- Des animaux en EMS ?
Les soins aux résidents en EMS souffrant de démence sont complexes et doivent prendre en compte les besoins médicaux, cognitifs, émotionnels, psychologiques et sociaux de chaque individu. L’utilisation d’animaux dans le cadre de soins aux personnes âgées atteintes de démence suscite un intérêt croissant, avec des approches variées telles que l’activité assistée par animal et la thérapie assistée par animal. Bien que certaines études aient suggéré des effets positifs sur le bien-être des résidents, il reste des limites méthodologiques à la démonstration de l’efficacité de ces techniques. Les avantages de la présence d’un animal en EMS doivent être équilibrés avec les risques pour les résidents et le personnel. Il est essentiel d’établir des règles institutionnelles pour assurer le bien-être de tous les animaux et personnes impliqués.
The care of residents in medical-social establishments suffering from dementia is complex and must take into account the medical, cognitive, emotional, psychological and social needs of each individual. There is growing interest in the use of animals in the care of older people with dementia, with varied approaches such as animal-assisted activity and animal-assisted therapy. Although some studies have suggested positive effects on the well-being of residents, there remain methodological limitations to demonstrating the effectiveness of these techniques. The potential benefits of having an animal in an EMS must be balanced against the risks to residents and staff, such as allergies or bites. It is essential to establish regulations to ensure the well-being of everyone involved.
Keywords: dementia, animal-assisted therapy, psyhchology, medical-social establishments
Ces dernières années, les médias ont régulièrement rapportés des pratiques de soins médiés par des animaux en établissement médicaux sociaux (EMS). Cette pratique est l’occasion d’interroger ce qui fait soins auprès des sujets souffrant de démence vivant en institution, quels sont nos relations avec les animaux, et ce que veut dire vivre et travailler en EMS.
Les soins auprès des résidant.e.s en EMS souffrant.e.s de démences sont particulièrement complexes. Ils reposent sur des principes de respect de la dignité, de respect de l’autonomie, de franchise et de respect. Ils doivent considérer la personne dans son ensemble et répondre à ses besoins médicaux, cognitifs, émotionnels, psychologiques et sociaux. Ils ont pour objet de préserver la qualité de vie et le bien être du patient souffrant de démence reconnu comme une personne. Ainsi, les soins vont être différents et uniques pour chaque personne, et auprès de chaque personne ils vont se modifier à travers le temps (1).
Les axes de soins sont multiples et combinés. Ils englobent les traitements psychosociaux (visant par exemple l’optimisation de la communication, et l’adaptation de l’environnement), l’accompagnement social, la gestion des risques, les interventions cognitives (approches visant à maintenir ou à améliorer la cognition par le biais d’activités stimulantes sur le plan mental), l’accompagnement des proches aidants, la prise en charge des maladies intercurrentes, de la douleur, la prise en charge des symptômes psycho comportementaux de la démence, les soins palliatifs … (2, 3).
Se développe ces dernières années un intérêt concernant le soin par le contact animalier auprès de sujets souffrant de démence vivant en institution. La co existence d’animaux et d’humain dans les institutions n’est pas nouvelle. On pourrait distinguer plusieurs modalités différentes de ces liens : animal privé en visite, animal privé séjournant avec le résidant, animal conduit en visite par une association, animal appartenant à la résidence (4).
Dans un certain cadre, les animaux peuvent participer, médier, contribuer à une activité avec un objectif de produire un bénéfice pour un sujet dément. Ces approches sont particulièrement hétérogènes et s’appuient sur des constructions différentes, selon l’espèce animal employé, le cadre pensé pour la technique, le rapport entre humain et animal, la formation du soignant, la conception de ce qui fait soin… Il est classique cependant de répartir ces approches en activité assistée par animal et thérapie assistée par animal. La première a pour objet d’améliorer la qualité de vie, à travers des activités/animations avec un animal, et la seconde conçoit l’animal comme un auxiliaire de thérapie conventionnelle avec un objectif de soin planifié, où l’animal est en lien avec un.e thérapeute qualifié.e et une personne démente. Les méthodes d’action de la thérapie assistée par l’animal sont diverses et comprennent : la stimulation multisensorielle, le contact physique, le jeu… Cette thérapie peut être développée en groupe ou en individuel. Les animaux les plus employés dans ce cadre sont les chiens et les chevaux.
