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Pour le sel !

Des situations dans lesquelles le sodium est indispensable

Pour la prévention de l’ hypertension artérielle et de ses complications, il est recommandé de consommer du sel à raison de 5-6 g de NaCl par jour. Il existe cependant des situations cliniques dans lesquelles un apport journalier de sel plus élevé est nécessaire. C’ est le cas, par exemple, des patients qui souffrent d’ hypotension orthostatique en l’ absence de prise médicamenteuse faisant baisser la pression, ou des sujets qui font des efforts physiques modérés à intensifs ou du sport de haut niveau. Après l’ exercice, il est recommandé de compenser les pertes cutanées d’ eau et de sel, mais la question se pose si la compensation doit être complète ou partielle. En Suisse, dans le cadre de la prévention des déficiences en iode et de ses conséquences cliniques, du iode est ajouté au sel de cuisine. Les apports en iode de la population sont donc très liés à la consommation de sel. Des données récentes ont montré qu’ environ 14  % des femmes suisses sont en état de déficience en iode. Cette situation pourrait potentiellement s’ aggraver en cas de régime pauvre en sel (< 5 g NaCl/j). Les jeunes femmes en âge de procréer et leurs enfants sont particulièrement à risque de développer des complications liées au manque de iode.



Zur Vorbeugung von Bluthochdruck und dessen Komplikationen wird empfohlen, 5-6 g NaCl pro Tag zu konsumieren. Es gibt jedoch klinische Situationen, in denen eine höhere tägliche Salzzufuhr erforderlich ist. Dies ist z.B. der Fall bei Patienten, die ohne blutdrucksenkende Medikamente an einer orthostatischen Hypotonie leiden, oder bei Personen, die sich mässig bis intensiv körperlich betätigen oder Spitzensport betreiben. Nach dem Training wird empfohlen, den Wasser- und Salzverlust der Haut auszugleichen, es stellt sich jedoch die Frage, ob der Ausgleich vollständig oder nur teilweise erfolgen soll. In der Schweiz wird im Rahmen der Prävention von Jodmangel und dessen klinischen Folgen Jod dem Speisesalz zugesetzt. Die Jodaufnahme der Bevölkerung ist daher eng mit dem Salzkonsum verbunden. Jüngste Daten haben gezeigt, dass rund 14 % der Schweizer Frauen unter Jodmangel leiden. Diese Situation könnte sich bei einer salzarmen Ernährung (< 5 g NaCl/Tag) potenziell verschlechtern. Junge Frauen im gebärfähigen Alter und ihre Kinder sind besonders gefährdet, Komplikationen durch Jodmangel zu entwickeln.

Le sodium est un électrolyte essentiel pour les fonctions cellulaires, pour la régulation des compartiments liquidiens du corps et pour la régulation de la pression artérielle (PA). Aujourd’ hui, pratiquement toutes les sociétés médicales recommandent un apport journalier modéré en sodium ou en sel de table essentiellement pour prévenir le développement de l’ hypertension artérielle avec l’ âge et les complications cardiovasculaires et rénales qui sont associées à l’ hypertension (1). La consommation journalière de sel (NaCl) devrait être de 5-6 g par jour. En réalité, en Suisse (2), comme en Europe et aux Etats Unis, la consommation moyenne de sel est de l’ ordre de 9-11 g/j avec une consommation un peu plus élevée chez les hommes (10.5 g/j) que chez les femmes (7.5 g/j). Dans toutes les études populationnelles, il existe une relation linéaire significative entre la consommation de sel journalière et la pression artérielle, l’ impact étant plus prononcé chez les hypertendus que chez les normotendus.
Dans le débat sur la consommation de sel à recommander, une question revient systématiquement: un régime restreint en sel est-il favorable pour tout le monde ou existe-t-il des risques liés à un régime pauvre en sel chez certains individus ou groupes de sujets? Cette question a été ravivée par plusieurs publications suggérant qu’ un apport trop restreint en sel est associé à une augmentation de la mortalité globale, sans que l’ on connaisse vraiment les mécanismes de cette surmortalité. Au delà de ce débat précis, il est évident qu’ il existe des situations cliniques dans lesquelles un apport journalier de sel plus élevé est nécessaire. Le but de cet article est de discuter les situations cliniques les plus fréquentes associées à des besoins en sel supérieurs à ceux qui sont recommandés pour la population générale et les patients hypertendus en particuliers.

