Vaccins contre le COVID-19

Douze vaccins contre le COVID-19 ont été approuvés dans le monde en mars 2021. Leur utilisation massive permettra de mettre fin à la pandémie. Outre les formats habituels, qui comprennent les virus inactivés (4 vaccins approuvés) et les vaccins à base de protéines (2 vaccins approuvés), deux nouveaux formats ont été validés : adénovirus recombinants (4 vaccins approuvés) et ARN messager (ARNm, 2 vaccins approuvés). Ce dernier fut le plus rapide (approuvé en 2020 dans l’ UE, aux États-Unis et en Suisse). La Suisse a réservé un vaccin protéique, un vaccin adénoviral et trois vaccins à ARNm. Je décris ici les différents formats de vaccins contre le COVID-19, je passe en revue les vaccins réservés par la Suisse et j’ indique pourquoi les vaccins à ARNm sont les plus bénéfiques.

Depuis la démonstration du principe de la vaccination par Jenner (à l’ aide du virus de la variole de la vache « vacca »), les virus atténués (p.ex., le virus de la fièvre jaune) et inactivés (p.ex., le virus de la grippe) sont des vaccins efficaces. Leur production qui nécessite des cellules animales (ou des œufs), peut parfois être difficile (surtout si le virus est lytique), et leur purification à partir de la culture cellulaire ne peut pas être trop poussée, sinon ils seraient détruits. Par conséquent, les vaccins à base de virus entiers contiennent des impuretés issues de la production qui peuvent poser des problèmes en induisant une immunité inutile ainsi que des intolérances/allergies.
Les vaccins sous-unitaires, en revanche, se sont révélés sûrs et efficaces et sont un peu plus faciles à produire, à purifier et à stocker (p.ex., l’  antigène de l’ hépatite B : HBsAg). Cependant, ils doivent être adjuvantés. Plus récemment, des vaccins ont été générés sur la base de virus recombinants. L’ avantage dans ce cas est d’ utiliser les conditions de production et de se baser sur les profils de sécurité et d’ efficacité établis pour les virus atténués modifiés (p.ex., les adénovirus). Ce type de vaccin a été approuvé pour la protection contre Ebola pas plus tard qu’ à l’ été 2020 (Source A).
Enfin, depuis la fin des années 1990, des sociétés (à commencer par celle que j’ai cofondée : CureVac) développent des vaccins basés sur des ARNm synthétiques transcrits in vitro (ARNm ivt) (1-6). Ce format a été négligé car les communautés scientifiques et médicales pensaient à tort que l’ ARNm était une molécule fragile. Or, ceci est incorrect. En raison de l’omniprésence des RNases, des enzymes qui dégradent rapidement l’ ARN, la manipulation de l’ ARNm doit certes s’ effectuer dans des conditions spéciales «sans RNase». Cependant, les molécules d’ ARNm en tant que telles sont très stables sur le plan physico-chimique en l’ absence de RNases. Elles peuvent être congelées, décongelées, lyophilisées et remises en suspension sans perdre leur fonctionnalité (1). En fait, l’ ARNm est la seule molécule biologique qui peut être chauffée jusqu’ à 95 °C sans perdre son activité. D’ autres molécules biologiques telles que l’ ADN ou les protéines (et les virus), perdent leur fonctionnalité lorsqu’ elles sont chauffées à 95°C. Ainsi, de manière contre-intuitive, l’ ARNm est la molécule biologique la plus stable pour la production de vaccins. En revanche, les liposomes, qui sont éventuellement utilisés pour formuler des vaccins à ARNm, peuvent ne pas être stables, c’ est pourquoi les vaccins à ARNm actuels doivent être conservés à basse température. L’ Union européenne a reconnu la grande stabilité de l’ ARNm vaccinal en décernant à CureVac un prix de 2 millions d’ euros en 2014 pour des vaccins pouvant être stockés à température ambiante (Source B).
Néanmoins, le préjugé selon lequel l’ ARNm était instable a persisté dans les communautés scientifiques et médicales et a affecté le développement de médicaments à base d’ ARNm au cours des vingt dernières années. La pandémie de coronavirus en 2020 a constitué un tournant définitif autour de ce préjugé et a permis au vaccin à ARNm de montrer son potentiel (production rapide et facile, sécurité et efficacité), devenant le premier format de vaccin à être approuvé contre le COVID-19, moins d’ un an après la publication de la séquence virale (7). Suite à cette validation remarquablement rapide, un certain nombre de vaccins anti-SRAS-CoV-2 basés sur des adénovirus atténués recombinants, sur des protéines du SRAS-CoV-2 et sur des virus SRAS-CoV-2 inactivés ont également été homologués, de sorte que le monde dispose désormais d’ un panel de 12 outils prophylactiques contre la pandémie (Source C).

Les profils de sécurité et d’ efficacité des vaccins autorisés sont-ils tous similaires ?

En termes de sécurité, tous les vaccins autorisés ont passé les processus de contrôle réglementaire et sont donc considérés comme sûrs (bien que, comme il faut s’ y attendre avec tous les vaccins, les effets secondaires comprennent une fatigue fréquente et des réactions locales, ainsi que rarement des réactions allergiques).
En termes d’ efficacité, tous les vaccins protègent bien contre le COVID-19 (plus de 70 % et jusqu’ à plus de 95 %). Bien que tous les vaccins recombinants actuels ciblent la protéine de surface «Spike» du SRAS-CoV-2, certains utilisent la protéine de type sauvage, tandis que d’ autres utilisent des versions mutantes qui possèdent deux prolines consécutives remplaçant la lysine 986 et la valine 987. Ce style de protéine «PP-Spike» fut inventé et validé pour vacciner contre SRAS-CoV et MERS-CoV. En effet, l’ expérience avec ces coronavirus antérieurs a montré que la protéine Spike est présente à la surface virale dans une conformation de préfusion et change de conformation à l’ entrée dans la cellule infectée (8). La modification de Spike en PP-Spike stabilise cette conformation de préfusion, ce qui engendre une réponse immunitaire protectrice.

Vaccins utilisés ou dont l’ utilisation est prévue en Suisse

Quatre plateformes vaccinales offrent actuellement des vaccins homologués contre le SRAS-CoV-2 :
1. Vaccins basés sur l’ ARNm ivt développés principalement en Europe et aux Etats-Unis par BioNTech/Pfizer, CureVac et Moderna.
2. Vaccins basés sur des adénovirus recombinants déficients, optimisés et produits dans différents pays et par des sociétés telles que AstraZeneca, Johnson & Johnson et CanSino.
3. Vaccins à base de protéines développés principalement aux Etats-Unis et en Russie.
4. Virus SRAS-CoV-2 inactivés développés principalement en Chine et en Inde.

Peu d’ informations sont disponibles sur les virus inactivés du SRAS-CoV-2, et la Suisse n’ a pas réservé ces vaccins. Je présenterai donc ci-dessous les caractéristiques des trois types de vaccins (ARNm ivt, adénovirus recombinant et protéine purifiée, fig. 1) pour lesquels la Suisse a réservé des millions de doses (tab. 1).

Vaccins à base de protéines

L’ un des avantages des protéines pour un produit pharmaceutique en matière de sécurité est qu’ elles sont inertes et se dégradent naturellement après leur administration. Cependant, si elles ont été produites in vitro dans des cellules, elles contiennent des impuretés provenant des cultures cellulaires. Il faut en tenir compte, en particulier lors de la vaccination de patients allergiques, car une réaction allergique est possible même en présence de très faibles quantités d’ impuretés. En outre, les vaccins à base de protéines nécessitent un adjuvant. La conception et la production d’ une protéine pour un vaccin peuvent être fastidieuses car chaque protéine est différente (hydrophile, hydrophobe, structurée, glycosylée, etc.). Par conséquent, il peut être difficile d’ obtenir et de maintenir les propriétés antigéniques appropriées de la protéine purifiée dans le vaccin. En outre, si le vaccin contient des impuretés immunogéniques (notamment des antigènes mal repliés), il pourrait induire une immunité spécifique non pertinente (reconnaissant les impuretés mais pas le pathogène ciblé). Le vaccin protéique de Novavax, réservé par la Suisse, n’ est pas encore homologué. Il contient la PP-Spike complète (en plus mutée aux positions 682 à 685 pour conférer une résistance aux protéases) produite dans des cellules d’ insecte et mélangée à Matrice-M1, un adjuvant à base de saponine. Il est stocké entre 2°C et 8°C. Les doses testées étaient de 5 et 25 microgrammes de protéine par injection, et il a été constaté qu’elles induisaient des titres élevés similaires d’ anticorps neutralisants dans la phase I (9). L’ étude de phase III a été réalisée avec deux injections de 5 μg de protéine + 50 μg d’ adjuvant Matrice-M1 à 21 jours d’ intervalle. La société a fait état d’ une efficacité de 89,3 % contre le COVID-19 en janvier 2021 (95,6 % contre la souche originale du COVID-19 et 85,6 % contre la souche variante britannique B.1.1.7). Ainsi, le vaccin Novavax semble être un produit efficace et sûr de grand intérêt.
Un autre vaccin protéique, EpiVacCorona, est disponible et a été homologué en Russie. Cependant, peu d’ informations sont disponibles (Source E). Néanmoins, il peut présenter un intérêt car il n’ est pas produit par les cellules mais est synthétisé chimiquement. Les antigènes peptidiques chimiques correspondant à la protéine Spike du SRAS-CoV-2 sont conjugués à une protéine porteuse et adsorbés à l’ hydroxyde d’ aluminium. Ce type de vaccin synthétisé chimiquement ne contiendrait pas d’ impuretés telles que des protéines provenant de la cellule productrice et pourrait donc présenter moins de risques d’ induire des allergies ou une immunité non pertinente.

