- CRISE DE FOI
Un résumé n’ est guère possible tant sont nombreux et complexes les faits et les témoignages ahurissants relatifs aux pontificats de Paul VI (1963 - 1978), Jean-Paul II (1978-2005), Benoît XVI (2005 - 2013) et François (2013 - ).
La triste quintessence qui en ressort révèle l’ existence de l’ une des plus grandes communautés homosexuelles au monde où règnent hypocrisie, luxure, double vie, scandales sexuels, réseaux de prostitution (essentiellement masculine), détournements d’ argent, comptes parallèles, le tout couvert par l’ omerta.
Rappel des pages sombres de l’ histoire des Borgia
L’ imagination dans le mensonge, la constance dans les intrigues et la violence des règlements de compte s’ étendent bien au-delà du petit Etat, particulièrement, mais pas seulement, en Amérique latine. Un Garde suisse, hétérosexuel, dénonce la drague soutenue voire agressive de certains cardinaux. Parmi beaucoup d’ autres, deux phrases de l’ auteur sont éloquentes : « Coucher avec son secrétaire privé : ce modèle est omniprésent dans l’ histoire du Vatican ». « Derrière la majorité des affaires d’ abus sexuels se trouvent des prêtres et des évêques qui ont protégé les agresseurs en raison de leur propre homosexualité par peur qu’ elle puisse être révélée en cas de scandale. La culture du secret qui était nécessaire pour maintenir le silence sur la forte prévalence de l’ homosexualité dans l’ Eglise a permis aux abus sexuels d’ être cachés et aux prédateurs d’ agir » (1).
Vatileaks I livre en 2012 à la presse quantité de documents compromettants sur les moeurs du Vatican et contribue à la chute de Benoît XVI. Vatileaks II éclate sous François mais commence sous Joseph Ratzinger. On y découvre l’ opacité de la banque du Vatican (nombreux comptes-courants illégaux, transferts de capitaux illicites) et le luxe des appartements des cardinaux dont un refait avec l’ argent de la fondation d’ un hôpital pédiatrique (1).
Voilà qui n’ est pas sans rappeler les pages sombres de l’ histoire des Borgia.
On comprend mieux, sans rien excuser, comment en de nombreux pays ont pu être perpétrés et occultés tant d’ actes pédophiles par des représentants de Dieu sur terre, même si l’ homosexualité pratiquée entre adultes (plus ou moins) consentants n’ est pas la pédophilie, qualifiée par la théologienne Véronique Margron (née en 1957) de « pédocriminalité » (2).
Sans doute bien des hommes d’ Eglise sont-ils honnêtes dans leur sacerdoce et dévoués à leurs ouailles mais, l’ exemple devant, selon l’ adage, venir d’ en haut, on est consterné par celui que donne le « Quartier général » de la Grande Prostituée des bords du Tibre et ses officiers dans le monde. De pourpre ou de violet vêtus, de puissants prélats, âgés pour la plupart, profitant sans réserve d’ un matérialisme terrestre auquel ils sont sûrs d’ avoir droit, « guident » 1,2 milliard de croyants (le catholicisme est actuellement la deuxième religion de la planète, derrière l’ Islam devenue la première avec plus de 1,3 milliard d’ adeptes) dont beaucoup sont pauvres, faibles mais fidèles à leur foi.
Les hauts dignitaires du Vatican, comme la plupart des hommes politiques qu’ ils sont d’ ailleurs en partie, ignorent ou ont oublié cette saisissante citation de Montaigne (1533-1592) : « Au plus élevé trône du monde, on n’ est jamais assis que sur son cul ». Il est vrai qu’ ils ont, avec les cardinaux de Richelieu (1585-1642) et Mazarin (1602-1661), d’ illustres prédécesseurs !
La foi véritable est dangereuse pour les Eglises
Si la foi (du latin fides = confiance, sans connotation religieuse) conduit à une relation directe avec Dieu, les grandes religions monothéistes que sont le Christianisme, l’ Islam et le Judaïsme, qui partagent le même récit de la création du monde en six jours, initiées par leurs prophètes respectifs, apparaissent d’ abord comme une affaire d’ hommes. La promesse d’ une vie éternelle, à certaines conditions bien sûr, leur confère un très fort pouvoir sur la masse des croyants que la perspective de leur propre disparition terrestre angoisse. La culpabilité (évacuée au confessionnal), l’ imposition des dogmes et l’ obéissance aux rites en sont les armes. « La société et les religions ont étouffé la foi pour imposer leurs croyances. La foi véritable est dangereuse pour les Eglises car elle les prive de tout pouvoir sur les fidèles » (3).
Une religion impose le couvre-chef à qui pénètre dans un lieu saint au contraire d’ une autre pour laquelle il faut se découvrir tandis qu’ une troisième exige, contrairement aux deux autres, le déchaussement. Les rituels festifs, vestimentaires et alimentaires diffèrent de l’ une à l’ autre.
La relativité de toute certitude d’ ordre divin
Troisième religion de la planète avec 1,1 milliard de disciples, l’ une des plus anciennes (2000 ans av. J.-C.) encore pratiquées, l’ Indouisme est polythéiste avec toutefois un dieu suprême, Brahma, mais sans véritable fondateur. Les Indous croient en la réincarnation de l’ âme, une façon de concevoir la vie éternelle.
La différence des croyances et des pratiques religieuses démontre la relativité de toute certitude, fût-elle d’ ordre divin ou prétendue telle, laquelle au demeurant n’ assure en rien un comportement irréprochable.
L’ adhésion à une religion a ceci de commun avec la langue maternelle qu’ elle dépend essentiellement de l’ endroit et du milieu de la naissance. Chacun a sa vérité qui l’ emporte sur celle des autres.