Des recherches ont eu pour objet d’évaluer l’efficacité le soin par contact animalier (principalement des chiens) auprès des personnes démentes. Dans le cadre de recherche avec des méthodologies quantitatives, il a été mis en avant un effet positif de l’interaction avec un animal sur les variables mesurant le sentiment de solitude, de l’anxiété et de la dépression. Ces recherches recouvrent cependant des cadres de soins très différents. Les biais méthodologiques de ces études et la limitation du nombre des études rendent aujourd’hui impossible d’avoir des conclusions avec un niveau de preuve élevé sur l’efficacité des techniques de soins avec des animaux auprès de sujet âgé. Ce point est cependant à pondérer, effectivement il s’agit d’un domaine de recherche en expansion et la limitation à prouver l’efficacité, n’équivaut pas à une conclusion d’un manque d’efficacité. Par ailleurs, les méthodologies quantitatives afin de démontrer l’efficacité d’une technique de soin, font face à un obstacle important, qui est la grande variance du rapport entre un animal et un individu.
D’autres recherches avec des méthodologies qualitatives, rapportent que la présence d’un animal peut avoir un impact significatif sur la santé et le bien-être de certains résidents de maisons de retraite. Certains résidents rapportent trouver dans les interactions avec un animal plaisir et réconfort. Ce lien, semble également pour certains un moyen de maintenir une identité (en vivant avec leur animal de compagnie et prenant soin d’un animal, en vivant des expériences sensorielles et corporelles avec les animaux…), et de pouvoir investir la maison de retraite comme un « chez soi » (5, 6).
Les bénéfices de soins de la présence d’un animal en EMS pour certains sujets déments doivent être mis en regard des risques potentiels de la présence d’un animal auprès de sujets vulnérables. Dans ce cadre sont usuellement évoqués les risques de morsures, d’allergies, de transmissions infectieuses, mais également d’angoisses pour certains résidents ou soignants. Dans ce cadre, où l’institution doit mettre en place un cadre de protection pour ses résidents et ses employés, il est utile de rappeler que l’animal (quel que soit le cadre de sa présence dans le cadre institutionnel, vivant en institution, ou conduit en visite de l’extérieur) doit également être protégé de toutes maltraitances, bénéficier d’un suivi vétérinaire et d’un cadre d’assurance de responsabilité civile.
Accueillir un animal en EMS, c’est évidemment accueillir plus de vie, plus d’interactions, ouvrir chacun à de nouvelles rencontres. L’animal est d’ailleurs accueilli comme un individu avec son caractère, et n’est jamais réduit à un représentant de son espèce. Il doit faire l’objet de bienveillance et de soins de toute un chacun, et c’est finalement la rencontre de deux individus avec leurs histoires et non d’un patient dément et d’un animal qui se produit en institution. Certaines dimensions en lien avec la présence d’un animal en institution nécessitent des explorations complémentaires, comme celle de l’impact de celle-ci sur l’institution et les soignants, mais aussi sur l’animal.
Les modalités de penser la présence d’un animal en EMS sont multiples, et doivent faire l’objet de discussions préalables entre résidents, familles, personnels, directions, personnes formées dans le cadre des soins avec médiations animal. La présence d’un animal doit être en amont de son accueil faire l’objet de réglementations qui assurent à chacun résidents, personnel, mais aussi animal toutes les mesures d’un cadre d’intervention respectueux de chacun. Ces discussions préalables entre toutes les parties sont l’occasion de réaffirmer la co-construction du projet institutionnel.
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Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
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Les auteurs n’ont pas déclaré de conflit d’intérêts en rapport avec cet article.
1. Académie Suisse des Sciences Médicales. Prise en charge et traitement des personnes atteintes de démence. 2017. Directives médico-éthiques.
2. Livingston G, Sommerlad A, Orgeta V, Costafreda SG, Huntley J, Ames D, Ballard C, Banerjee S, Burns A, Cohen-Mansfield J, Cooper C, Fox N, Gitlin LN, Howard R, Kales HC, Larson EB, Ritchie K, Rockwood K, Sampson EL, Samus Q, Schneider LS, Selbæk G, Teri L, Mukadam N. Dementia prevention, intervention, and care. Lancet. 2017 Dec 16;390(10113):2673-2734.
3. Schweizerische Gesellschaft für Alterspsychiatrie und Psychotherapie (SGAP). Empfehlungen zur Diagnostik und Therapie der Behavioralen und Psychologischen Symptome der Demenz (BPSD). 2014.
4. Michalon J. Panser avec les animaux. Sociologie du soin par le contact animalier. 2014. Paris : Presse de l’Ecole des Mines.
5. Batubara SO, Tonapa SI, Saragih ID, Mulyadi M, Lee BO. Effects of animal-assisted interventions for people with dementia: A systematic review and meta-analysis. Geriatr Nurs. 2022 Jan-Feb;43:26-37.
6. Orr N, Abbott R, Bethel A, Paviour S, Whear R, Garside R, Coon JT. What are the effects of animals on the health and wellbeing of residents in care homes? A systematic review of the qualitative and quantitative evidence. BMC Geriatr. 2023 Mar 25;23(1):170.
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- Vol. 13
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- Juli 2024