Editorial

40 ans de neurologie : de la botanique à la thérapeutique



La célébration des 40 ans du CHUV l’ automne passé a fourni l’ occasion pour chacune des spécialités médicales de se retourner sur leurs activités au cours des quatre décennies écoulées. L’ exercice s’ est révélé fort instructif, en tout cas pour ce qui concerne la neurologie.

A l’ instar de beaucoup de mes contemporains, lorsque j’ ai débuté ma formation post-graduée et que j’ évoquais l’ éventualité de devenir neurologue, on me rétorquait avec une certaine suffisance que c’ était certes une très belle discipline, chasse gardée de distingués cliniciens, mais qu’ elle était essentiellement futile puisque ne conduisant à aucun traitement. Le neurologue tenait plus du botaniste classifiant ses échantillons, que du thérapeute rédigeant une ordonnance.

Si cette vision caricaturale pouvait peut-être avoir un petit fond de vérité à l’ époque, elle est désormais à ranger au placard. Jugeons-en plutôt :
De nos jours, si une personne est amenée aux urgences dans les heures qui suivent son AVC (« time is brain »), elle a de fortes chances d’ avoir un déficit significativement moindre qu’ à son entrée à l’ hôpital, voire plus de déficit du tout. Se retrouver le matin devant un patient âgé qui vous dit bonjour et vous serre la main et dont on vous explique que la veille au soir il était aphasique et hémiplégique tient presque du miracle.

Certes, il n’ existe toujours pas de traitement curatif pour la maladie de Parkinson, mais une connaissance de plus en plus fine de la pharmacopée et le développement de la stimulation cérébrale profonde permettent désormais à des patients rigides et akinétiques de remarcher, de refaire société.

Dans la sclérose en plaques, d’ immenses progrès thérapeutiques ces 30 dernières années ont permis non seulement de diminuer l’ intensité et la fréquence des poussées, mais surtout de retarder toujours davantage l’ entrée dans la phase progressive, offrant ainsi à des patients en âge AVS la possibilité de mener une vie indépendante.

Ces quelques exemples fort réjouissants, témoignent de la vitalité de notre spécialité. Mais les défis qui attendent la neurologie pour les 40 prochaines années sont à la mesure. Le neurologue sera aux premières loges pour assister au vieillissement de la population et son cortège de maladies neuro-dégénératives, pour lesquelles il n’ y a souvent pas de traitements. Et si d’ aventure ceux-ci deviennent disponibles, il est à craindre que leurs prix soient prohibitifs. L’ augmentation débridée des coûts de la santé ainsi que la contribution importante de ce secteur au désordre environnemental vont fortement impacter nos habitudes thérapeutiques (1).

Une partie de la solution passe par une excellente formation post-graduée du futur neurologue qui développera ainsi les compétences lui permettant de prescrire moins d’ examens inutiles ou de traitements futiles. Et, après des décennies où la thérapeutique fut reine, il nous faudra désormais redonner tous ses titres de noblesse à la prévention. Un exemple saisissant nous est offert par la maladie d’ Alzheimer : même si cette maladie demeure un véritable problème, le « raz-de-marée » prédit par certains ne s’ est pas vraiment vérifié. La raison ? La lutte contre les facteurs de risque cardio-vasculaire, en particulier l’ HTA, contribue significativement à la diminution observée de l’ incidence de cette maladie (2).

 

Pr Renaud Du Pasquier
Chef du Service de neurologie
UNIL/CHUV

la gazette médicale

  • Vol. 12
  • Ausgabe 2
  • März 2023