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Une technique des soins mal connue pourtant utile

L’  électroconvulsivothérapie chez la personne âgée

L’ électroconvulsivothérapie est un traitement médical, reposant sur une technique de stimulation cérébrale non invasive. Elle occupe dans l’ imaginaire collectif une place particulière en lien avec son histoire. L’ évolution des techniques et le corpus des connaissances actuelles invitent à redécouvrir l’ électroconvulsivothérapie comme une thérapeutique psychiatrique possible, et utile chez la personne âgée.



Historique

La première électroconvulsivothérapie, initialement dénommée électrochoc, est réalisée à Rome en 1938, par Ugo Cerletti et Lucio Bini. Elle utilise l’ énergie électrique avec pour objectif l’ induction d’ une crise convulsive. Cette thérapie repose sur l’  hypothèse de Ladislas Meduna posant un antagonisme entre épilepsie et dementia praecox. La pratique de l’ électroconvulsivothérapie se perfectionne dans le temps avec l’ amélioration des conditions de réalisation et connait une diffusion à travers de nombreux pays. Son utilisation va décroître avec la découverte des psychotropes, et connaître un frein majeur avec les mouvements antipsychiatriques (1).

La pratique de l’ électroconvulsivothérapie a polarisé les attaques de ces mouvements. La naissance de cette technique en Italie pendant la double décennie fasciste, l’ utilisation d’ appareil à électrochoc à visées de tortures, ou l’ usage de l’ électricité comme arme paralysante ou à visée létale comme dans le cas de la peine de mort par électrocution, place l’ électroconvulsivothérapie par amalgame dans une tradition totalitaire et barbare. Cette vision d’ une psychiatrie brutale, liberticide, de contrôle social, utilisant l’ électroconvulsivothérapie comme moyen coercitif, attaquant l’ individu dans son identité de sujet libre est particulièrement représentée dans la culture cinématographique, laissant une trace profonde dans l’ imaginaire et la représentation actuelle de ce traitement (2).

Aujourd’ hui, la pratique de l’ électroconvulsivothérapie (ECT) a fait l’ objet de nombreuses publications scientifiques, et est incluses dans certaines recommandations de prise en charge de troubles mentaux.

Méthode

Le traitement se déroule en présence d’ une équipe pluridisciplinaire (anesthésiste et psychiatrie), au sein d’ un centre spécialisé. Après induction d’ une anesthésie générale brève et administration d’ un myorelaxant chez un patient à jeun, le traitement consiste en la création d’ une crise épileptique généralisée tonico-clonique. Celle-ci est déclenchée par une énergie électrique délivrée proportionnelle au seuil épileptogène. Elle est obtenue par des impulsions électriques brèves via des électrodes sur le cuir chevelu. Le patient est sous surveillance clinique et paraclinique. Les complications secondaires de la crise tonico-clonique sont prévenues. La crise dure jusqu’ à un maximum de deux minutes et peut être interrompue pharmacologiquement. Le patient est sous ventilation au masque jusqu’ à son réveil (3).

La prise en charge consiste en une période de soins aigus avec deux à trois séances par semaines, pour un total de 6 à 12 séances. Le traitement est évalué selon son efficacité et sa tolérance. Après cette période et selon l’ évolution, il est possible de continuer la prise en charge par une période de consolidation sur 6 mois, avec une diminution de la fréquence des séances. Au-delà de cette période, une période de traitement de maintenance, avec des séances à la fréquence minimale d’ une fois toutes les 6 / 8 semaines pour éviter le risque de rechute peut être nécessaire (4).

Indications

La principale indication de l’ électroconvulsivothérapie est le traitement des épisodes dépressifs majeurs s’ intégrant ou non dans le cadre d’ un trouble bipolaire. L’ électroconvulsivothérapie peut être considéré comme traitement de première intention dans le cadre d’ un épisode dépressif majeur d’ intensité sévère avec critères de gravités (haut degré de risque suicidaire, altération de l’ état général en lien avec refus d’ hydratation et / ou d’ alimentation), avec pharmacorésistance et épisode antérieur ayant répondu à un traitement par ECT, ou en traitement de seconde intention en cas de pharmacorésistance ou d’ effet indésirables sévères des traitements pharmacologiques antidépresseurs.

L’ électroconvulsivothérapie a également été étudié comme traitement possible de la manie, des troubles du spectre psychotique, de la confusion, de la catatonie, des troubles psycho-comportementaux chez le sujet dément (5, 6, 7).

Il n’ y a pas de contre-indications absolues pour l’ électroconvulsivothérapie, il faut toutefois évaluer soigneusement les conditions suivantes : infarctus / AVC récent (moins de trois mois), masse intracrânienne saignement actif, anévrisme, malformation vasculaire, phéochromocytome, décollement de rétine, dentition instable, insuffisance hépatique (tab. 1).