L’ hypotension orthostatique

Selon les dernières recommandations de la Société Européenne de Cardiologie, l’ hypotension orthostatique (HO) se définit comme une chute anormale de la PA au passage de la position assise à debout avec une baisse de la PA ≥ 20 mmHg de systolique ou ≥ 10 mmHg de diastolique ou une chute de la PA systolique à moins de 90 mmHg (3). La prévalence de l’ HO augmente avec l’ âge. L’ hypovolémie et une perte rénale de sel nocturne sont deux caractéristiques de la physiopathologie de l’ hypotension orthostatique survenant chez des individus souvent jeunes qui ne reçoivent pas de traitements hypotenseurs. Dans ces cas, il est fortement recommandé d’ augmenter le volume circulant pour prévenir les hypotensions et cela peut se faire de deux manières: d’ une part en augmentant les apports hydriques et d’ autre part en augmentant la consommation de sel, ce qui augmentera la soif et favorisera la rétention hydrosodée et l’ augmentation du volume circulant. Ainsi, dans cette situation, on propose aux patients de boire plus de 2 litres de liquide par jour et de manger 10 grammes de sel par jour, soit le double des recommandations. Cette approche non-pharmacologique de l’ HO permet souvent de diminuer les symptômes de chute de pression. Toutefois, elle ne peut pas être appliquée à des patients qui souffrent d’ une insuffisance cardiaque en raison du risque de surcharge et d’ oedème aigu du poumon.
En cas de hypotension aiguë, une manière simple de faire remonter la PA est de boire un verre (environ 250 à 500 ml) d’ eau froide qui active le système nerveux sympathique et augmente la pression artérielle.

Régime pauvre en sel et carence en iode

Le iode est un élément essentiel pour tous les organismes vivants. Le déficit en iode est reconnu depuis le début du XXe siècle comme une cause majeure du goitre et du crétinisme (4). Aujourd’ hui, la carence en iode, même modérée, est surtout associée à des troubles du développement cérébral et des troubles cognitifs chez l’ enfant. En Suisse, la consommation de iode est intrinsèquement liée à celle du sel. En effet, depuis 1922, date à laquelle une Commission Fédérale pour la prophylaxie du goitre (4) à décidé de donner du iode à la population, le sel est enrichi en iode à des concentrations qui sont en augmentation constante : 3.75 mg/kg en 1922, 15 mg/kg en 1980 et 25 mg/kg en 2014. Pour obtenir les taux urinaires de iode recommandés par l’ OMS (100 μg/jour) il faut manger plus de 5 grammes de sel par jour. Dans l’ étude suisse sur la consommation de sel, réalisée entre 2010 et 2012, l’ excrétion urinaire de iode a été mesurée (5). Il s’ est avéré que 14 % des femmes et 2 % des hommes présentaient un déficit en iode (Fig. 1). Le déficit était plus marqué chez les femmes parce qu’ elles mangent globalement moins que les hommes et dès lors, elles ont un apport en sodium et iode inférieur. Ces données ont conduit à une augmentation du contenu en iode du sel en 2014. Cette observation pose donc la question de la pertinence d’ une réduction globale de la consommation de sel dans la population pour prévenir l’ hypertension artérielle, en particulier chez les jeunes femmes qui ont un risque d’ hypertension et de maladies cardiovasculaires plutôt bas, en tout cas jusqu’ à la ménopause.

