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Myocarde épaissi

Cœur d’athlète ou cardiomyopathie ?

Le cœur des sportifs peut simuler une cardiomyopathie. Mais la plupart du temps, ce n’est le cas que chez les sportifs de haut niveau. Pour pouvoir distinguer un cœur d’athlète d’une cardiomyopathie, il est nécessaire d’effectuer un diagnostic complet, y compris la détermination de la réserve de charge ventriculaire.



Des événements actuels lors du championnat d’Europe de football de cette année ont une fois de plus attiré l’attention des médias sur le thème de la mort cardiaque aiguë chez les sportifs. La principale cause de mort cardiaque subite chez les athlètes est la cardiomyopathie hypertrophique, suivie par les canalopathies comme le syndrome du QT long ou le syndrome de Brugada. « Mais la cardiomyopathie dilatée, restrictive, arythmogène du ventricule droit et la cardiomyopathie sans compression peuvent également être à l’origine de l’effondrement soudain d’un athlète », a expliqué le Pr Arno Schmidt-Trucksäss. La plupart du temps, un tel événement tragique est la première manifestation de la maladie, les patients ne s’étant pas fait remarquer auparavant. Or, chez les sportifs en particulier, la cardiomyopathie peut facilement passer inaperçue, c’est-à-dire que les modifications peuvent être interprétées à tort comme un cœur de sportif, ce qui peut avoir des conséquences fatales.

Similitudes avec les cardiomyopathies

La pression et le volume intermittents induits par le sport peuvent entraîner une dilatation des quatre cavités cardiaques. Il en résulte une hypertrophie ventriculaire gauche, avec une corrélation avec le volume d’entraînement. Il n’est pas rare que ces changements s’accompagnent de modifications de l’ECG, mais il peut être difficile de les distinguer d’une cardiomyopathie. Les athlètes d’endurance, en particulier, peuvent développer des modifications sous la forme d’une dysplasie du ventricule droit. Le ventricule droit est souvent dilaté, mais présente encore une fraction d’éjection ventriculaire droite presque normale. L’ECG montre souvent un bloc de branche droit ou des négativations en T au-dessus de la paroi antérieure. Dans un premier temps, cela peut déjà ressembler à une dysplasie ventriculaire droite arythmogène.

Critères de la CVDA

La cardiomyopathie ventriculaire doite arythmogène (CVDA) est une maladie génétique, c’est-à-dire qu’il existe une mutation dans le gène qui code pour les desmosomes. Il en résulte une perte des myocytes et une fibrose du myocarde avec des dépôts de graisse. L’électrocardiogramme montre différentes modifications et il n’est pas rare qu’un bloc de branche gauche apparaisse. Pour établir le diagnostic, des critères mineurs et majeurs sont exigés. Il s’agit notamment de la diminution de la FE du ventricule droit, de la mise en évidence de troubles de la mobilité de la paroi et/ou d’une dilatation du ventricule droit et de modifications de l’ECG. Le problème est que de nombreux sportifs remplissent ces critères sans être malades. Le volume du ventricule droit à lui seul est souvent de 230 ml chez les sportifs de haut niveau, ce qui constitue en fait un critère pour la CVDA. Pourtant, une onde epsilon n’a encore jamais été décrite chez les sportifs. En revanche, des négativations T biphasiques et une dilatation ventriculaire droite ou même biventriculaire peuvent également se produire chez les sportifs, de sorte que ces seuls critères ne permettent pas de poser le diagnostic de CVDA.
Une échocardiographie de stress peut être réalisée afin de déterminer si le ventricule droit peut adapter sa fonction en cas d’augmentation de l’effort ou s’il existe une réserve d’effort réduite. Cette dernière hypothèse est plutôt en faveur d’une CVDA.

Recommandations pour la pratique

Dans la pratique, deux paramètres ont fait leurs preuves pour distinguer le cœur d’athlète de la CVDA en cas de détection d’une dilatation du ventricule droit :

  • Le nombre d’heures de sport pratiquées est indicatif, voire décisif. Chez les sportifs qui ne s’entraînent pas plus de 3 ou 4 heures par semaine, il est peu probable que la dilatation du ventricule droit soit l’expression d’un effort sportif. Il faudrait probablement 20 heures par semaine à pleine charge pour déclencher une dilatation du ventricule droit comme expression du cœur du sportif.
  • Les négativations T au-dessus de la paroi antérieure sont très fréquentes chez les sportifs et ne peuvent donc pas être utilisées comme critère CVDA. Mais chez les sportifs symptomatiques ou chez les sportifs ayant des antécédents familiaux ou une mort cardiaque subite inexpliquée, il faut penser à une CVDA en cas de détection d’un ventricule droit anormal et la vérifier par un test génétique.
Dr. med.Peter Stiefelhagen

la gazette médicale

  • Vol. 10
  • Ausgabe 6
  • Dezember 2021