Vaccins à base d’ adénovirus déficients

Les adénovirus sont des virus non enveloppés qui sont exceptionnellement stables face aux agents chimiques ou physiques. Des adénovirus déficients sont utilisés pour produire des vaccins recombinants. L’ ADN recombinant contenu dans ces virus est activement envoyé par les protéines virales dans le noyau des cellules infectées chez la personne vaccinée, où il peut être transcrit en ARNm. Habituellement, les adénovirus déficients vaccinaux ont le gène précoce E1 supprimé, de sorte qu’ ils peuvent infecter mais pas se répliquer. Leur production in vitro est possible grâce à la complémentation dans des cellules exprimant E1. Les cellules normales de mammifères, en revanche, ne contiennent pas E1, ce qui évite la réplication du virus vaccinal chez les vaccinés.
Le vaccin d’ AstraZeneca est produit dans des cellules HEK293, qui sont des cellules rénales embryonnaires humaines (prélevées sur un fœtus féminin avorté en 1973) qui ont été transformées en intégrant une partie de l’ adénovirus 5, ce qui permet également l’ expression de la protéine E1. Grâce à cette protéine, HEK293 peut produire et sécréter des adenovirus déficients en E1. Le gène codant pour l’ antigène (dans ce cas, la Spike du SRAS-CoV-2) est introduit dans ces virus déficients, ce qui les transforme en virus vaccins recombinants déficients. La production d’ adénovirus nécessite de très grandes infrastructures de cultures cellulaires et l’ optimisation du processus. Sur le plan théorique, on peut craindre que l’ adénovirus défectueux recombinant vaccinal ne se recombine/évolue au cours de la production in vitro (tous les virus prélevés dans une culture cellulaire n’ auraient pas les mêmes séquences) ou in vivo après injection (p.ex., chez une personne infectée par un adénovirus commun), ce qui pourrait entraîner la production de nouveaux adénovirus. Le processus de production compliqué implique une possible différence significative entre lots de production. Une autre préoccupation est la persistance et l‘intégration de l’ ADN chimérique dans le génome humain. On sait que les virus à ADN peuvent s’ intégrer : dans le cas des adénovirus, dans 1 cellule du foie sur 1 million in vivo chez la souris après injection intraveineuse (10). En outre, on ne sait pas comment la séquence d’ ADN de la Spike du SRAS-CoV-2 (qui n’ existe pas dans la nature, les coronavirus étant des virus à ARN) se comporte dans les cellules des personnes injectées et si elle pourrait affecter les taux de persistance et d’ intégration. Les adénovirus recombinants vaccinaux combinent des éléments de plusieurs virus qui ne se seraient pas rencontrés dans la nature, et le résultat à long terme in vivo de ces chimères reste à déterminer.
Sur les quatre vaccins à base d’ adénovirus autorisés, la Suisse a réservé celui d’ AstraZeneca. Cependant, SwissMedic n’ a pas encore approuvé ce vaccin appelé ChAdOx1 nCoV-19 (AZD1222). Il s’ agit d’ un adénovirus recombinant et déficient de chimpanzé dans lequel on a introduit un promoteur du cytomégalovirus, suivi d’ une séquence de gène de l’ activateur tissulaire du plasminogène (une séquence leader), de l’ ADNc codant pour la Spike complète de type sauvage et, à la fin, d’ une séquence de polyadénylation provenant de l’ hormone de croissance bovine (j’ appelle ce vecteur composé de multiples composants d’ ADN Vector Frankenstein car il pourrait être la créature créé par Victor Frankenstein). Le vaccin (5 x 1010 particules par injection, soit environ 1,5 microgramme d’ ADN) est administré par voie intramusculaire à intervalles de 4 à 12 semaines. Il a été rapporté qu’ il fournit des niveaux de protection variables (en fonction de la dose et du site de l’ essai clinique), mais l’ efficacité globale est généralement supérieure à 70 % (11). Bien qu’ il protège contre le variant B.1.1.7 identifié au Royaume-Uni (Source F), il ne semble pas bien protéger contre le variant B.1.351 identifié en Afrique du Sud (Source G).
Plusieurs pays (Danemark, Autriche, Estonie, Lettonie et Luxembourg) ont suspendu la vaccination avec le ChAdOx1 nCoV-19 en raison de l’ apparition de cas de thrombose après la vaccination. Le 7 avril, l’EMEA a conclu que les thromboses inhabituelles avec thrombocytopénies devaient figurer sur la liste des effets secondaires très rares du vaccin d’AstraZeneca.
Un autre adénovirus recombinant a été approuvé comme vaccin contre le SRAS-CoV-2 : Sputnik V (Gamaleya Research Institute). Il consiste en deux adénovirus recombinants (adénovirus de type 26 et adénovirus recombinant de type 5, administrés en séquence), tous deux porteurs du gène spike de type sauvage complet (rAd26 - S et rAd5-S). Spoutnik V a été développé en Russie. Le vaccin est administré à une dose de 1011 particules par voie intramusculaire à 21 jours d’ intervalle et a montré une efficacité de 91,6 % (12).
Enfin, dans l’ intervalle, le vaccin adénoviral recombinant Ad26.COV2.S de Johnson & Johnson a été récemment homologué. Cette construction fut sélectionnée parmi sept vaccins adénoviraux recombinants expérimentaux de sérotype 26 (Ad26). Il diffère notamment du vaccin d’ AstraZeneca en ce qu’ il code une Spike qui possède les deux prolines stabilisant la conformation de préfusion. Une seule injection intramusculaire de 5 x 1010 particules a conféré une protection de 66 % contre la maladie COVID-19 modérée et grave, même en Afrique du Sud, où le variant B.1.351 est largement répandu (13) (Source H).

