Neurologie/Démence

La neurologie a sa place dans les consultations pluridisciplinaires de la mémoire

Mouvements anormaux et troubles cognitifs

La survenue de mouvements anormaux dans le cadre d’ une trouble cognitif léger ou sévère peut apporter des informations importantes au diagnostic. Il convient tout d’ abord de relever si ces mouvements surviennent dans la phase prodromale, d’ état ou terminal de la maladie. Si certaines affections comme la chorée de Huntington ou le parkinsonisme, les maladies à prions et les encéphalites autoimmunes débutent volontiers avec une dyskinésie et finissent avec un trouble cognitif plus ou moins sévère, d’ autres comme la maladie d’ Alzheimer commencent par les troubles cognitifs ou des troubles cognitivo-comportmentaux pseudo-psychiatriques comme la démence fronto-temporale et évoluent avec un syndrome akinétique parkinsonien, des dyskinésies, et une maladie du motoneurone.



Il s’ agit ensuite de déterminer si les troubles moteurs sont d’ installation progressive, aiguë ou intermittente voire paroxystique. En premier lieu. Il s’ agit de voir dans la liste des médicaments s’ il existe de potentiels perturbateurs (neuroleptiques de première génération, dompéridone, antiépileptiques, antidépresseurs, lithium…).

Les réflexes archaïques et les syndromes de dépendance à l’ environnement

Les réflexes archaïques : grasping manuel, oral avec wolfing (morsure), visuel, podal, les réflexes péri-oraux, de la moue (snout), palmomentonier, de la glabelle (nasopalpébral ou Meyerson), la paratonie ou Gegenhalten (oppositionnelle, d’ accompagnement du mouvement passif ou de non-relaxation sur demande) ne sont pas spécifiques mais orientent vers une atteinte frontale.
Les comportements de dépendance à l’ environnement (préhension-manipulation forcée, carphologie, autograsping), échophénomènes (écholalie répétition de la question ou de la phrase, échopraxie : copie des gestes de l’ examinateurs), comportement d’ utilisation d’ objets présents devant le patient, orientent vers une pathologie frontale. Les stéréotypes (mouvements ou paroles répétitives) également. Ils sont classiquement présents dans les atrophies fronto-temporales et la paralysie supranucléaire progressive.

