- Les antihistaminiques ne sont pas toujours efficaces
Un certain nombre de maladies systémiques et diverses affections cutanées s’ accompagnent de démangeaisons. L’ administration d’ un antihistaminique n’ est utile que si les mastocytes, c’ est-à-dire l’ histamine, sont responsables des démangeaisons. Ce qui n’ est pas le cas pour la dermatite atopique.
L’ éventail des maladies qui s’ accompagnent de démangeaisons est large. En principe, on distingue les causes dermatologiques et les causes systémiques. Ces dernières comprennent le diabète sucré, l’ insuffisance rénale chronique, les néoplasies hématologiques comme la polycythaemia vera, les paranéoplasies, les maladies hépatiques cholestatiques et les neuropathies. Du point de vue dermatologique, il convient de distinguer si le prurit se développe sur une peau primitivement inchangée ou primitivement modifiée, c’ est-à-dire en cas de dermatose. « Mais des lésions secondaires dues au grattage peuvent prédominer, de sorte qu’ il n’ est pas possible de les classer précisément dans l’ un des deux groupes », explique le Pr Thomas M. Kündig de Zurich. Il y a aussi des patients chez qui il y a plus d’ une cause (prurit multifactoriel) ou chez qui on ne trouve pas de cause (prurit sine materia), a-t-il ajouté.
Dermatite atopique : le dupilumab est une approche thérapeutique novatrice
La dermatite atopique est la maladie inflammatoire chronique de la peau la plus fréquente. Environ 30 % des patients présentent une forme modérée ou sévère. Le facteur de risque le plus important est une anamnèse familiale positive, c’ est-à-dire que le taux d’ héritabilité est exceptionnellement élevé (80 %). Les facteurs physiopathologiques décisifs sont un trouble de la barrière épidermique et une dysrégulation immunitaire. On constate ainsi une diminution de l’ expression des protéines de la barrière épidermique, qui agissent comme des protéines de liaison entre les cellules. La diminution de l’ expression de ces protéines structurelles peut être causée par des mutations de la filaggrine. De telles mutations de la filaggrine provoquent une ichtyose vulgaire, qui augmente à son tour le risque de dermatite atopique. Mais une composition altérée des céramides épidermiques joue également un rôle. Le dysfonctionnement de la barrière épidermique entraîne une modification du microbiome cutané, notamment de la composition des staphylocoques. Les staphylocoques ne sont certes pas la cause de la dermatite atopique, mais ils en sont les principaux déclencheurs.
Les cellules T jouent un rôle central dans la dysrégulation immunitaire cutanée. Ainsi, des signes d’ inflammation de type 2 sont déjà présents dans la peau non lésionnelle et cette inflammation augmente nettement dans les lésions. Mais chez les patients atteints de dermatite atopique, les taux de marqueurs pro-inflammatoires dans le sérum sont également élevés, ce qui indique une inflammation systémique.
Avec l’ anticorps monoclonal entièrement humain dupilumab (Dupixent®), une nouvelle approche thérapeutique ciblée est disponible pour la première fois. Il est dirigé contre la chaîne alpha des interleukines 4 et 13 et bloque ainsi l’ action de ces deux cytokines au niveau du récepteur. La substance est appliquée toutes les deux semaines à raison de 300 mg. Les lignes directrices 2018 de l’ EDF recommandent le dupilumab chez les patients souffrant d’ eczéma atopique modéré ou sévère, pour lesquels un traitement topique n’ est pas suffisant et un autre traitement systémique n’ est pas indiqué. Un tiers d’ entre eux ne présentent plus de symptômes sous monothérapie ; pour les autres, le traitement topique doit être poursuivi avec un stéroïde ou un inhibiteur de la calcineurine. L’ effet maximal sur les efflorescences est atteint au bout d’ un mois seulement, tandis qu’ il faut un peu plus de temps pour les démangeaisons. « L’ administration d’ un antihistaminique n’ est pas efficace dans la dermatite atopique, car l’ histamine n’ a pas d’ importance dans la pathogenèse », explique le Pr Kündig.