Vaccins à ARNm « in vitro transcibed » (ivt) non-réplicatif

La principale caractéristique du vaccin à ARNm ivt non-réplicatif est la sécurité. En effet, cette molécule naturelle ne peut pas se multiplier, est active dans le cytosol (et non dans le noyau), et est rapidement et complètement dégradée par les RNases abondantes dans les tissus et les cellules. Ainsi, contrairement aux adénovirus recombinants, mais comme les protéines, ce format de vaccin ne présente aucun risque de persistance, de recombinaison ou de modification du génome humain (1-4). L’ ARNm étant facilement purifié (5), il ne code qu’un seul antigène, ce qui limite le risque d’ induire une immunité contre d’ autres antigènes non pertinents, comme c’ est le cas avec les protéines (contaminants, protéines mal repliées) ou les adénovirus (contaminants, protéines du vecteur). L’ ARNm ivt est condensé dans des liposomes, qui sont généralement composés de quatre lipides différents et sont similaires à une formulation d’ ARN liposomique déjà approuvée en 2018 : Le médicament Onpattro est basé sur une formulation liposomale d’ ARN (siRNA), non pas en tant que vaccin, mais pour le traitement d’ une maladie neurologique génétique (injection intraveineuse de 30 mg par dose toutes les 3 semaines pour le traitement de la polyneuropathie due à une amyloïdose héréditaire médiée par la transthyrétine). Bien que le format de vaccin à ARNm ivt ait été divulgué pour la première fois en 1993 (14), il n’ était pas encore très efficace lorsque j’ ai commencé à l’ évaluer en 1998. Cependant, ses propriétés de sécurité supérieures (comme mentionné ci-dessus) m’ ont encouragé à l’ optimiser davantage. Une autre caractéristique du vaccin à ARNm ivt est la rapidité et la simplicité de sa production : toute séquence d’ ADN précédée d’ un promoteur adéquat (généralement issu des bactériophages T7 ou SP6) est efficacement transcrite in vitro par une ARN polymérase recombinante (généralement T7 ou SP6) produite dans des bactéries (5). Plus de 1000 molécules d’ ARNm sont générées à partir d’ une molécule d’ ADN en quelques heures in vitro. Tous les produits de la transcription (ADN, ARN polymérase, nucléotides) sont d’ origine bactérienne ou chimique. Ainsi, le vaccin ivt mRNA est végane. En plus de permettre de surmonter les réticences d’ ordre religieux ou de convictions, cette caractéristique réduit également les risques d’ allergies ou de développement d’ une immunité non pertinente reconnaissant des contaminants issus des cultures cellulaires comme dans le cas de vaccins à base de protéines ou de virus. Bien que l’ utilisation de l’ ARNm ivt dans les vaccins soit relativement récente (décrite pour la première fois en 1993, injectée à des patients et à moi-même au milieu des années 2000 (15, 16) au travers des premiers essais cliniques que nous avons mis en place à Tübingen, et autorisée pour la première fois en 2020), l’ utilisation de l’ ARNm pour la vaccination est ancienne : les vaccins contre la fièvre jaune, les oreillons, la rougeole et la rubéole sont des virus à ARN qui sont atténués et qui fonctionnent après injection sous-cutanée en délivrant leur ARNm dans les cellules hôtes, qui produisent les protéines virales et déclenchent une réponse immunitaire. Ces anciens vaccins sont donc des vaccins à ARNm «naturels», tandis que les vaccins anti-SRAS-CoV-2 récemment approuvés sont des vaccins à ARNm «synthétiques». Cependant, tous deux reposent sur le même mécanisme de base : la production de protéines virales par des cellules humaines à l’ aide de l’ ARNm injecté. L’ optimisation des molécules d’ ARNm ivt et des formulations liposomales a fait du vaccin à ARNm ivt un format très puissant (17). Il fait l’ objet d’ essais cliniques, principalement en tant que vaccin contre les tumeurs malignes (18, 19). Au début de l’année 2020, cinq vaccins ARNm non-réplicatifs ont été testés pour la vaccination contre COVID-19 : Trois de BioNTech (BNT162a1, qui est fabriqué avec des nucléotides non modifiés et BNT162b1 et BNT162b2, qui contiennent de la pseudouridine), un de CureVac (CvNCoV, qui est fabriqué avec des nucléotides non modifiés), et un de Moderna (qui contient de la pseudouridine). La modification avec de la pseudouridine a été publiée en 2005 pour abolir la stimulation de l’ immunité innée par l’ ARN synthétique (déclenchement des récepteurs de type Toll) (20), ce qui permet d’ utiliser l’ ARNm ivt pour l’ expression de protéines thérapeutiques (non vaccinales) comme p.ex. l’ érythropoïétine. Cependant, il a été publié en 2017 que, de manière surprenante (et toujours pas expliquée), l’ ARNm ivt modifié peut également être utilisé dans les vaccins à ARNm (21). On n’ a pas encore déterminé si l’ ARNm modifié (pseudoUridine) ou non modifié est le meilleur pour un vaccin à ARNm ivt (BioNTech n’ a pas encore publié les résultats obtenus avec son vaccin à ARNm non modifié BNT162a1). Bien que les premières injections d’ un vaccin ARNm ivt anti-SRAS-CoV-2 (et la première injection au monde d’ un vaccin expérimental anti-SRAS-CoV-2 chez l’ homme) aient été réalisées chez des volontaires par Moderna le 16 mars 2020, la première approbation du vaccin ARNm fut pour BioNTech/Pfizer (Comirnaty®) et a eu lieu en décembre 2020 (le 20 décembre en Suisse). Ces deux vaccins à ARNm ivt confèrent une protection de plus de 90 % contre COVID-19 (7, 22) et protègent également contre les nouveaux variants (bien que la neutralisation du variant identifié en Afrique du Sud nécessite des dilutions de sérums plus faibles que celles utilisées pour neutraliser les autres variants) (23).
En Israël, dont la population est similaire à celle de la Suisse mais où plus de 50% des personnes ont été vaccinées avec le vaccin BioNTech/Pfizer, une étude portant sur plus d’ un million de personnes (596 618 vaccinés et 596 618 non vaccinés) montre une efficacité du vaccin de 92 % contre l’ infection, 94 % contre les COVID-19 symptomatiques, 87 % contre l’ hospitalisation et 92 % contre la maladie sévère (7 jours ou plus après la deuxième dose). Ainsi, le vaccin de BioNTech/Pfizer est très efficace non seulement pour prévenir la maladie mais aussi la transmission (24). L’ incidence des effets indésirables serait plus faible pour le vaccin Pfizer/BioNTech que pour le vaccin Moderna (25). Le troisième vaccin à ARNm réservé par la Suisse, développé par CureVac, a montré des résultats prometteurs en phase 1 (Source I) et est maintenant testé en phase 3. Les résultats sont attendus. Si l’ autorisation est accordée, la Suisse disposera en tout de 20 millions de doses de vaccin à base d’ ARNm ivt avant l’ été, ce qui sera suffisant pour vacciner entièrement la population de manière sûre et efficace.

Conclusions

Les vaccins homologués contre le SRAS-CoV-2 offrent tous une protection efficace contre le COVID-19 et sont largement administrés pour mettre fin à la pandémie. Comme on peut s’ y attendre avec les vaccins qui agissent en activant fortement le système immunitaire, les effets secondaires courants, généralement légers à modérés, comprennent la fatigue, les maux de tête et les réactions locales. Trois formats de vaccins ont été réservés par la Suisse (fig. 1 et tab. 1) et le seul format actuellement autorisé dans notre pays, la vaccination avec ARNm ivt, combine les aspects de sécurité des vaccins traditionnels à base de protéines (inertes et rapidement éliminés) avec la polyvalence des virus recombinants (faciles à concevoir et rapidement produits). Cependant, contrairement aux adénovirus recombinants, les vaccins à base d’ ARNm ivt ne présentent pas le risque d’ évoluer, de persister, de se recombiner ou de s’ intégrer dans le génome ; et contrairement aux protéines, l’ ARNm ivt présente un risque limité d’ induire une immunité contre des contaminants. Les aspects de sécurité et de flexibilité des vaccins à ARNm ivt en ont fait des gagnants dans la course au développement de vaccins contre le COVID-19. Ces propriétés rendent l’ ARNm ivt particulièrement adapté au développement et à la production de vaccins en vue d’ une éventuelle adaptation du vaccin aux nouveaux variants du SRAS-CoV-2 qui résisteraient à la réponse immunitaire actuelle induite par les vaccins disponibles. Mais heureusement, cela n’ a pas encore été le cas, même si le variant identifié en Afrique du Sud est moins bien reconnue que les autres variants par les anticorps induits par les vaccins ARNm. En outre, la production d’ un million de doses de vaccin nécessite de grandes installations pour les vaccins courants (p.ex., 6000 litres pour un virus de la grippe produit en culture cellulaire), mais seulement 6 litres pour la transcription in vitro dans le cas d’ un vaccin à ARNm. Pour toutes ces raisons (polyvalence, sécurité, facilité de production), les vaccins à ARNm et les thérapies à base d’ ARNm font l’ objet d’ un développement intensif et fondent des espoirs de créer de nouveaux médicaments contre de nombreuses maladies.

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

PD Dr.Steve Pascolo

Universitätsspital Zürich, Dermatologie
Gloriastrasse 31
8091 Zürich

steve.pascolo@usz.ch

L’  auteur n’   a pas de conflit d’   intérêts à rapporter à rapporter.

◆ Quatre principes ont été utilisés pour générer 12 vaccins autorisés :
les protéines purifiées et les virus inactivés sont des «formes traditionnelles de vaccination», tandis que les adénovirus recombinants et l’ ARNm ivt sont de nouvelles formes de vaccination.
◆ La Suisse a réservé 5 vaccins basés sur 3 principes de vaccination
différents: protéine, adénovirus et ARNm ivt.
◆ Tous les vaccins anti-COVID-19 sont associés à des effets secondaires
fréquents, généralement légers, mais confèrent une protection élevée contre le COVID-19 (généralement plus de 70 % et jusqu’ à plus de 95 %).
◆ Le format ivt mRNA est le plus rapide (il pourrait également être utilisé pour développer rapidement de nouveaux vaccins contre les variants) et théoriquement le plus sûr.
◆ Les vaccins à ARNm ivt protègent contre tous les variants du SRAS-CoV-2 identifiés et testés à ce jour.
◆ La campagne de vaccination en cours avec les deux vaccins ARNm ivt approuvés, et éventuellement avec un troisième qui pourrait être ap-
prouvé prochainement, devrait permettre de vacciner en toute sécurité la population suisse avant l’ été 2021.

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Source D : https://www.bag.admin.ch/bag/en/home/krankheiten/ausbrueche-epidemien-pandemien/aktuelle-ausbrueche-epidemien/novel-cov/impfen.html
Source E : https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04527575)
Source F : https://www.aekstmk.or.at/images/content/pdfs/covid19/Impf/Lancet%202021%20AZD1222%20efficacy%20against%20B1_1_7_%20variant.pdf)
Source G : https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3777268
Source H : (https://www.fda.gov/media/146265/download).
Source I : (https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.11.09.20228551v1)

Dyskinésies et tremblement de la personne âgée

Les dyskinésies de la personne âgée sont fréquentes et souvent mixtes. Après avoir écarté une cause médicamenteuse, un examen clinique permet généralement de poser un diagnostic de probabilité correcte moyennant la connaissance de quelques règles. Le syndrome parkinsonien du sujet âgé nécessite les mêmes principes, toutes les deux demandent un doigté sur le traitement sans écarter pour certains cas sévères des traitements plus invasifs avec l’ aide d’ un centre spécialisé.

Les mouvements anormaux sont présents chez plus d’ une personne sur trois au delà de 75 ans. Ces mouvements, souvent négligés, peuvent être une source d’ inconfort.

Les tremblements

Un tremblement est une oscillation rythmique autour d’ une articulation. Tremblement de repos sur un segment de membre en relaxation (classiquement parkinsonien avec arrêt au début de l’ action et ré-émergence en posture), d’ action s’ il apparaît lors d’ un mouvement seulement, postural s’ il s’ exprime le mieux au maintien d’ une posture, intentionnel s’ il s’ aggrave proche de la cible, et mixte en cas d’ association de ces sous-types.

