabétique
  • Exploiter la palette des traitements non seulement à visée glycémique mais aussi pour prévenir les complications.
  • Prioriser les traitements ayant démontré une efficacité au niveau cardio-vasculaire / rénal.
Prof. em. Dr. Dr. h.c. Walter F. Riesen

riesen@medinfo-verlag.ch

FOMF Update Refresher Médecine interne, Endocrinologie et diabète, Lausanne 12.02. 2021.

la gazette médicale

  • Vol. 10
  • Ausgabe 3
  • März 2021