Editorial

Déprescrire



La polypharmacie est un problème important et difficile à gérer dans la pratique quotidienne de tout médecin. Elle s’observe tout particulièrement chez les patients âgés. L’addition de pathologies nouvelles se surajoutant aux autres définit le principe de polymorbidité, elle-même responsable de cette polypharmacie. Même si ce problème concerne des patients par définition relativement fragiles, ayant un risque absolu plus élevé de mourir, l’intérêt de la dé-prescription médicamenteuse s’est tout de même (im)posé ces dernières années (1). Et ceci dans un contexte où l’on a peu à peu mis en balance l’utilité et l’efficacité des médicaments face aux attentes des patients (2).
Une étude italienne (3), parue très récemment, est intéressante à ce point de vue, car elle démontre les conséquences néfastes de l’interruption d’un traitement. Il s’agit d’une étude de cohorte qui a examiné 29 047 patients de Lombardie, âgés de plus de 65 ans, recevant simultanément un traitement à base de statines, d’anti-hypertenseurs, d’anti-diabétiques et d’anti-agrégants. De l’ensemble, 5 819 patients (20%) ont cessé de prendre leur statine, tout en continuant de prendre leurs autres traitements. Le suivi était de 3 ans. Comparativement au groupe de maintien, ces patients ont présenté un risque accru d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque de 24 %, de nouvel évènement cardio-vasculaire de 14 %, de consultation dans un service d’urgence (de toute cause) de 12 %, et finalement de décès (de toute cause) de 15 %.
A noter que ce risque a été observé indépendamment du sexe, et autant en prévention primaire que secondaire. Une des faiblesses de l’étude est de ne pouvoir préciser la cause de l’arrêt des statines (décision du patient, de son médecin, conjointe ?).
Quoi qu’il en soit, alors que la plupart des essais randomisés excluent généralement les patients polymorbides et polymédiqués, cette étude permet de bien mieux préciser le rôle des statines dans cette catégorie de patients. Par ailleurs, ce travail soutient indirectement la nécessité d’une utilisation plus large des polypills, afin de diminuer le fléau de la polypharmacie.

Bonne lecture !

Dr Jérôme Morisod
jerome.morisod@hopitalvs.ch

Références :
1. Boyd CM et al. Clinical practice guidelines and quality of care for older patients with multiple comorbid diseases: implications for pay for performance. JAMA. 2005 Aug 10;294(6):716-24.
2. Riat F et al. Principes d’évaluation et de prise en charge des patients âgés polymorbides: guide a l’intention des cliniciens. Rev Med Suisse. 2012 Nov 7;8(361):2109-14.
3. Rea F et al. Cardiovascular Outcomes and Mortality Associated With Discontinuing Statins in Older Patients Receiving Polypharmacy. JAMA Netw Open. 2021 Jun 1;4(6):e2113186.

Dr Jérôme Morisod

Monthey

la gazette médicale

  • Vol. 10
  • Ausgabe 4
  • Juli 2021