Le tremblement postural ou essentiel (s’ il débute dans la jeunesse ou avant 75 ans), lié à l’  âge s’ il apparaît après 75 ans, est le plus fréquent rencontré dans la population âgée. La réponse à l’ alcool prédit généralement une réponse favorable aux bêta-bloquants, de même qu’ à la primidone (2-3 x 25-50 mg) qui peut cependant aggraver des troubles cognitifs, une somnolence et des troubles de l’ équilibre. Le lévétiracétam, le topiramate ou de zonizamide, voire la clozapine, peuvent être envisagés en cas d’ échec. Les cas sévères peuvent justifier le traitement par ultrasons focalisés (non invasif), une thalamotomie ou un stimulateur VIM (sans limite d’ âge) ; le gamma knife a été récemment déconseillé, avec un effet retardé à 6 mois. Un traitement bilatéral peut entraîner une dysarthrie et un trouble d’ équilibre. Le trémor céphalique répond très bien à la toxine botulique. Le tremblement cérébelleux, plus lent (3 Hz) avec une composante proximale ne répond pas aux traitements médicamenteux et la chirurgie n’ est indiquée que s’ il n’ y a pas d’ ataxie cinétique. Un tremblement associé à une ataxie et un trouble cognitif doit suggérer également le FAXTAS (prémutation de l’ X fragile avec un autisme ou un retard mental à rechercher dans la deuxième génération) avec une anomalie de signal dans les pédoncules cérébelleux moyens à l’ IRM.

Les dyskinésies

Les dyskinésies oro-facio-masticatrices sont les mouvements anormaux les plus souvent rencontrés après le tremblement postural chez le patient âgé. Fréquentes chez les édentés, elles sont quasi ubiquitaires chez les patients encore sous neuroleptiques de première génération. Les formes stéréotypées et les formes dystoniques sont les plus fréquentes, parfois très grossières avec protrusion de la langue. Ces dyskinésies répondent généralement bien aux neuroleptiques atypiques comme la quétiapine ou la clozapine. Les traitements anticholinergiques sont contre-indiqués, pouvant aggraver des troubles cognitifs chez le patient âgé. Le tableau 1 résume les spécificités des dyskinésies.

Les myoclonies sont de brèves contractions (myoclonies positives) ou une perte soudaine de tonus musculaire (myoclonies négatives, astérixis ou flapping tremor), non suppressibles et persistant dans le sommeil. Elles peuvent être spontanées, à l’ action, en réponse à une stimulation sensitive, focales et multifocales. Il convient d’ exclure en premier lieu une pathologie métabolique ou toxique surtout si les myoclonies sont associées à un état confusionnel. Elles sont de mauvais pronostic en présence de troubles cognitifs progressifs : on les rencontre dans les variantes rapides de maladie à corps de Lewy, d’ Alzheimer ou de Creutzfeldt-Jakob, plus rarement dans une maladie auto-immune. Le clonazépam et le lévétiracétam sont les médicaments de choix.

La chorée consiste en des mouvements brefs, rapides, sans but, de flexion-extension rotation ou croisement rapides, fluents le long des membres de façon proximo-distale ou vice-versa, et sur la face mimant des tics, augmentant au stress et à l’ action, dont le patient est anosognosique ou qu’ il camoufle. Les signes spécifiquement associés à rechercher sont l’ hypotonie, des réflexes pendulaires, une impersistance motrice (impossibilité à maintenir une posture ou un mouvement fixe, «milk man sign» en serrant la main).

L’ hémichorée-hémiballisme est la présentation d’ origine vasculaire microangiopathique la plus fréquente, répondant bien aux neuroleptiques si elle perdure ou entraîne une décompensation cardiaque (halopéridol, rispéridone, clozapine, olanzapine). L’ IRM est souvent négative.

L’ hyperglycémie fait une chorée avec un hypersignal dans le putamen et disparaît avec le traitement de la cause. Les chorées autoimmunes (lupus, anticorps anti-neuronaux) répondent bien aux corticoïdes. La polyglobulie et les endocrinopathies (thyroïdiennes) sont régressives au traitement de la cause. La chorée sénile est une entité débattue, elle peut cacher une chorée de Huntington avec peu de triplets. Associée à des troubles cognitifs rapides, elle peut débuter une maladie à prions.

Une dystonie, soit une co-contraction durable des muscles agonistes et antagonistes engendrant des postures anormales associées à des mouvements anormaux (tremor brusque, myoclonies, athétose…) peuvent se voir surtout au niveau axial cervical, rachidien ou des membres, voire du visage. Les signes spécifiques sont le geste antagoniste qui la fait disparaître momentanément, l’ overflow (diffusion aux zones proches). Étant des pathologies génétiques ou lésionnelles, les dystonies se rencontrent plutôt chez le jeune à l’ exception du syndrome cortico-basal. L’ hémispasme facial, classé dans les dystonies, n’ en n’ est pas vraiment une. Ce sont des contractions toniques ou rythmiques intermittentes synchrones sur la branche supérieure et inférieure du nerf facial, la cause est soit compressive (boucle vasculaire), post paralysie faciale ou sans cause évidente. Comme le blépharospasme, il répond très bien à la toxine botulique, les cas graves ou résistants peuvent répondre à la chirurgie décompressive microvasculaire. Le traitement de choix des dystonies est la toxine botulique et dans les cas graves ou résistants, la stimulation pallidale.

Les tics ont généralement disparu chez la personne âgée, sauf peut-être pour les formes très rares tardives sur neuroleptiques ou post AVC. Ils peuvent être moteurs, sensitifs, psychiques, cloniques, toniques, simples ou complexes. La plupart sont héréditaires, les formes postencéphalitiques, post-traumatiques ou postanoxiques sont rares. Leurs signes spécifiques sont le rebond après demande d’ arrêt complet de tout mouvement pendant 1 minute, la suggestibilité qui les fait apparaître, et la sensation d’ urgence si on les empêche. Les neuroleptiques (aripiprazole, tiapride, clozapine, olanzapine) sont en principe efficaces, les formes graves peuvent répondre à la stimulation pallidale.

Le syndrome des jambes sans repos est très fréquent (10-15 %) chez la personne âgée. Il associe une sensation désagréable mal descriptible (bulles, agacement, agitation, douleurs…) associée à une disparition des sensations momentanée par une activité motrice (marcher, frotter, doucher, pédaler…). Les agonistes de la dopamine de longue durée (pramipexole ER, rotigotine patch, ripinirole MODUTABS) sont à préférer à la L-dopa (qui s’ accompagne rapidement d’ une augmentation des symptômes) et un déplacement sur la journée. Certains cas sévères ne répondent qu’ à des opiacés (oxycontin…) ou des benzodiazépines (clonidine) ou de la gabapentine, parfois en association. Il faut rechercher et corriger une hyposidérémie, une anémie, une polyneuropathie.

Un syndrome parkinsonien se manifestant par tremblement de repos, rigidité, brady-hypo-akinésie, trouble de la marche (initiation, petits pas, retournement, absence de ballant, rétropulsion) et réponse à la lévodopa (au moins 30 % sur le score moteur) est fréquent chez la personne âgée, mais généralement moins grave et avec moins de dyskinésies que chez le jeune. Le syndrome parkinsonien classique dit idiopathique a tendance à disparaître du vocabulaire spécialisé tant il peut être mimé par des formes génétiques, toxiques, endocriniennes ou autoimmunes. La règle des 6 ans, avant de poser un diagnostic est devenue majeure, cet intervalle permettant aux atypies (tab. 2) de se manifester et de suspecter le diagnostic alternatif définitif.

Plusieurs sous-types cliniques sont décrits, mais les plus fréquents sont le syndrome classique avec des dyskinésies après 3-5 ans, le syndrome de paralysie supranucléaire progressive de type Richardson, le syndrome cortico-basal, la maladie à corps de Lewy, les atrophies multisystémiques de type parkinsonien ou cérébelleux et le fourre tout des syndromes atypiques dont le parkinsonisme vasculaire micro-angiopathique.

Les troubles de la marche dits fronto-striés, aussi appelés parkinsonisme des membres inférieurs, se reconnaissent à une difficulté d’ initiation, une sensibilité à la double tâche (parler et marcher), une difficulté au retournement avec aimantation, un polygone élargi, de petits pas mais un ballant préservé. Il n’ y a généralement pas de tremblement, de repos, de réponse à la L-dopa et leur cause est vasculaire microangiopathique, sur hydrocéphalie ou sur démence frontale. Ils sont souvent confondus avec un parkinsonisme.

Les formes génétiques sont plutôt à rechercher chez les jeunes, peuvent mimer des variantes classiques dopa-sensibles, non parkinsoniennes (dystonie, ataxie…) ou mixtes (dystonie, ataxie, motoneurone, troubles cognitifs, dyskinésies…) qui nécessitent un centre spécialisé. La maladie de Parkinson du sujet âgé évolue de façon moins agressive mais avec plus de troubles cognitivo-comportementaux et nécessite un doigté dans la médication.

