- Marianna Gawrysiak et son œuvre « L’ avancée en âge – Ses richesses, ses écueils »
Intéressée aux moyens modernes de communication, elle a développé un site web où elle fait part de son expérience professionnelle et relationnelle (www.avant-age.ch). Dans ces « Propos d’ une gérontopsychologue » (sous-titre du site), elle parle de son travail et apporte des conseils. « Aux connaissances théoriques acquises au cours des études, dit-elle, s’ ajoute l’ enseignement retiré chaque jour de mes rencontres avec des personnes âgées, de leurs histoires de vie, de leurs souffrances, mais aussi de leur courage ».
Parallèlement, elle a développé un questionnaire qu’ elle adresse à des personnalités (dont deux anciens membres du Conseil fédéral !) ayant dépassé l’ âge de 75 ans, sollicitant leur sentiment sur plusieurs aspects du fait de devenir vieux. Questionnaire pas aussi connu à ce stade que ceux de Proust ou de Bernard Pivot mais qui sait, on verra …
C’ est ce double contenu, enrichi au cours du temps, qui constitue le présent ouvrage. Les sujets sont variés, les approches diverses, toujours avec le souci d’ être utile aux lecteurs/trices. Un éventail substantiel sur ce qui se joue dans l’ âge avancé, les difficultés comme les joies. Des sujets allant de l’ amitié et l’ amour à la créativité, de l’ humour à la dépression, des chutes à la douleur et aux médicaments, en passant par les modes de vie sains. J’ ai été sensible à son chapitre sur santé mentale et migration et la nécessité d’ une approche transculturelle (ethnopsychiatrie). Est traité le sujet délicat de la fin de vie, avec la problématique Exit dont il ne faut pas craindre de parler.
Avec les patients Alzheimer : « Soutenir l’ espoir, prendre ses distances avec toute prédiction/« condamnation » hâtive (…) Contre les clichés dévastateurs et majoritairement négatifs de la maladie d’ Alzheimer, il est primordial de reconnaitre que les compétences affectives et intellectuelles perdurent durant des années chez les personnes diagnostiquées assez tôt ».
On trouve des règles de « bonne conduite » (!), pour maintenir son potentiel d’ activité et de plaisir. Des textes sur l’ entrée et la vie en EMS (y compris « mon EMS idéal » !). Et des chapitres culturels comme celui consacré aux livres-témoignages et aux films qui ont mis en scène des personnes souffrant d’ Alzheimer et leurs proches − on notera aussi que Marianna G. a été la cheville ouvrière, au sein du Réseau fribourgeois de santé mentale, de la création et de la vie d’ un Espace culturel, « Le Vide-poches ».
En tout
des textes bien informés, sur un mode pratique. A la fois une lecture agréable voire distrayante, vingt-huit séquences nourrissantes, bien écrites, avec en contrechant, à chaque fois, la réponse d’ une personnalité au Questionnaire. Large panorama des enjeux dans une société vieillissante. Un ensemble, dit l’ autrice, qui doit faire éviter « qu’ on oublie ce que l’ âge − et le grand âge − recèle de richesses, et même d’ enchantements ».
Travail d’ une passeuse de son expérience, de tonus et de plaisir à vivre − même quand c’ est difficile. Motivée par ce mot du comédien américain George Burns : « Je m’ intéresse à la vieillesse, parce que c’ est là que je vais passer le reste de ma vie ».
Dr Jean Martin
Source : Marianna Gawrysiak, L’avancée en âge – Ses richesses, ses écueils, Vevey: Editions de l’Aire, 2022, 380 pages