Exercice physique et consommation de sel

L’ exercice physique modéré et régulier est fortement encouragé par les recommandations internationales pour la prévention des maladies cardiovasculaires et fait partie des approches non-médicamenteuses de l’ hypertension artérielle (1). L’ activité physique, même modérée, entraîne une déshydratation et une augmentation de la sudation qui peut être à l’ origine d’ une perte de sel assez conséquente selon l’ intensité et la durée de l’ effort et les conditions environnementales (température ambiante, humidité, etc.). Ainsi, après un exercice physique léger (45 % de la VO2max), un individu peut perdre environ 600 mg de sodium, et autant de chlore, par la peau et avec un effort d’ intensité modérée (65 % de la VO2 max) la perte peut être de 1.5 g de sodium et 3 g de chlore. De même, la perte liquidienne varie beaucoup d’ un individu à l’ autre et se montre de 0.5 à 1.5 L. Aujourd’ hui, les conseils diététiques donnés aux individus qui veulent faire de l’ exercice ou du sport est d’ augmenter un peu leurs apports en sel avant, pendant et après l’ exercice, de manière à maintenir leur équilibre hydro-électrolytique. Pour les efforts légers, la diète habituelle suffit à maintenir cet équilibre. Pour les efforts modérés à intenses, il est préférable de compenser les pertes hydro-sodées par des boissons légèrement salées pour éviter le risque d’ hyponatrémie et ses conséquences neurologiques. Toutefois, la question se pose de savoir si la restitution du sel perdu par la peau durant l’ exercice est vraiment bénéfique à long-terme par exemple chez les patients hypertendus. En effet, il est maintenant bien établi que, lors d’ un régime riche en sel, le sodium s’ accumule dans la peau chez les hypertendus, les diabétiques et les insuffisants rénaux. L’ exercice physique augmente les pertes cutanées de sodium et par ce biais contribue à diminuer le stockage du sel dans les tissus comme le muscle et la peau. C’ est en partie par ce mécanisme que l’ exercice physique a des effets bénéfiques sur la pression artérielle. Dès lors, une compensation complète ou excessive des pertes sodées cutanées après un exercice pourrait limiter à la fois les bénéfices de l’ exercice et ceux liés à la réduction de la consommation de sel au quotidien. La question a été discutée récemment dans une revue intéressante qui remet en question les bénéfices d’ une substitution sodée complète après l’ exercice (6). Lors d’ activité physique de faible intensité, recommandée par les Sociétés Internationales d’ Hypertension, il est probablement préférable de ne pas compenser les pertes sodées, ce qui n’ est pas le cas dans les activités sportives intenses.

Autres situations cliniques nécessitant un apport sodé important

Dans les paragraphes précédents, nous avons discuté les situations cliniques les plus fréquentes dans lesquelles une restriction des apports en sel à 5-6 g/j pourrait s’ avérer problématique. Il existe plusieurs autres pathologies rénales et endocriniennes dans lesquelles un apport élevé de sel est nécessaire, entre autre pour maintenir la pression artérielle. C’ est le cas des enfants et des adultes qui présentent un syndrome de Gitelman ou de Bartter, qui sont hypotendus en raison d’ une perte rénale de sel. Ces deux maladies rénales génétiques sont caractérisées par une perte rénale de sodium consécutive à des mutations de certains transporteurs tubulaires du sodium. Une autre situation clinique peu fréquente est l’ insuffisance surrénalienne. Dans ce contexte, l’ insuffisance minéralocorticoïde entraîne une perte de sel due au déficit en aldostérone avec pour conséquence clinique une hypotension artérielle et parmi les symptômes, un appétit du sel important (salt craving). En l’ absence d’ une compensation minéralocorticoïde adéquate, un régime riche en sel est nécessaire pour maintenir la pression artérielle. Cependant, les apports en sel doivent être réduits lorsque la compensation surrénalienne médicamenteuse est efficace.