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Pr Joseph-André Ghika

Service de Neurologie
Hôpital du Valais
Av Gd Champsec 90
1950 Sion

Joseph.ghika@hopitalvs.ch

Honoraires d’ Abbvie pour des séances de formation et des visites de congrès, mis sur le compte de recherche de l’ Hôpital de Sion.

◆ Les dyskinésies sont reconnaissables au lit du malade par leur aspects et leurs signes spécifiques associés.
◆ Le syndrome parkinsonien ne doit pas être considéré comme fixé avant 6 ans d’ évolution.
◆ Une confirmation de ces diagnostics nécessite au moins une visite de départ et d’ évolution chez un neurologue spécialisé.
◆ La génétique et la pathologie a fortement compliqué le diagnostic chez les jeunes, la maladie de Parkinson du sujet âgé évolue plus modérément et lentement mais avec plus de troubles cognitivo-comportementaux et des signes axiaux.

1. Wilson F Abdo et al. The clinical approach to movement disorders Nat Rev. Neurology 2010:6: 26- 37
2. Erro R et al. The role of disease duration and severity on novel clinical subtypes of Parkinson disease Park Dis Related Disord: 2020; 73: 31-34.
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Diagnostic de l’ ischémie myocardique

Les recommandations de la société européenne de cardiologie relatives au syndrome coronarien chronique (anciennement maladie coronarienne stable) proposent une marche à suivre afin de décider s’ il est nécessaire d’ effectuer un examen à un patient se plaignant de douleurs angineuses et quel examen réaliser. Cependant, un test non invasif peut s’ avérer erroné, et en fin de compte la coronarographie reste le gold standard.

Les propositions de la Société Européenne de Cardiologie (ESC)

Les recommandations de l’ ESC proposent, dans un premier temps, de calculer une probabilité pré-test à partir d’ un tableau qui repose sur la caractérisation des symptômes, l’ âge et le sexe du patient (tab. 2). Par rapport à la précédente version datant de 2013 (1), ces probabilités pré-test ont été recalibrées et se retrouvent drastiquement diminuées (2). Concrètement et par exemple, un patient de 67 ans avec un angor typique avait une probabilité pré-test calculée à 89 % en 2013 contre 44 % en 2019. De façon intéressante, les nouvelles guidelines proposent aussi un tableau incorporant la dyspnée comme équivalent angineux (tab. 2).

Une fois une probabilité pré-test calculée, lorsqu’ elle est inférieure à 15 %, les recommandations actuelles proposent de ne pas poursuivre les investigations. Ceci se justifie par l’ exemple suivant : Dans une population avec une probabilité pré-test hypothétique de 5 %, par définition et sans investigations supplémentaires, 5 patients sur 100 auraient donc une maladie coronarienne « manquée ». En revanche, si un hypothétique test fonctionnel avec une sensibilité et une spécificité de 85 % est réalisé dans cette même population, il en résulterait 15 % d’ erreur : 1 patient serait également « manqué » et 14 coronarographies inutiles seraient réalisées. Lorsque la probabilité est supérieure à 15 %, les recommandations proposent d’ opter pour un examen non invasif parmi un arsenal très large : PET-CT, scintigraphie, IRM, échocardiographie de stress ou CT coronarien (cette dernière modalité ayant par ailleurs pris une place importante dans l’ algorithme par rapport aux précédentes recommandations). Les arguments pour opter pour cette dernière modalité sont principalement une probabilité pré-test basse, un patient ayant des caractéristiques suggérant une bonne qualité d’ image, l’ expertise et la disponibilité locales et l’ absence de maladie coronarienne connue ou documentée.

Dès lors, la coronarographie a-t-elle encore sa place dans le diagnostic de la maladie coronarienne ?

La recommandation actuelle (IB) est d’ opter pour une coronarographie chez les patients avec :
1. une probabilité pré-test élevée
2. des symptômes réfractaires au traitement médicamenteux
3. un angor typique au moindre effort avec un haut risque d’ événement clinique
Cependant, dans la pratique, cette indication devient rarissime car :
1. Les hautes probabilités n’ existent presque plus suite au recalibrage
2. Les patients avec des symptômes sont investigués par des examens non invasifs avant que leurs symptômes soient déclarés réfractaires
3. Les modalités d’ évaluation clinique suggérant un haut risque d’ événement clinique restent à définir !

Ce n’ est pas pour autant que la coronarographie n’ a plus sa place dans le diagnostic de la maladie coronarienne. Pour rappel, la coronarographie (avec une FFR, « Fractional Flow Reserve » correspondant à une évaluation hémodynamique de la sténose) est le gold standard pour le diagnostic d’ une ischémie. En effet, la réalisation d’ un CT ou d’ un examen fonctionnel non invasif amènent à une conclusion dont l’ interprétation est liée à l’ incertitude inhérente à la méthode utilisée (valeur prédictive positive et négative) alors qu’ une coronarographie, en plus de confirmer ou d’ infirmer le diagnostic, permet dans un même temps potentiellement de traiter le patient.
Prenons un exemple pratique : Un homme de 65 ans mentionne des douleurs thoraciques typiques. La probabilité pré-test d’ une maladie coronarienne s’ élève donc à 44 % (tab. 2) motivant la réalisation d’ un examen fonctionnel non invasif X, dont la sensibilité et spécificité sont (hypothétiquement) de 87 %.

Quels sont les obstacles rencontrés suite à la réalisation de cet examen ? Le premier obstacle est les limitations de l’ examen lui-même (réserves en raison artéfact, réserves en raison de la qualité des images, mauvaise compliance du patient, etc.) pouvant potentiellement rendre l’ examen non-interprétable. Le 2ème obstacle correspond au message à délivrer au patient, quel que soit le résultat de l’ examen. Si le test est positif, il convient d’ être conséquent et de poursuivre avec une coronarographie. Celle-ci infirmera une maladie coronarienne 7 fois sur 45 (faux positifs). Ce qui revient à dire que 16 % des patients auront donc eu une coronarographie inutile (tab. 3).

Lorsque le test est négatif (55 fois), bien que l’ envie de rassurer le patient prédomine, le tableau 3 illustre que 6 fois sur 55, l’ examen est malheureusement faussement négatif (soit une proportion de 10 %). Il conviendra donc d’ expliquer au patient les potentielles conséquences lorsque le test se trompe, ce qui est possiblement le cas. L’ étude FAME 2 (3) s’ est intéressée à la question. Dans cette étude, des patients présentant des sténoses significatives par mesure hémodynamiques invasives (FFR) ont été randomisés en 2 groupes : un groupe dans lequel ils étaient revascularisés avec des stents et un groupe dans lequel ils n’ étaient pas revascularisés. Le suivi à 5 ans met en évidence que les patients non revascularisés vont présenter de nombreux événements : 12% vont présenter un infarctus, 51% auront une revascularisation et 21% auront une revascularisation réalisée en urgence. De ce fait, le message le plus correct à délivrer au patient est le suivant : bien que l’ examen soit négatif, il existe 10 % d’ erreur. S’ il s’ agit d’ une erreur, la probabilité que le patient bénéficie de la pose de stent dans les 5 ans est de 50 %, potentiellement dans un contexte d’ infarctus. Ce message est difficile à délivrer puisque cet événement peut potentiellement être évité en réalisant une coronarographie. Force est de constater dans cet exemple (tab. 3) qu’ en réalisant un test non invasif comme « gate keeper », près de 1 patient sur 2 aura tout de même une coronarographie au final (45/100) mais que malgré tout, 6 patients seraient « manqués ». Finalement, dans l’ exemple choisi, 100 % des patients ont consulté avec des douleurs typiques. Ces symptômes restent inexpliqués lorsque le test fonctionnel est négatif et chez ces patient, le doute de compter parmi les faux négatifs va potentiellement continuer à subsister les années qui vont suivre ce qui peut rendre une prise en charge difficile.
Par ailleurs, en 2021, une coronarographie ne se résume plus comme par le passé à visualiser la présence ou l’ absence de sténoses. Cette étape n’ est qu’ un mince volet de l’ examen. Aujourd’ hui, lorsqu’ une sténose est visualisée et que sa localisation correspond à un territoire ischémique sur un examen fonctionnel non invasif, l’ indication à une revascularisation est alors posée. En l’ absence d’ examen fonctionnel non invasif, une mesure invasive par FFR peut être réalisée et en fonction du résultat, une revascularisation peut être effectuée. De plus, même en l’ absence de sténoses coronariennes, un patient peut présenter de l’ ischémie (INOCA) en raison d’ une atteinte de la microcirculation ou de spasmes coronariens. Ces deux entités – en 2021 – peuvent être explorées de manière invasive (4) à la différence des examens fonctionnels non invasifs (à l’ exception du PET-CT qui renseigne sur la réserve de flux). De ce fait, la coronarographie est le seul examen qui permet d’ obtenir une réponse complète et définitive (fig. 1).

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Dre Lea Iten

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
Service de Cardiologie Interventionnelle
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne

lea.iten@chuv.ch

PD Dr Stephane Fournier, MD

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV)
Service de Cardiologie Interventionnelle
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne

Les auteurs ont déclaré n’ avoir aucun conflit d’ intérêt en rapport avec cet article.

