Editorial

COVID-19 et cognition : l’ histoire n’ est pas finie



Il y a quelques mois, alors que nous récupérions chacun de notre COVID-19, nous devisions avec un collègue sur d’ éventuels symptômes résiduels, dont notamment le « foggy brain », ces troubles de concentration rapportés par près de 5% des patients plusieurs mois après leur infection. Ce n’ était pas notre cas, mais une étude récente de la bio-banque du Royaume-Uni suggère que cela ne garantit pas que notre cerveau s’ en soit pour autant sorti indemne (1).

Cette étude a comparé l’ évolution des structures cérébrales entre deux examens de neuro-imagerie par résonnance magnétique cérébrale (IRM) chez 401 participants (âge moyen 58.9±7.0 ans, fourchette d’ âge entre 46.9 et 80.2 ans) ayant présenté un test positif pour le SARS-CoV-2 entre les deux examens et 384 participants contrôles (appariés pour l’ âge, le sexe, l’ ethnicité, l’ état de santé pré-COVID, et le statut socio-économique) n’ ayant pas été infectés durant cette période. La plupart des infections étaient légères à modérées et seules 15 (4 %) personnes infectées avaient été hospitalisées.

Comparées aux contrôles, les personnes infectées par le SARS-CoV-2 avaient une atrophie plus marquée de leur substance grise dans certaines régions spécifiques (cortex orbitofrontal et gyrus parahippocampique), mais aussi une réduction globale de la taille de leur cerveau, et des changements plus importants de marqueurs lésionnels dans les régions connectées au cortex olfactif primaire. Ces participants avaient aussi un déclin de leurs performances cognitives, entre les deux examens IRM, plus marqué que les personnes contrôles. Les résultats étaient similaires si l’ on excluait des analyses les 15 personnes ayant dû être hospitalisées et étaient indépendant du délai entre la survenue de l’ infection et le 2ème examen IRM. Les changements observés semblent aussi spécifiques au SARS-CoV-2 car n’ apparaissant pas dans un autre groupe de participants à la UK biobanque ayant eux souffert d’ une pneumonie d’ autre origine que le COVID-19 ou d’ une grippe. Malheureusement, une analyse visant à investiguer l’ association entre les symptômes spécifiques initiaux du COVID-19 et les signes d’ atrophie n’ a pas encore été menée.

Un cinquième seulement des personnes infectées par le COVID-19 avaient eu leur infection plus de 6 mois avant leur 2ème imagerie, laissant ouverte la possibilité d’ un effet et/ou de changements transitoires. Néanmoins, ces changements observés dans des régions contenant ou jouxtant des zones (cortex entorhinal, hippocampe) particulièrement sensibles pour les fonctions mnésiques font craindre qu’ ils puissent évoluer vers des formes de démences chez certaines personnes.

Si la page de la pandémie de COVID-19 est peut-être tournée, l’ histoire des effets cognitifs à long terme des infections à SARS-CoV-2 n’ est pas finie.

Prof Dr Med Ch. Büla

Pr Christophe Büla

Service de Gériatrie et réadaptation gériatrique,
Centre hospitalier universitaire vaudois
Ch. de Mont Paisible 16
1011 Lausanne

1. Douaud G et al. SARS-CoV-2 is associated with changes in brain
structure in UK Biobank. Nature 2022;604:697

la gazette médicale

  • Vol. 11
  • Ausgabe 3
  • Mai 2022