Actualité Concrès

1ère Journée Romande de Gériatrie

Départ de la plate-forme commune de formation et d’ échange

Le Jeudi 29 novembre a eu lieu au CHUV à Lausanne dans le cadre de la formation continue pour les gérontologues une journée Romande de Gérontologie, organisée par le Service de Gériatrie et de réadaptation du CHUV et sous la direction du Pr Christophe Büla.



Les deux thèmes centraux au cours de cet après-midi étaient d’  une part les défis que posent le nombre croissant de personnes àgées à la société et au système de santé, d’ autre part la présentation de différents systèmes de soins et de démarches innovatrices en Suisse Romande.
Les Suisses deviennent de plus en plus âgés, en partie grâce aux progrès de la médecine, ce qui fait que le besoin en établissements médico-sociaux et d’ infrastructures de soins va encore significativement augmenter. Mais, en plus d’ une augmentation du nombre de lits et, en conséquence, en personnel soignant et médical en EMS d’ environ 40%, il faudra pour des raisons économiques, humaines et éthiques prendre des mesures pour éviter la marginalisation des personnes âgées et un déclin fonctionnel partiellement évitable dû au manque de mesures spécifiques chez ces patients.

Malgré le fait que la Vice-directrice et cheffe de l’ Unité de Direction Santé Publique à l’ OFSP, Madame Andrea Arz de Falco, dressait comme ouverture du meeting un tableau très optimiste des efforts de la Confédération dans le domaine des soins, les orateurs suivants, en particulier le Dr Bertrand Kiefer, directeur de la Revue Médicale Suisse, et le Dr Christophe Graf, Médecin-Chef du département de la réadaptation et gériatrie aux HUG, se rejoignaient pour constater que l’ évolution aussi bien du système de santé que de la politique tarifaire ne soutenaient pas une stratégie adéquate chez ces patients très âgés et qu’ il y a beaucoup d’ espace pour des améliorations.

Dr Christoph Graf

Le Dr Kiefer défendait dans son exposé fort éloquent la thèse que le passage de l’ « hospitalo-centrisme  » du 20ème siècle à une médecine centrée sur les performances, mécanisée et normative était insuffisant pour subvenir de manière juste et spécifique aux besoins de patients âgés souffrant de problèmes complexes. D’ où, à son avis, la nécessité d’ un changement de paradigme en médecine avec de nouvelles définitions de la maladie et une manière innovatrice d’ impliquer les patients dans leur maladie. Il faut selon lui éviter que les patients âgés soient marginalisés et subissent un sentiment de distanciation devant le fantasme d’ un être humain parfait et super performant. Le Dr. Kiefer décrit une crise du sens – sens de la vie, de la maladie et de la mort – qui devient difficile à cerner pour les gens âgés quand ils dévient de cette norme. Pour arriver à corriger le tir, il faut aussi plus de réseaux intégrés, plus de multidisciplinarité, plus de prévention et une vision nouvelle de la maladie et de la mort.

Le Dr Graf lui insistait particulièrement sur le risque que, faute de compétences et de structures gériatriques spécifiques, des patients âgés perdent très vite leur compétence fonctionnelle et donc leur autonomie une fois happés dans la machinerie de l’ hôpital somatique, ce qui pèse lourdement aussi bien sur le plan humain que sur le plan économique de la société. Il relevait surtout l’ intérêt de structures multidisciplinaires dédiées, qui en intervenant tôt et de manière organisée permettent d’ éviter ou au moins de diminuer ce déclin fonctionnel. Comme exemple il a évoqué l’ Unité de Soins Gériatriques de l’ hôpital universitaire de Genève, qui intègre systématiquement toute la chaine depuis les spécialistes impliqués jusqu’ au personnel soignant.
Dans une vision plus pessimiste, le Dr Graf soulignait les conséquences négatives de l’ évolution actuelle des tarifs ; actuellement ni le système DRG, ni le tarif ambulatoire ne permettent une tarification adéquate du travail gériatrique multidisciplinaire, ce qui entraîne que les efforts préventifs chez ces patients âgés et multimorbides se voient menaçés par la stratégie purement monétaire et à courte vue de la Confédération. L’ orateur relevait en particulier le fossé absurde entre les durées de séjour théoriques et l’ expérience dans le terrain avec des patients plus malades et plus complexes avec l’ âge.

Dr Martal Coutaz

Un autre commentaire soutenant la nécessité de structures multidisciplinaires venait du Dr Martial Coutaz, Médecin-chef du Pôle de Gériatrie au Centre hospitalier du Valais romand, qui décrivait les expériences faites dans une unité orthogériatrique, dans laquelle des patients âgés, victimes d’ une fracture, sont pris en charge par une équipe multidisciplinaire de chirurgiens et de gériatres traitants, ce qui permet de garder les patients dans le même environnement tout en mettant en place tôt des mesures préventives. Le résultat était une diminution de la mortalité et de la morbidité ainsi qu’ une diminution du nombre de patients perdant leur autonomie et finissant en situation de soins. L’ orateur décrit plusieurs expériences similaires, entre autres en Grande Bretagne, où un processus de traitement standardisé a été mis en place et documenté dans un «  Blue Book  » dans le cadre du NHS dès 2007. Il est intéressant de noter à ce propos que les Anglais font un pas de plus, puisque ce système prévoit qu’ un chirurgien qui suit ces directives gagne plus d’ argent que si ce n’ est pas le cas. Peut-être serait-il aussi intéressant de discuter en Suisse d’ une relation entre la qualité d’ un geste et la valeur de sa rétribution.
Dans la deuxième partie de l’ après-midi plusieurs responsables d’ unités de gériatrie aussi bien stationnaires qu’ ambulatoires ainsi que des gériatres travaillant en cabinet présentaient des aspects spécifiques de leur travail et montraient que le travail comme gériatre offre des aspects attractifs aux jeunes médecins, comme le montre l’ exemple dans le cadre du concept READOM : Il s’ agit du système de prévention et de soins gériatriques multidisciplinaire et intégré du canton de Vaud, qui permet entre autre d’ intervenir précocement en mettant en route une réhabilitation ambulatoire.
En résumé, l’ évolution démographique et l’ augmentation du nombre de personnes âgées met notre société devant des défis importants, si nous voulons éviter que ces personnes âgées perdent leur autonomie et leur qualité de vie par manque de soins et de stratégie spécifique. Il faut plus de médecine «  low-tech  », de réseaux, de multidisciplinarité avec des interventions plus précoces, plus de prévention et, pour y arriver, une correction par la politique d’ un développement tarifaire insensé. Et en fin de compte il reste à citer Sir William Osler, qui a dit, il y a déjà bien quelques années : «  The good physician treats the disease. The very good physician treats the patient suffering from that disease. »

Dr Urs Kaufmann

Source: Journée Romande de Gériatrie, 28.11.2019, CHUV, Lausanne

la gazette médicale

  • Vol. 9
  • Ausgabe 1
  • Februar 2020