◆ Lorsqu’ un patient ou une patiente rapporte des douleurs angineuses, le premier réflexe est de calculer une probabilité pré-test puis de poursuivre par un test non invasif lorsque celle-ci est supérieure à 15%.
◆ Un test non invasif peut se tromper, et au final la coronarographie
reste le gold standard.
◆ Les patients peuvent présenter de l’ angine de poitrine sans pour autant présenter des sténoses coronariennes (atteinte de la micro-circulation ou spasmes coronariens). Ces entités peuvent être investiguées lors d’ une coronarographie à l’ aide de matériel et protocoles ad hoc.

1. Montalescot G, Sechtem U, Achenbach S, Andreotti F, Arden C, Budaj A, et al. 2013 ESC guidelines on the management of stable coronary artery disease. Eur Heart J. 2013;
2. Neumann FJ, Sechtem U, Banning AP, Bonaros N, Bueno H, Bugiardini R, et al. 2019 ESC Guidelines for the diagnosis and management of chronic coronary syndromes. European Heart Journal. 2020.
3. Xaplanteris P, Fournier S, Pijls NHJ, Fearon WF, Barbato E, Tonino PAL, et al. Five-Year Outcomes with PCI Guided by Fractional Flow Reserve. N Engl J Med. 2018;
4. Kunadian V, Chieffo A, Camici PG, Berry C, Escaned J, Maas AHEM, et al. An EAPCI Expert Consensus Document on Ischaemia with Non-Obstructive Coronary Arteries in Collaboration with European Society of Cardiology Working Group on Coronary Pathophysiology & Microcirculation Endorsed by Coronary Vasomotor Disorders International Study Group. Eur Heart J. 2020;

Mise à jour sur la migraine

Les options de traitement de la migraine, avec son impact dévastateur sur la qualité de vie des personnes qui en souffrent, ont connu une évolution cliniquement significative ces dernières années. Après un dernier aperçu du traitement de la migraine dans le numéro de décembre 2019 de « der informierte arzt », voici une mise à jour des développements actuels.

Le traitement de la migraine commence par un diagnostic correct. Ce dernier est posé sur la base d’ une anamnèse soigneuse et d’ un examen neurologique discret. Les patients atteints font état de maux de tête récurrents, souvent hémicraniennes, accompagnés d’ une hypersensibilité à la lumière et aux bruits, mais aussi aux odeurs, au mouvement ou au toucher (allodynie). Outre la migraine, environ 300 autres céphalées primaires et secondaires sont définies dans l’ ICHD-3 (1). Un journal des maux de tête peut être un outil important pour reconnaître un schéma. Idéalement, les patients devraient tenir un journal pendant 3 à 4 semaines avant de consulter un spécialiste. En plus, le journal peut être utilisé pour suivre le déroulement du traitement. La migraine se divise en une forme épisodique et une forme chronique, selon que plus ou moins de la moitié des jours sont affectés sur un mois. Dans la forme chronique (moins de 15 jours), au moins la moitié des jours avec céphalées – c’ est-à-dire 8 de ces 15 jours – doivent répondre aux critères de la migraine. Le diagnostic différentiel le plus important ici est certainement la céphalée due à l’ abus de médicaments (2). D’ autres types de céphalées doivent être envisagés lorsque la céphalée n’ est pas typique de la migraine et surtout lorsque des signaux d’ alarme sont présents (tab. 1 (3)).
La différenciation avec un cluster headache strictement unilatéral peut être difficile lorsqu’  il y a un chevauchement des symptômes migraineux ou autonomes (larmoiement, écoulement nasal, etc.), ou lorsque les deux types de céphalées surviennent de manière mixte. La durée nettement plus courte des crises avec une fréquence plus élevée, mais aussi les crises nocturnes ou l’ agitation motrice qui les accompagne, parlent en faveur de cette dernière.
Même si la physiopathologie de la migraine n’ est pas encore totalement élucidée, la recherche sur la migraine s’ est considérablement rapprochée de la résolution du problème au cours des dernières années. On attribue aujourd’ hui en particulier un rôle pivotal au CGRP (calcitonin gene-related peptide) dans le déclenchement de la douleur (4-7), ce qui ouvre la porte à des approches thérapeutiques directes.

Les éléments constitutifs du traitement de la migraine

Avant de commencer le traitement, un diagnostic correct doit avoir été posé et le patient doit avoir reçu les informations pertinentes sur la maladie et ses conséquences. Le traitement de la migraine repose sur 3 piliers.

Premier pilier – traitement en phase aiguë

Le traitement des crises doit être stratifié (8, 9), c’ est-à-dire que la médication est basée sur la sévérité et les symptômes concomitants. Les triptans ont la meilleure efficacité, mais les analgésiques simples et non stéroïdiens (AINS) peuvent également être efficaces (10, 11). En cas d’ urgence ou plus tard au cours de la crise, des formes d’ administration parentérale sont appropriées, p.ex. intranasale, sous-cutanée ou intraveineuse (12). L’ utilisation régulière d’ analgésiques aigus pendant 10 jours ou plus par mois comporte un risque de chronicisation. Les opiacés n’ ont pas leur place dans le traitement de la migraine (13).
D’ autres classes de médicaments dont la mise sur le marché est sur le point d’ être autorisée en Europe et en Suisse sont les «ditans» (agonistes des récepteurs de la sérotonine, 5-HT1F), qui n’ ont aucun effet vasoconstricteur potentiel, et les «gepants» («small molecule CGRP antagonists») (14, 15).

Deuxième pilier – prophylaxie médicamenteuse

Le moment de commencer une prophylaxie de base dépend de la durée et de la fréquence des crises, mais surtout du niveau de souffrance individuelle et du stress dans la vie quotidienne. La plupart des directives recommandent de commencer à partir de 3 à 5 jours de migraine par mois (16). Les effets bénéfiques de nombreux médicaments sur la migraine ont été découverts le plus souvent par hasard au cours des dernières décennies, puis étudiés scientifiquement. En Suisse, l’ amitriptyline, le propranolol, le métoprolol, la flunarizine, le topiramate et les nouveaux anticorps monoclonaux ont été autorisés pour la prophylaxie de la migraine (16). Ces dernières années, des traitements prophylactiques spécifiques de la migraine basés sur le mécanisme du CGRP ont été développés (17). Toutefois, il ne faut pas s’ attendre à ce que la prophylaxie de la migraine par des médicaments permette de «guérir». L’ objectif du traitement est de réduire de 50 % la fréquence des crises.

Troisième pilier – options non médicamenteuses

Les options non médicamenteuses constituent le troisième pilier. Comme avec l’ assurance vieillesse, ce pilier est variable, mais non moins efficace. La tolérance de ces options est généralement excellente, elles peuvent être combinées à volonté et ont comme principal inconvénient le temps nécessaire. En général, on recommande un mode de vie régulier et équilibré. En tant qu’ approche psychothérapeutique, l’ effet positif de la thérapie cognitivo-comportementale a été prouvé dans diverses études (18). Une thérapie par biofeedback, des techniques de relaxation (p.ex., la relaxation musculaire progressive) et un entraînement d’ endurance aérobique peuvent également être recommandés (19-21). La neuromodulation externe s’ inscrit également dans ce pilier. Enfin, il a été démontré que la modulation du système trigéminal produit des effets à la fois aigus et prophylactiques (22, 23). D’ autres procédures font actuellement l’ objet d’ études, comme la stimulation du nerf vague et la stimulation transcrânienne à courant continu (24-26).

Cet article est une traduction de «der informierte arzt» 02_2021

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Prof. Dr. med. Andreas R. Gantenbein

Facharzt Neurologie
Neurologie am Untertor
Erachfeldstrasse 2
8180 Bülach
www.neurologie-untertor.ch

andreas.gantenbein@zurzachcare.ch

Dr Heiko Pohl

Klinik für Neurologie
UniversitätsSpital Zürich
Zürich

◆ Le traitement de la migraine est basé sur un diagnostic correct et une prise en charge à partir d’ un traitement aigu, d’ une prophylaxie et d’ options non médicamenteuses.
◆ Le traitement stratifié des crises est recommandé pour un maximum de 10 jours par mois.
◆ La prophylaxie de la migraine a pour objectif de réduire de 50 % la fréquence des crises.
◆ Les options non médicamenteuses sont un élément important de la gestion multimodale de la migraine.

AG : au cours des 3 dernières années, liens financiers (activités de conseil, honoraires pour des conférences, frais de voyage, soutien d’études) avec Allergan, Almirall, Eli Lilly, Novartis, TEVA/Mepha. HP : au cours des trois dernières années, liens financiers (activités de conseil, honoraires pour des conférences, frais de voyage, soutien d’études) avec Eli Lilly, Novartis, TEVA/Mepha. HP est un boursier de recherche de la Fondation Werner Dessauer.

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Soins en fin de vie à domicile

Le nombre de patients vivant à domicile en soins palliatifs augmentent du fait du vieillissement de la population, de l’ augmentation de la prévalence des pathologies chroniques et de l’ augmentation des offres de soins disponibles. Lorsque l’ on interroge les personnes dans la population générale sur le lieu où elles souhaiteraient terminer leur vie, les trois quarts mentionnent leur domicile. En réalité, une minorité des personnes décèdent à leur domicile. Bien sûr, lorsque que la personne est souffrante et se retrouve face à la réalité des soins à domicile, à la présence de symptômes ou à l’ impact de la maladie sur les proches, une hospitalisation peut être rassurante et désirée. Mais pour les patients qui le souhaitent, notre système de santé doit pouvoir offrir une prise en charge de bonne qualité pour une fin de vie à domicile en prenant en compte les désirs du patient et les limites.

