- Visites médicales evidence-based à l’ hôpital
Une étude effectuée dans les services de médecine de trois hôpitaux helvétiques apporte un soutien « evidence-based » à cette pratique. Cette étude randomisée contrôlée a comparé l’ effet de ces deux pratiques (visite en 2 temps vs entièrement dans la chambre) sur la compréhension de patients adultes (N = 919, âge moyen ~ 65 ans, ~ 39 % de femmes) concernant leurs soins (maladie, traitement, plan de prise en charge) (1). Les résultats montrent que les deux pratiques sont rigoureusement similaires en termes de compréhension des patients concernant leurs soins. Par contre, les patients randomisés aux visites se déroulant entièrement en chambre rapportaient significativement plus d’ incertitude en raison des discussions entre professionnels et significativement plus de confusion liée au jargon médical utilisé pendant ces discussions. Plus alarmant encore, si les visites se déroulant entièrement en chambre étaient plus courtes (2.5 minutes en moyenne), les thèmes sensibles (diagnostic de tumeur, échec de traitement, problèmes d’ addiction ou psychiatriques, conflits et problème sociaux) y étaient aussi significativement moins souvent abordés (OR 0.72, 95 %CI 0.54-0.97, p = .033) que durant les visites avec préparation initiale hors chambre.
Les auteurs de cette étude doivent être félicités pour ce travail rigoureux dont les résultats, observés dans un collectif relativement jeune, s’ appliquent vraisemblablement tout autant aux patient-es âgé-es et très âgé-es. Notre pratique en sort renforcée : préparer la visite hors chambre en déterminant les points d’ anamnèse et de status à préciser avec le/la patient-e, ainsi que les problèmes spécifiques (investigations, traitements) à discuter avec lui/elle AVANT d’ être en sa présence. Ces éléments doivent ensuite s’ insérer dans l’ interaction où, après les présentations d’ usage, une question ouverte générale (« Comment allez-vous ? ») permet d’ ouvrir explicitement la porte aux doléances du/de la patient-e et, le plus souvent, d’ identifier précocement ses préoccupations. Celles-ci diffèrent parfois (souvent !) des nôtres et obscurciront tout l’ horizon du patient tant qu’ elles n’ auront pas été explicitement abordées. L’ interaction se poursuit en abordant systématiquement (en évitant le jargon médical !) les chapitres qui façonnent la plupart des séjours hospitaliers de nos patient-es :
1) douleurs et autres symptômes gênants ; 2) appétit et transit ; 3) qualité du sommeil ; 4) moral ; 5) mobilité ; 6) interaction avec les thérapeutes ; 7) durée estimée du séjour ; 8) projet d’ orientation à la sortie.
Le prix à payer est probablement une visite un peu plus longue, mais certainement plus fructueuse car constituée (presqu’ ) essentiellement d’ une interaction directe avec le/la patient-e plutôt qu’ un mélange alternant discussions avec le/la patient-e (un peu) et entre professionnels (beaucoup et créant de l’ insécurité chez le patient).
Bonne visite !
Pr Christophe Büla, Lausanne
Christophe.bula@chuv.ch
Références :
1. Becker C, Gamp M, Schuetz P, et al. Effect of bedside compared with outside the room patient case presentation on patients’ knowledge about their medical care. A randomized, controlled, multicenter trial. Ann Intern Med 2021doi:10.7326/M21-0909