Urticaire chronique : toujours un antihistaminique de 2ème génération
L’ urticaire est l’ apparition induite ou spontanée de papules œdémateuses et/ou d’ un angio-œdème. Alors que les papules se caractérisent par un gonflement central du derme supérieur et moyen et un érythème, et qu’ elles provoquent des démangeaisons ou une sensation de brûlure et disparaissent dans les 24 heures, l’ angio-œdème, qui se caractérise par un gonflement du derme et de l’ hypoderme, est douloureux et peut durer jusqu’ à 72 heures. L’ urticaire peut, mais ne doit pas nécessairement, être l’ expression d’ une allergie, les médicaments et les aliments étant les déclencheurs les plus fréquents. L’ urticaire induite par des stimuli physiques (frottement, froid, pression, chaleur, lumière, vibration) et l’ urticaire aquagénique ou de contact sont plus rares.
S’ il n’ y a pas de facteur déclenchant, on parle d’ urticaire spontanée. Si celle-ci dure plus de six semaines, le diagnostic est « urticaire chronique spontanée ». Cette maladie, qui n’ a rien à voir avec une allergie, apparaît généralement entre 20 et 40 ans, avec une prévalence à vie d’ environ 2 %. Chez 60 % des patients, elle se manifeste uniquement par des papules, chez 33 % par des papules œdémateuses et des angio-œdèmes et chez 6 % par des angio-œdèmes uniquement. Les papules peuvent se manifester de manière répétée pendant de nombreuses années, mais elles n’accompagnent pas le patient toute sa vie. Il convient en premier lieu d’ établir un diagnostic différentiel entre ce tableau clinique et d’ autres maladies similaires telles que la mastocytose, la vascularite, l’ angio-œdème héréditaire, etc.
Les mastocytes sont les cellules clés dans la pathogenèse de la réaction urticarienne. Ils peuvent être activés par des allergènes exogènes, mais aussi par des auto-antigènes, on parle alors d’ urticaire auto-immune ou auto-allergique. Mais des infections chroniques, surtout dans les domaines dentaire, oto-rhino-laryngologique ou gastro-intestinal, comme Helicobacter pylori, peuvent également déclencher une urticaire chronique spontanée. Il en va de même pour l’ intolérance non allergique aux conservateurs et aux colorants dans les aliments ou aux médicaments comme les AINS. Dans environ 80% des cas, on ne parvient pas à trouver la cause réelle malgré des efforts intensifs. Il est toutefois judicieux d’ arrêter les médicaments suspects comme les analgésiques et d’ éviter d’ autres déclencheurs comme le stress.
L’ urticaire chronique spontanée n’ est pas un trouble de l’ état général. Au contraire, la qualité de vie est fortement compromise. Les personnes concernées ne se plaignent pas seulement de démangeaisons atroces, mais aussi de troubles du sommeil et de la concentration, de stigmatisation et de restriction des relations sociales. Comme il n’ existe pas de traitement causal, il ne reste que le traitement symptomatique. Les anthistaminiques constituent le traitement de base. En raison de leur effet secondaire sédatif, seuls ceux de la deuxième génération (desloratidine, loratidine, cétirizine, lévocétirizine, fexofénadine, ébastine, rupatadine) devraient être utilisés aujourd’ hui. Cela vaut également pour les femmes enceintes et les enfants. Si aucune amélioration n’ est obtenue après 2 semaines avec la posologie standard, la posologie doit être augmentée jusqu’ à 4 fois. Selon Kündig, les antihistaminiques de la première génération ne devraient plus être prescrits aujourd’ hui, et ce en raison de leur effet secondaire sédatif. En effet, celui-ci n’ entraîne pas une amélioration de la qualité du sommeil, mais même une détérioration, car les phases REM, importantes pour la récupération, sont supprimées. Pour les cas réfractaires, il existe un anticorps monoclonal contre les IgE, l’ omalizumab, qui est déjà utilisé avec succès depuis de nombreuses années pour traiter l’ asthme bronchique réfractaire. Il est également possible d’ essayer un traitement au montelukast ou à la ciclosporine A. En revanche, un traitement continu par stéroïdes n’ est pas judicieux.
Chez les patients souffrant de fortes démangeaisons sans cause, il est recommandé d’ administrer un anticonvulsivant comme la gabapentine ou la prégabaline et/ou un antidépresseur. La capsaïcine, un alcaloïde présent dans différentes espèces de piments, et le polidocanol, un anesthésique local, sont des agents thérapeutiques topiques disponibles.