The number of patients living at home in palliative care is increasing due to the aging of the population, the increase in the prevalence of chronic pathologies and the increase in available care offers. When people in the general population are asked where they would like to end their lives, three quarters mention their place of residence. In reality, a minority of people die at home. Of course, when the person is unwell and faces the reality of home care, the presence of symptoms or the impact of the disease on loved ones, hospitalization can be reassuring and desired. But for patients who want it, our health system must be able to offer good quality end-of-life care at home, taking into account the patients wishes and limitations.
Key Words: soins palliatifs, fin de vie, domicile

Identification des patients en soins palliatifs

Il convient tout d’ abord d’ identifier les patients en situation palliative. Des outils de détection sont à disposition, tel que P-CaRES (1). La première question que l’ on peut se poser est la question surprise « serais-je surpris si mon patient décédait dans les 12 prochains mois ? ». Si non, d’ autres items comprenant la présence d’ une maladie évolutive, d’ un déclin fonctionnel, d’ une instabilité avec hospitalisations non programmées, de symptômes non soulagés, d’ une souffrance psycho-sociale ou existentielle, d’ incertitudes concernant les objectifs de soins, d’ une détresse des proches aidants ou la demande du patient de recevoir des soins de confort orientent vers la nécessité de débuter une prise en charge palliative. Celle-ci est axée sur la gestion des symptômes, l’ évaluation des besoins psychologiques et spirituels des patients et des proches, la connaissance des souhaits du patient concernant l’ objectif de sa prise en charge et l’ élaboration d’ un projet de soins anticipés (ProSA) et, si possible, de directives anticipées. Elle nécessite d’ instaurer une bonne communication qui s’ établit grâce à des échanges répétés, d’ où le besoin d’ identifier suffisamment tôt les patients dans le cours de la maladie, parfois parallèlement à la poursuite des traitements pouvant prolonger la vie. Malheureusement, encore trop souvent, les situations palliatives ne sont reconnues que dans les derniers jours de vie. Non seulement, les prises en charge se font alors dans l’ urgence, parfois sans avoir connaissance des volontés du patient, ce qui crée anxiété et inconfort pour les malades, les proches et les soignants.

Conditions de succès d’ une fin de vie à domicile

La volonté du patient est la première condition. Avoir un proche aidant qui soutient ce projet avec une faculté d’ adaptation est un atout pour le succès d’ une fin de vie à domicile. Le patient et ses proches doivent être informés de la maladie et de son évolution. Les implications pratiques doivent être discutées, les attentes et les craintes de chacun abordées.

Les autres facteurs déterminant du succès d’ une fin de vie à domicile sont :

  • une prise en charge palliative, multidisciplinaire et précoce ; elle augmente les chances de maintien à domicile, améliore le soulagement des symptômes, diminue le nombre d’ examens et réduit le risque d’ hospitalisation, y compris dans les services d’ urgence et de soins intensifs (2, 3, 4).
  • le soutien des proches
  • l’ anticipation des complications avec la réalisation d’ un projet de soins anticipé régulièrement actualisé et transmis aux différents intervenants.

Equipe multidisciplinaire

Les multiples aspects d’ une prise en charge palliative nécessitent obligatoirement le soutien d’ une équipe interprofessionnelle. Pour chaque situation à domicile, une nouvelle équipe se crée. Les partenaires de cette équipe multidisciplinaire sont :

Médecin

Le médecin traitant joue habituellement le rôle de coordinateur. Ce temps de coordination, souvent long, est nécessaire à une prise en charge réussie. D’ autre part, une disponibilité médicale 24h/24 est nécessaire. Si le médecin ne peut être toujours joignable, il peut être soutenu par une équipe spécialisée ou collaborer avec d’ autres structures médicales à qui les informations médicales et le projet de soins anticipé doivent être transmis.

Infirmier / aide-soignant

Une équipe infirmière également disponible 24h/24 est indispensable pour les fins de vie à domicile. Les infirmiers(ères) sont les soignants les plus disponibles et présents au chevet du patient. Ils évaluent les symptômes, les besoins et soutiennent le patient et ses proches. Le ProSA, l’ attitude en cas de complication, l’ indication aux réserves de médicaments doivent leur être transmis par écrit, de même que les coordonnées du médecin répondant.

Physiothérapie/Ergothérapie

Aider les patients à vivre aussi activement que possible jusqu’ à la mort fait partie intégrante des soins palliatifs. La physiothérapie favorise, tant que cela est possible, le maintien d’ une autonomie qui participe à la qualité de vie. Elle peut aussi apporter son aide dans la gestion de la douleur ou au bien-être.
L’ ergothérapeute aide à l’ aménagement du domicile, habituellement nécessaire pour aider à maintenir dans un premier temps l’ autonomie du patient, puis pour son confort en fin de vie avec souvent l’ installation d’ un lit médicalisée et d’ un matelas adapté.

Autres

Selon les situations, de multiples autres professionnels peuvent intervenir au domicile pour améliorer la qualité de vie : diététicien, assistant social, psychologue, psychiatre, dentiste, etc, ainsi que des thérapeutes pour des approches complémentaires telles que massage, sophrologie, réflexologie, etc

Equipe spécialisée en soins palliatifs

Lorsqu’ un ou plusieurs symptômes persistent, en cas d’ incertitude ou de désaccord sur les soins, de persistance de souffrance psycho-sociale ou toutes autres difficultés, le soutien d’ une équipe spécialisée de soins palliatifs peut être demandé. L’ outil ID-PALL permet d’ identifier les patients qui est bénéficieraient.

Les proches

Prendre soin des proches est indispensable à une prise en charge palliative réussie. De leur bien-être dépend le confort du patient et son maintien à domicile. L’ encadrement doit être régulièrement adapté afin de les soulager des tâches dont les soignants peuvent se charger. Ils sont encouragés à sortir durant la présence des soignants et peuvent bénéficier de l’ intervention de bénévoles ou des gardes de nuits afin de leur libérer du temps et de diminuer leur fardeau.

Anticipation

En situation de fin de vie, l’ apparition ou l’ exacerbation de symptômes est habituelle. Le soulagement des symptômes tels que douleur, dyspnée, nausées/vomissements, anxiété, confusion est une urgence et un traitement symptomatique doit pouvoir être rapidement administré. Pour cela, les médicaments doivent être disponibles au domicile ; le patient, ses proches ou l’ équipe infirmière, doivent être informés de leur indication et du mode d’ administration. Les médicaments essentiels pour assurer le contrôle des symptômes les plus fréquents en fin de vie comprennent opiacé (douleur et dyspnée), benzodiazépine (anxiété, agitation), halopéridol (confusion, nausées/vomissements) et anticholinergique (sécrétions trachéo-bronchiques) (5). En fin de vie, les troubles de la vigilance sont habituels et empêchent toute prise orale; les traitements à visée symptomatique doivent cependant être poursuivis et un relai par voie parentérale, le plus souvent sous-cutanée, doit être pris sans délai. L’ utilisation de PCA (Patient Controlled Analgesia) facilite l’ administration du traitement opiacé.

Selon les situations, des complications peuvent être attendues (douleur, dyspnée, infection, hémorragie, épilepsie, compression médullaire) ; leur prise en charge doit être discutée afin de pouvoir les préparer. Ceci a pour objectif non seulement de soulager rapidement, mais aussi de diminuer l’ anxiété du patient, des proches et des soignants et d’ éviter un transfert inapproprié dans un service d’ urgence.

Echec du maintien à domicile

Malheureusement, le maintien à domicile parfois échoue en raison du changement de volonté du patient, de symptômes difficilement gérables ou de l’ épuisement des proches. Le lieu de soins le plus adapté devrait être préalablement discuté, par exemple unité ou maison de soins palliatifs. En absence de problème médical nécessitant en urgence un plateau médicotechnique, les transferts dans les services d’ urgence sont souvent inappropriés avec des délais d’ attente anxiogènes, une prise en charge des symptômes souvent multiples non idéale et la pratique facile d’ examens inutiles.

Conclusion

Une fin de vie doit pouvoir être offerte aux patients qui le souhaitent. Les clés de son succès sont l’ identification des situations palliatives, la prise en charge précoce par une équipe multidisciplinaire coordonnée, la disponibilité du médecin et de l’ équipe infirmière, le soutien des proches et l’ anticipation des symptômes et complications. Des équipes spécialisées peuvent être appelées en soutien dans les situations difficiles.