Les dyskinésies ou hypercinésies

La reconnaissance du type de mouvement anormal est primordiale. Parmi les hypercinésies ou dyskinésies on distinguera les myoclonies, les tremblements, les chorées, les dystonies, les stéréotypies, et les akathisies. Parmi les syndromes akinétiques le syndrome parkinsonien, le continuum de l’ apathie au mutisme akinétique et à la catatonie. Viennent ensuite les ataxies, les atteintes du motoneurone central et périphérique, les troubles de la marche et les troubles moteurs du langage.
Le tremblement est certainement le mouvement anormal le plus représenté dans les démences, mais plutôt par son association à l’ âge sauf dans le syndrome parkinsonien. Mouvement sinusoïdal régulier autour d’ une articulation, il peut se présenter aux membres supérieurs, inférieurs, sur la face ou le menton, la musculature cervicale. S’ il est postural et en général lié à l’ âge, il n’ a pas de connotation particulière avec les troubles cognitifs. En revanche, de type parkinsonien, de repos, asymétrique, avec disparition au début de l’ action avec une réémergence au maintien de la posture ou associant une composante de repos et d’ action de type tremblement essentiel, plutôt symétrique et familial, les autres composantes du syndrome parkinsonien (brady-hypo-akinésie, amimie, hypophonie, micrographie, marche à petits pas en antéflexion avec un tremor de repos et une diminution du ballant, difficulté au retournement et rétropulsion) sont à rechercher. S’ il est associé à un trouble cognitif, il attire l’  attention vers une synucléopathie (démence du Parkinson à début tardif, maladie à corps de Lewy) en présence de fluctuations cognitives, d’ hallucinations, de troubles du comportement du sommeil paradoxal, d’ hypersomnie ou de fausses reconnaissances. Un DAT scan et au scan au MIBG confortent ce dernier diagnostic. Les parkinsonismes sur tauopathie (paralysie supranucléaire progressive, syndrome cortico-basal) ou les formes vasculaires prédominant aux membres inférieurs ne tremblent en général pas ou ont un tremor myoclonique (brusque) ou dystonique (associé à une posture anomale). Un tremblement associé à une ataxie et un trouble cognitif doit suggérer également le FAXTAS (syndrome de X fragile avec un autisme ou un retard mental à rechercher dans la deuxième génération et une anomalie de signal dans les pédoncules cérébelleux moyens à l’ IRM).
Les myoclonies, brèves contractions ou perte soudaine (astérixis ou myoclonies négatives) de tonus musculaire, non suppressibles et persistant dans le sommeil sont en général de mauvais pronostic en présence de troubles cognitifs. Dans une maladie d’ Alzheimer, les myoclonies souvent spontanées et multifocales, signalent une évolution rapide et se présentent en fin d’ évolution avec des crises épileptiques occasionnellement. Les maladies à prions associent classiquement des myoclonies et un sursaut pathologique à une ataxie. Les myoclonies sont focales puis multifocales, au repos, en posture ou à l’ action, spontanées ou en réponses au stimulus (sensitifs, lumière, bruit, proprioceptifs). La variante pseudo-prion de la maladie à corps de Lewy, d’ évolution galopante est un diagnostic différentiel, tout comme les syndromes paranéoplasiques. Chez un jeune, une forme autoimmune à anticorps antineuronaux est à rechercher. Les endocrinopathies (thyroïdienne) et les médicaments (lithium, inhibiteurs du recaptage de la sérotonine) sont parfois des facteurs confondants.
Une chorée, si elle survient précocement, peut être confondue avec des tics, mais oriente avant tout sur une chorée de Huntington. Il s’ agit de mouvements brefs, fluents le long des membres, augmentant au stress et é l’ action, dont le patient est anosognosique ou qu’ il camoufle. On recherchera une hypotonie et des réflexes pendulaires, une impersistance motrice (impossibilité à maintenir une posture ou un mouvement fixe). Les maladies à prions, les encéphalites autoimmunes, surtout chez les jeunes, les endocrinopathies (thyroïdiennes) et des maladies plus rares, dégénérescence dentato-pallido-rubrale DRPLA, ou certaines dégénérescences cérébelleuse (SCA 17) ou les maladies à inclusions neuronales intranucléaires (NIID). Une hémichorée hémiballisme fugace d’ évolution spontanée peut baliser un trouble cognitif vasculaire microangiopathique, un lupus ou des maladies métaboliques adultes rares.
Une dystonie, co-contraction durable des muscles agonistes et antagonistes engendrant des postures anormales et des mouvements anormaux peuvent se voir surtout au niveau cervical, rachidien ou asymétrique dans les tauopathies (paralysie supranucléaire progressive, dégénérescence cortico-basale).
Un trouble cognitif associé à une ataxie doit faire exclure une encéphalopathie de Gayet Wernicke s’ ils s’ y associent des troubles oculomoteurs et une installation aiguë. Les maladies à prions sont toujours à exclure dans ces situations par une IRM avec des séquences de diffusion et un rtc test. La variante très ataxique familiale de Gerstmann-Sträussler-Scheinckker est rarissime. Les encéphalites autoimmunes (anticorps antineuronaux) ou paranéoplasiques, le FAXTAS, les maladies métaboliques tardives (Niemann-Pick de type C). A relever que les atrophies multisystémiques de type MSA C avec ataxie et dysautonomie ne font généralement pas de troubles cognitifs ou très mineurs exécutifs, mais les NIID peuvent le faire avec un trouble cognitif.