Conclusions

La réduction de la consommation de sel à 5-6 g par jour dans la population, comme recommandée par les Sociétés de Cardiologie et d’ Hypertension, constitue une étape importante dans la prévention des maladies cardiovasculaires. C’ est pour cela, que cette recommandation est également soutenue par de grandes organisations de santé comme l’ Organisation Mondiale de la Santé qui signale également qu’ il ne faut pas oublier l’ apport en iode dans de nombreux pays. Cependant, manger moins de sel a d’ autres effets bénéfiques en dehors du domaine cardiovasculaire, par exemples sur la survenue des calculs rénaux, sur le métabolisme osseux, sur l’ incidence du cancer de l’ estomac, et peut-être aussi sur l’ asthme et le développement de la cataracte (7). Il est vrai qu’ il existe des situations cliniques dans lesquelles un apport de sel supérieur aux recommandations est nécessaire comme discuté dans cette courte revue. Cependant ces situations sont relativement peu fréquentes et ont un impact sur la mortalité globale plutôt faible en comparaison des complications cardiovasculaires induites par une consommation trop élevée de sel.

Pr Michel Burnier

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service de néphrologie et hypertension
Rue du Bugnon 17
1011 Lausanne

michel.burnier@chuv.ch

Dr Arlène Ghajarzadeh Wurzner

Centre Hospitalier Universitaire Vaudois
Service de néphrologie et hypertension
Rue du Bugnon 17
1011 Lausanne

Les auteurs n’ ont déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

  • Une consommation de sel (NaCl) de 5 à 6 grammes par jour est recommandée pour l’ ensemble de la population.
  • En cas d’ hypotension orthostatique, après l’ arrêt des médicaments à effet hypotenseur, il est recommandé de manger 10g de sel et de boire au moins 2 litres par jour avant de prescrire des hypertenseurs.
  • En Suisse, chez les jeunes femmes en âge de procréer, il est recommandé de manger au moins 6 grammes de sel par jour pour prévenir la carence en iode.
  • Chez les sujets qui ont une activité physique modérée à élevée ou font du sport de compétition, les pertes sodées doivent être compensées par un apport plus élevé de sel. Cependant, la compensation ne devrait pas être complète.

Take-Home Message

  • Eine Salzzufuhr (NaCl) von 5 bis 6 Gramm pro Tag wird für die gesamte Bevölkerung empfohlen.
  • Im Falle einer orthostatischen Hypotonie wird empfohlen, nach
    Absetzen der blutdrucksenkenden Medikamente 10 g Salz einzunehmen und mindestens 2 Liter pro Tag zu trinken, bevor man Mittel verschreibt, die den Blutdruck erhöhen.
  • In der Schweiz wird jungen Frauen im gebärfähigen Alter empfohlen, mindestens 6 Gramm Salz pro Tag einzunehmen, um einem Jod-
    mangel vorzubeugen.
  • Bei Personen mit mittlerer bis hoher körperlicher Aktivität oder im Leistungssport müssen Natriumverluste durch eine höhere Salz-
    zufuhr ausgeglichen werden. Die Kompensation sollte jedoch nicht vollständig sein.

1. Williams, B., et al., 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension: The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Cardiology and the European Society of Hypertension: The Task Force for the management of arterial hypertension of the European Society of Cardiology and the European Society of Hypertension. J Hypertens, 2018. 36(10): p. 1953-2041.
2. Glatz, N., et al., Associations of sodium, potassium and protein intake with blood pressure and hypertension in Switzerland. Swiss Med Wkly, 2017. 147: p. w14411.
3. Brignole, M., et al., 2018 ESC Guidelines for the diagnosis and management of syncope. Eur Heart J, 2018. 39(21): p. 1883-1948.
4. Vouilloz Burnier, M.F., Variole et goitre: deux conceptions de la santé publique. Revue Médicale de la Suisse Romande, 2000. 120(12): p. 945-952.
5. Haldimann, M., et al., Prevalence of iodine inadequacy in Switzerland assessed by the estimated average requirement cut-point method in relation to the impact of iodized salt. Public Health Nutr, 2015. 18(8): p. 1333-42.
6. Turner, M.J. and A.P. Avolio, Does Replacing Sodium Excreted in Sweat Attenuate the Health Benefits of Physical Activity? Int J Sport Nutr Exerc Metab, 2016. 26(4): p. 377-89.
7. Cappuccio, F.P., Cardiovascular and other effects of salt consumption. Kidney Int Suppl (2011), 2013. 3(4): p. 312-315.