Efficacités et tolérances

L’ efficacité est étudiée selon l’ indication. L’ indication la plus étudiée est la prise en charge de l’ épisode dépressif majeur. Chez la personne âgée, l’ électroconvulsivothérapie est efficace, avec des taux de réponse élevés atteignant jusqu’ à 60-70 % (8).
Pour ce qui concerne les troubles du spectre psychotique, l’ électroconvulsivothérapie semble être efficace en tant que traitement aigu et d’ entretien pour les patients âgés atteints de schizophrénie qui ont commencé leur maladie plus tôt dans leur vie. Ce type de traitement ne semble pas être utile chez les personnes souffrant de psychose à début très tardif, probablement en raison de la prévalence élevée de pathologies cérébrales comorbides autres que la schizophrénie (9).

L’ électroconvulsivothérapie pourrait jouer un rôle spécifique dans la prise en charge du sujet âgé, et plus particulièrement dans la gestion des symptômes comportementaux et psychologiques de la démence. Des case reports ont récemment montré la sécurité et l’ efficacité de l’ ECT dans le traitement de l’ agitation, de l’ agression, et du comportement vocal perturbateur (cris pathologiques) (7). Concernant la tolérance du traitement, l’ effet indésirable potentiel le plus sérieux est cardiovasculaire. Lors de la séance d’ électroconvulsivothérapie, l’ induction de la crise peut être suivie par une bradycardie, voire une asystole en lien avec la stimulation vagale, puis d’ une hypertension et tachycardie lors de la phase sympathique de la crise tonico-clonique. Ces potentielles complications sont prises en compte lors de la consultation avec l’ anesthésiste en amont de la prise en charge et incluses dans la réflexion bénéfice risque posant l’ indication (10).

Les effets indésirables cognitifs décrits sont une potentielle confusion post électroconvulsivothérapie, et l’ existence d’ amnésie antérograde et rétrograde. Ces troubles sont usuellement réversibles après la fin de la prise en charge (6).

Copyright Aerzteverlag medinfo AG

Dr Kevin Swierkosz-Lenart

Service universitaire de psychiatrie de l’ âge avancé (SUPAA)
CHUV
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne

kevin.swierkosz-lenart@chuv.ch

Dr Jean-Pierre Schuster

Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Route de Cery 60
1008 Prilly

jean-pierre.schuster@chuv.ch

Pr Armin von Gunten

Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé (SUPAA),
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne.

Les auteurs déclarent n’ avoir aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.

◆ L’ électroconvulsivothérapie est un des traitements les plus efficaces en psychiatrie.
◆ L’ indication la plus étudiée est celle de la prise en charge d’ épisode dépressif majeur et peut permettre dans la plupart de cas une rémis-sion des symptômes dans un délai de temps assez bref.
◆ Le sujet âgé ne doit pas subir une restriction d’ accès à cette possibilité thérapeutique.

1. Endler NS. The Origins of Electroconvulsive Therapy (ECT). Convuls Ther
1988 ; 4(1) : 5-23
2. Sienaert P. Based on a True Story? The Portrayal of ECT in International Movies and Television Programs. Brain Stimul 2016 ; 9(6) : 882-891
3. Kellner C. Handbook of ECT. Cambridge university press. 2019.
4. Tran DV, Meyer JP, Farber KG, Chen XR, Rosenthal BD, Kellner CH. Rapid Response to Electroconvulsive Therapy: A Case Report and Literature Review. J ECT 2017 ; 33(3) : e20-e21
5. Kerner N, Prudic J. Current electroconvulsive therapy practice and research in the geriatric population. Neuropsychiatry (London). 2014 Feb;4(1):33-54.
6. Meyer JP, Swetter SK, Kellner CH. Electroconvulsive Therapy in Geriatric Psychiatry: A Selective Review. Clin Geriatr Med 2020 ; 36(2) : 265-279
7. Swierkosz-Lenart K, Mall JF, von Gunten A. Interventional psychiatry in the management of behavioural and psychological symptoms of dementia: a qualitative review. Swiss Med Wkly 2019 ; 27;149:w20140
8. Dols A, Bouckaert F, Sienaert P, Rhebergen D, Vansteelandt K, Ten Kate M, de Winter FL, Comijs HC, Emsell L, Oudega ML, van Exel E, Schouws S, Obbels J, Wattjes M, Barkhof F, Eikelenboom P, Vandenbulcke M, Stek ML. Early- and Late-Onset Depression in Late Life: A Prospective Study on Clinical and Structural Brain Characteristics and Response to Electroconvulsive Therapy. Am J Geriatr Psychiatry. 2017 Feb;25(2):178-189. doi: 10.1016/j.jagp.2016.09.005. Epub 2016 Sep 22. PMID: 27771245.
9. Liu AY, Rajji TK, Blumberger DM, Daskalakis ZJ, Mulsant BH. Brain stimulation in the treatment of late-life severe mental illness other than unipolar nonpsychotic depression. Am J Geriatr Psychiatry. 2014 Mar;22(3):216-40. doi: 10.1016/j.jagp.2013.02.017. Epub 2013 Jul 23. PMID: 23891366; PMCID: PMC3900599.
10. Saito S. Anesthesia management for electroconvulsive therapy: hemodynamic and respiratory management. J Anesth 2005; 19(2) : 142-9