Un parkinson avec des troubles cognitifs légers ou sévère implique le syndrome parkinsonien idiopathique à début tardif, la maladie à corps de Lewy, les Parkinson démences du groupe des tauopathies (paralysie supranucléaire progressive, dégénérescence cortico-basale), les démences fronto-temporales avec motoneurone et parkinsonisme souvent discret TDP 43, c9orf72, PRGN, MAPT/tau, (très rare : FUS, VCP, CHMP2B), les calcifications de noyaux gris, les parkinsonismes vasculaires, les formes post-encéphaliques, médicamenteuses, les séquelles de radio- et de chimiothérapie, les encéphalopathies hépatiques sévères. Un syndrome parkinsonien asymétrique avec apraxie, dystonie, myoclonies, rigidité, spasticité et phénomène de main étrangère, troubles sensitifs discriminatifs, oriente vers une tauopathie de type dégénérescence cortico-basale, les variantes apraxiques sans parkinsonisme avec posturing dystonique vers une atrophie focale de type Alzheimer ou TDP 43. Un tableau de paralysie supranucléaire oculomotrice (regard vers le bas puis vertical complet), blépharospasme, avec parkinsonisme dopa-résistant axial et proximal avec sévères troubles de la marche avec freezing et chutes précoces, apathie, syndrome de dépendance à l’ environnement et troubles moteurs du langage oriente vers un syndrome de type paralysie supranucléaire progressive de type Richardson tau 4R dont l’ histologie est le plus souvent une tauopathie, mais peut aussi être une DFT de type TDP 43 plus rarement PRGN. Des présentations purement langagières de tauopathies de type PSP ou CBS histologiques, de maladie d’ Alzheimer ou de TDP 43, PRGN et c9orf72 sont décrites. Les mutations tau MAPT réalisent des syndromes parkinsoniens plus ou moins complexes associés à une DFT et une atteinte du motoneurone peu sévère. Les NIID peuvent aussi le faire, avec ataxie et dysautonomie.
Les troubles neurocognitifs vasculaires micro-angiopathiques s’ associent volontiers à des troubles de la marche dits fronto-striés aussi appelés parkinsonisme des membres inférieurs avec difficulté d’ initiation, sensibilité à la double tâche, difficulté au retournement avec aimantation, marche avec polygone élargi, petits pas mais ballant préservé, non trémulant, parkinsonisme axial et proximal essentiellement akinétique et rigide avec parfois spasticité et paratonie, un syndrome pseudobulbaire et des microsignes multifocaux (pyramidaux, champ visuel, ataxie…).
Des signes d’ atteinte du motoneurone central, périphérique ou pseudobulbaire doivent orienter vers un diagnostic d’ atrophie fronto-temporale de type c9orf72 ou TDP 43, plus rarement tau/MAPT, FUS ou VCP.
A relever que les troubles de la marche se rencontrent quasiment toujours dans les stades terminaux de tous les troubles cognitifs sévères, de même que les positions fœtales en toute fin d’ évolution.

Pr Joseph-André Ghika

Service de Neurologie
Hôpital du Valais
Av Gd Champsec 90
1950 Sion

Joseph.ghika@hopitalvs.ch

L’ auteur n’ a pas déclaré aucun conflit d’ intérêts en relation avec cet article.

  • La survenue de mouvements anormaux dans le cadre de troubles cognitifs apporte une orientation diagnostic sans toutefois apporter une spécificité absolue.
  • Leur apparition dans la phase prodromale, d’ état ou terminale de la maladie, après évaluation du rôle de la médication dans leur apparition est également utile au diagnostic, mais ne peut y amener que grâce à la synthèse de l’ analyse des biomarqueurs biologiques, y compris génétiques, radiologiques et électrophysiologiques.
  • L’ aide d’ un spécialiste en neurologie pour leur analyse fine justifie la présence du neurologue dans les consultations pluridisciplinaires de la mémoire.

S’adresser à l’auteur.

la gazette médicale

  • Vol. 8
  • Ausgabe 7
  • Dezember 2019