Dre Catherine Weber, catherine.weber@hcuge.ch
Médecin-adjoint, service de médecine palliative,
département de réadaptation et gériatrie, HUG
Mme Nathalie Pinon, nathalie.pinon@hcuge.ch
infirmière spécialisée chez Imad, consultation de soins palliatifs à domicile
Mme Aline Savalli, aline.savalli@hcuge.ch
infirmière spécialisée chez Imad, consultation de soins palliatifs à domicile
Pre Sophie Pautex, sophie.pautex@hcuge.ch
service de médecine palliative, département de réadaptation et gériatrie, HUG

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Dre Catherine Weber

Médecin-adjoint, service de médecine palliative,
département de réadaptation et gériatrie, HUG

catherine.weber@hcuge.ch

Mme Nathalie Pinon

infirmière spécialisée chez Imad, consultation de soins palliatifs à domicile

nathalie.pinon@hcuge.ch

Pre Sophie Pautex

service de médecine palliative, département de réadaptation et gériatrie, HUG

sophie.pautex@hcuge.ch

Il n’ y a aucun conflit d’ intérêt.

◆ L’ utilisation d’ outils permet d’ identifier les patients pouvant bénéficier d’ une prise en charge palliative.
◆ Une prise en charge palliative nécessite l’ intervention précoce d’ une équipe multidisciplinaire coordonnée et quelques fois d’ une équipe spécialisée.
◆ La rédaction d’ un projet de soins anticipé, régulièrement réactualisé et transmis aux différents intervenants, permet de coordonner les soins et d’ éviter des interventions et/ou des hospitalisations inappropriées.

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L’ angiodysplasie chez la personne âgée

Les angiodysplasies gastro-intestinales sont des anomalies vasculaires pouvant être responsables d’ hémorragie digestive haute, parfois basse ou d’ anémie par carence martiale. L’ endoscopie joue un rôle clé diagnostique et thérapeutique. Le traitement de référence est la coagulation au plasma argon. En cas d’ échec, des thérapies médicamenteuses sont évaluées.

Abstract: Gastro-intestinal angiodyplasia can lead to upper or less likely lower bleeding and iron deficiency anemia. Endoscopy has a key role for diagnosis and therapy. Reference treatment is argon plasma coagulation. If unsuccessful, pharmacological treatments are assessed.
Key Words: Angiodysplasia, gastrointestinal bleeding, anemia, capsule endoscopy, argon plasma coagulation

Introduction

Les angiodysplasies sont des anomalies vasculaires fréquentes du tractus digestif, à risque hémorragique. Le bilan diagnostique et le traitement sont détaillés dans cet article.

Physiopathologie : qu’ est-ce que l’angiodysplasie ?

L’ angiodysplasie gastro-intestinale est une anomalie acquise le plus souvent, parfois congénitale dans le cadre de la maladie de Rendu-Osler. Il s’ agit d’un processus dégénératif et ischémique évoluant vers une stase veineuse. L’ angiodysplasie se présente sous la forme d’ une lésion vasculaire superficielle, le plus souvent infra centimétrique, développée dans la couche muqueuse ou la sous muqueuse. Elle se présente sous la forme d’ une lésion rouge, parfois légèrement surélevée, à contours irréguliers (Figure 1).

Epidémiologie

La prévalence de l’ angiodysplasie est plus élevée chez les personnes âgées, 73 % des patients présentant des angiodysplasies coliques sont âgés de 60 ans ou plus (1). La localisation principale est dans le caecum et le côlon droit. Dans le contexte d’ hémorragies digestives hautes, elles représentent 4 % des causes de saignement et sont alors situées dans l’ estomac et/ou le duodénum (2). La présence d’ angiodysplasies hautes sont prédictives d’angiodysplasies jéjunales qui pourraient être mises en évidence lors de la capsule de l’ intestin grêle. Enfin, en cas d’ anémie spoliative sans cause identifiée à la gastroscopie et à la coloscopie, des angiodysplasies de l’ intestin grêle sont mise en évidence dans 40 à 60 % des cas lors de la capsule, le plus souvent au niveau de l’ intestin grêle proximal (3, 4). La capsule de l’ intestin grêle a des performances diagnostiques plus élevées chez les patients âgés de > 70 ans, permettant un diagnostic d’ angiodysplasies dans 42.5 % des cas (5). Les facteurs associés à la présence d’ angiodysplasies sont une sténose aortique (le syndrome de Heyde associe rétrécissement valvulaire aortique et angiodysplasies), l’ insuffisance rénale chronique, la maladie de von Willebrand.

Présentation clinique

Le plus souvent, les angiodysplasies se manifestent par une anémie spoliative, donc sans saignement extériorisé, parfois par du méléna et rarement par une hémorragie digestive massive. La résolution spontanée de l’ hémorragie digestive survient dans 40 à 45 % des cas (6). Le taux de mortalité est bas, évalué à 2.1 % en milieu intra hospitalier (7).

Diagnostic

Les examens de première intention sont endoscopiques. En cas de méléna, une endoscopie oeso-gastro-duodénale est proposée. Une coloscopie sera aussi réalisée en l’ absence d’ étiologie en amont de l’ angle de Treitz et en cas de bilan d’ anémie par carence martiale. En cas de normalité de ces examens, il existe une indication à une exploration de l’ intestin grêle, qui peut l’ être soit par une capsule de l’ intestin grêle, soit par push-entéroscopie, soit par entéroscopie simple ou double ballon, haute et/ou basse. La capsule de l’ intestin grêle nécessite un accord de prise en charge auprès de l’ assurance maladie du patient au préalable. Elle a l’ avantage de ne pas être un examen invasif, et permet un taux élevé d’ exploration complète du grêle (> 90 %) avec de bonnes performances diagnostiques, d’ environ 60 %. Parmi les différentes techniques d’ endoscopies plus invasives de l’ intestin grêle, nécessitant une anesthésie générale, l’ entéroscopie haute ou basse simple ballon est celle utilisée au CHUV, et ceci après confirmation de présence d’ angiodysplasies lors de la capsule. La plupart des angiodysplasies de l’ intestin grêle sont situées dans le grêle proximal et l’ entéroscopie haute sera l’ examen de premier recours, l’ entéroscopie basse n’ étant réservée que pour des lésions très distales.

Les examens d’ imagerie radiologiques peuvent être une alternative à l’ exploration endoscopique, tels que l’ entéro-scanner, l’ entéro-IRM, l’ angiographie ou la scintigraphie aux globules rouges marqués au Technetium-99.
La capsule de l’ intestin grêle doit rester l’ examen de première intention.

Traitement

Les angiodysplasies ne doivent être traitées que si elles sont la cause d’ un potentiel saignement, cela signifie en cas de saignement avéré ou dans le cadre d’ une hémorragie digestive occulte après avoir éliminé d’ autres causes de saignement. En cas de découverte fortuite d’ angiodysplasies, il n’ y a pas d’ indication à un traitement de celles-ci, même pour prévenir un potentiel saignement ultérieur.

Le traitement est endoscopique en première intention. Le traitement de référence est l’ électrocoagulation au plasma argon, qui est une méthode thermique d’ hémostase par pulvérisation d’ argon ionisé via une sonde (Figure 2).
La principale complication est la perforation, estimée à <0.5% (8).

D’ autres méthodes peuvent être utilisées, telles que d’ autres méthodes thermiques de coagulation, la mise en place de clips, la ligature ou des méthodes de sclérothérapie.

Le risque de récidive n’ est pas négligeable, aux alentours de 45% à 3 ans. (9)

Le traitement endoscopique peut être insuffisant, notamment en cas de lésions extensives et d’ accès difficile, par exemple dans l’ iléon moyen ou distal. Une prise en charge pharmacologique peut être proposée dans ces cas-là.

Les analogues de la somatostatine sont le traitement de premier choix, permettant une augmentation de l’ hémoglobine et une diminution de la nécessité de transfusion dans de multiples études rétrospectives et prospectives. Malgré un coût élevé de ce traitement, les analyses coût-efficacité sont en faveur de celui-ci, du fait d’ une diminution du nombre d’ hospitalisations et de transfusions. Les doses proposées sont pour la somatostatine 20 mg/4 semaines (10).

Le thalidomide ou le lénalidomide, mieux toléré, ont aussi été évalué et ont montré une efficacité avec une diminution de 30% du risque de récidive (11).

En cas de saignement actif et d’ instabilité hémodynamique avec échec de traitement endoscopique, une embolisation percutanée par voie radiologique doit être envisagée et proposée.

Enfin, une stratégie chirurgicale doit être évoquée en dernière intention en cas d’ échec des traitements non invasifs.

Cet article est une traduction de « der informierte arzt » 02_2022

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr. med. Sarra Oumrani

Abteilung für Gastroenterologie und Hepatologie
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne

sarra.oumrani@chuv.ch

Dr. med. Sébastien Godat

Abteilung für Gastroenterologie und Hepatologie
Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne

sebastien.godat@chuv.ch

Absence de conflits d’ intérêt en lien avec cet article.

◆ Les angiodysplasies sont une anomalie vasculaire acquise fréquente du tractus digestif dont la prévalence est plus élevée chez les personnes âgées.
◆ Elles peuvent être responsables d’ hémorragie digestive ou de carence martiale, avec ou sans anémie.
◆ L’ endoscopie est la pierre angulaire tant sur le plan diagnostic par le bilan classique (gastroscopie, coloscopie) et la capsule de l’ intestin grêle, que sur le plan thérapeutique.
◆ Le traitement de choix est la coagulation au plasma argon réalisée lors de gastroscopie, coloscopie ou entéroscopie.
◆ Les alternatives pharmacologiques telles que les analogues de la somatostatine ne sont pas à négliger en cas d’ échec de traitement endoscopique.

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