Mais la conviction peut devenir intolérance, à l’ exemple des « ultra-orthodoxes » juifs et, quand elle nourrit des ambitions de suprématie politico-religieuse, elle menace la liberté de penser et les fondements de la démocratie. Zineb El Rhazoui (née en 1982), journaliste et militante des droits de l’ homme franco-marocaine, révèle la stratégie d’ expansion du fascisme islamique en Occident et dénonce la complaisance des uns et l’ aveuglement des autres à son endroit. Parmi les Musulmans, « les islamistes sont ceux qui estiment que leur pratique personnelle de la religion islamique doit prévaloir sur les lois de la République » (4).
Si toutes les guerres qu’ a connu l’ Humanité ne peuvent être imputées aux seules religions, il ne fait guère de doute que ces dernières, par le fanatisme (du latin fanaticus = serviteur du temple) de certains protagonistes, ont joué et jouent encore un rôle, des guerres de religion du XVIe siècle au djihad d’ aujourd’ hui, lequel était déjà pratiqué par Mahomet (571-632) (4).
En réaction au mal, Albert Camus (1913-1960) s’ exclame : « Ou nous ne sommes pas libres et Dieu tout-puissant est responsable du mal, ou nous sommes libres et responsables, mais Dieu n’ est pas tout puissant » (5).
La philosophie comme « spiritualité laïque »
Quid alors de l’ agnostique et plus encore de l’ athée qui, par une justice transcendante, se verraient privés de la vie éternelle ? Et si certains d’ entre eux la refusaient au prétexte que leur brève vie charnelle leur suffit et qu’ ils ne souhaitent la prolonger sous aucune forme ?
La philosophie telle que la conçoit Luc Ferry (né en 1951) offre une option : « La philosophie est avant tout une « doctrine du salut » avec toutefois cette particularité très remarquable qu’ elle est une doctrine du salut sans Dieu, une « spiritualité laïque ». Contrairement aux grandes religions, en effet, la philosophie promet à ceux qui veulent y consacrer leur vie qu’ ils peuvent parvenir à se sauver par eux-mêmes et par la raison au lieu que les grandes religions nous promettent d’ accéder au salut, certes, mais par un Autre, par Dieu (et non par soi-même) et par la foi (et non par la lucidité de la raison) » (6).
Semblable conception émane déjà de Diogène de Synope (404-323 av. J.-C.), le plus célèbre représentant de l’ Ecole cynique grecque : « Il n’ est pas un athée militant qui voudrait à tout prix extirper de la tête de ses contemporains l’ idée de Dieu ; simplement il constate que cette idée, qui ne trouve de preuve ni dans l’ expérience ni dans le raisonnement, est contradictoire avec l’ apathie (du grec apatheia = impassibilité, état de sérénité totale) que lui-même souhaite pour l’ homme. Aussi se contente-t-il de professer un agnosticisme de bon aloi, qui l’ amène à mettre le concept de divinité entre parenthèses et à engager les autres sur la voie d’ un bonheur construit de main d’ homme, sans le recours à une quelconque transcendance qui risquerait de n’ être qu’ une illusion de plus parmi tant d’ autres » (7).
La liberté de croire ou non devrait être garantie à chacun
La liberté de croire ou non en une puissance divine et de sacrifier aux rites qu’ impose l’ une ou l’ autre de ses représentations devrait être garantie à chacun. Ce n’ est malheureusement pas le cas, ce que prouvent deux exemples : la politique anti-religieuse du régime soviétique sous Staline et, à l’ inverse, la condamnation pour apostasie, par l’ Islam, de toute personne se déclarant athée ou se convertissant à une autre religion.
Le débat ne sera clos qu’ avec la disparition de l’ Humanité.
Indépendamment de toute appartenance religieuse, l’ essentiel n’ est-il pas de privilégier, au cours de la vie qui nous est prêtée (et non pas donnée puisqu’ elle nous est reprise), l’ ouverture d’ esprit et la tolérance, signes d’ intelligence et de générosité ?
« Aller à l’ église ne vous fait pas plus chrétien qu’ aller au garage ne fait de vous un mécanicien » (L. Peter (1919-1990). « Le plus beau cadeau que vous puissiez faire à vos enfants est de les épargner de toute éducation religieuse, tout en les rendant attentifs aux valeurs essentielles de la vie » (3).
Peut-être n’ est-il pas vain de se rappeler les principes moraux d’ Antisthène (445-360 av. J.-C.), héritier spirituel de Socrate, guide moral de Diogène, contemporain de Platon et l’ un des premiers Cyniques grecs : « La vertu relève des actes ; fondée sur l’ effort qui est un bien, elle se révèle une arme imprenable ; c’ est elle la vraie richesse ; elle n’ a rien de commun avec les biens extérieurs qui font courir les hommes au-delà de toute raison » (7).
Cardiologue FMH
Chemin Thury 12
1206 Genève
jean-jacques.perrenoud@unige.ch
1. Martel F. Sodoma, enquête au cœur du Vatican. Editions Robert Laffont, Paris, 2019.
2. Margron V, Cordelier J. Un moment de vérité. Editions Albin Michel, Paris, 2019.
3. Baechler A. Religions-spiritualité. https://a-baechler.net/blog/regards
4. Zineb. Détruire le fascisme islamique. Editions Ring, Paris, 2016.
5. Camus A. Le Mythe de Sisyphe. Editions Gallimard, Paris, 1942.
6. Ferry L. Philosophie. In Dictionnaire amoureux de la philosophie. Editions Plon,
Paris, 2018.
7. Goulet-Caze M-O. Avant-propos. In Les Cynique grecs, Léonce Paquet. Edition
Librairie Générale Française, Paris, 1992.
la gazette médicale
- Vol. 9
- Ausgabe 2
- April 2020