- L’ hypertension redéfinie
Lors du Cardiology Update 2019 à Davos, un symposium présidé par les professeurs Edouard Battegay, Zurich, Isabella Sudano, Zurich et Filippo Crea, Rome, la discussion portait sur la tension artérielle normale, les nouvelles directives de l’ ESC sur l’ hypertension, la dénervation rénale, l’ hypertension et l’ insuffisance cardiaque. La contribution suivante inclut la discussion sur les valeurs normales de la tension artérielle et les nouveaux aspects de la dénervation rénale.
Quelle est une tension artérielle normale?
L’ hypertension peut être un important mécanisme compensatoire qui ne doit pas être manipulé, même s’ il est certain que nous pouvons le contrôler, a affirmé le Dr Paul Dudley White, cardiologue renommé, cofondateur de l’ American Heart Association et fondateur de la cardiologie préventive en 1937.
Dans ce contexte, le professeur Thomas Lüscher, de Londres et Zurich, a présenté les mesures de tension du président américain Franklin D Roosevelt, qui sont passées de 140 mmHg en 1935 à 350 mmHg en 1945. L’ accident vasculaire cérébral mortel de Roosevelt est survenu soudainement comme l’ affirmait le journal Saint Louis Post Dispatch. Grâce à l’ étude MRFIT, nous savons que le risque relatif d’ accident vasculaire cérébral mortel augmente continuellement d’ une valeur de 3 à une pression artérielle inférieure à 120 mmHg jusqu’ à une valeur de 32 à une pression artérielle de 168 mmHg. La mortalité coronarienne augmente linéairement avec l’ augmentation de la pression artérielle. Edward Freis fut un pionnier du traitement antihypertenseur décrivant les effets du traitement antihypertenseur sur la morbidité en 1967, comme disait l’ orateur.
Les nouvelles valeurs cibles pour une tension artérielle optimale – modification des concepts
Au départ, l’ hypertension était considérée comme un mécanisme de compensation (pression artérielle requise). Tension artérielle = âge plus 100 mmHg (« vieillissement physiologique »). Puis, la valeur cible pour la tension artérielle diastolique a été définie d’ abord à 95 mmHg, puis 90 mmHg. Enfin, on a découvert la tension artérielle systolique comme valeur cible (SHEPS et Systeur). Jusqu’ à présent, nous avons vécu avec la valeur de 140 mmHg, à l’ exception des Américains plus âgés. Le conférencier a montré un aperçu des études sur l’ hypertension de 1970 à 2015 à travers les études SPRINT et HOPE-3.
Qu’ est-ce que la tension artérielle normale ? Sommes-nous tous hypertendus ? Et si oui, pourquoi ?
Le conférencier a fait référence aux données des Indiens Yanomani, un peuple vivant dans la forêt tropicale amazonienne. Cette population a une tension artérielle de 95/61 mmHg. Les Indiens Tsimane, le peuple le plus sain du monde (Der Spiegel) présentent également de petites augmentations de l’ hypertension artérielle avec l’ âge, de 113 mmHg à l’ âge de 40-44 ans à 117 mmHg à l’ âge de 75 ans et plus. Un autre exemple est celui des Indiens Kunas vivant sur les îles de Kuna, dont les valeurs se situent autour de 110 mmHg de < 40 à > 60 ans. Par contre, les Indiens Kuna vivant à Panama City ont une augmentation de la tension artérielle avec l’ âge de 110 mmHg (< 40 ans) à 130 mmHg (> 60 ans).
Les raisons possibles d’ une augmentation de la tension artérielle sont la génétique, le surpoids, l’ immobilité physique, l’ alcool et le régime alimentaire.
Les résultats de l’ étude SPRINT suivi d’ un débat animé
SPRINT a démontré qu’ une baisse intensive de la tension artérielle à une valeur systolique de 120 mmHg protège mieux les patients souffrant d’ hypertension artérielle contre l’ infarctus du myocarde et les accidents vasculaires cérébraux, l’ insuffisance cardiaque, la mort cardiovasculaire et la mortalité toutes causes confondues que la valeur cible précédente, soit 140 mmHg. L’ enthousiasme initial pour les résultats de l’ étude SPRINT a été suivi de discussions animées. Les critiques concernaient la mesure non surveillée de la tension artérielle, des populations sélectionnées, des effets secondaires tels que l’ insuffisance rénale aiguë, l’ hypotension, la syncope et autres.
Dans une étude différente, HOPE-3, portant sur des sujets présentant au moins un facteur de risque cardiovasculaire, où l’ hypertension comme facteur de risque n’ était pas une condition préalable à la participation, les participants ont reçu soit du candésartan et de l’ hydrochlorothiazide, soit un « polypill » avec de la rosuvastatine supplémentaire ou alors seulement de la statine. Il a été démontré que seuls des participants avec des valeurs de tension artérielle supérieures à 143,5 mmHg ont ressentis les effets positifs du traitement. Le conférencier a rappelé que, pour la tension artérielle, contrairement au cholestérol LDL, « the lower the better » ne convient pas. En effet, il existe une relation en J entre la tension artérielle et les événements cardiovasculaires.
SPRINT a mis la mesure de la tension artérielle au premier plan : Riva Rocci classique, mesure non surveillée, mesure ambulatoire 24h/24 h ou tension artérielle à domicile?
Des recommandations provocatrices
Les lignes directrices américaines recommandent < 122 /< 80 mmHg comme tension artérielle normale, 120-129/ < 80 est considéré comme élevé, hypertension stade 1: 130-139/80-89 mmHg, hypertension stade 2 : ≥ 140/ ≥ 90 mmHg.
Les lignes directrices européennes recommandent toutefois une tension artérielle inférieure à 140/90 mmHg comme première cible de traitement et une réduction à 130/80 mmHg ou moins si le traitement est bien toléré. Chez les patients de moins de 65 ans, la tension artérielle devrait, dans la plupart des cas, être abaissée à une valeur de 120-129 mHg. Pour les patients âgés de 65 à 80 ans, les valeurs systoliques entre 130 et 139 mmHg devraient être visées. Chez les patients de plus de 80 ans, la tension artérielle systolique devrait également se situer entre 130 et 139 mmHg, si elle est tolérée par le patient. Le conférencier conclut en préconisant une prise en charge personnalisée de l’ hypertension.
Conclusions
La tension artérielle et MACE sont corrélés de façon linéaire. Chez les personnes en bonne santé, la tension artérielle normale ou optimale est de 100-110/70-80 mmHg.
Chez les patients cardiaques, il semble y avoir une courbe en J avec un « sweet point » individuel.
L’ abaissement de la tension artérielle systolique au-dessous de 140 mmHg protège les personnes dont le niveau de base est élevé.
L’ hypotension et la fonction rénale doivent être prises en compte lorsque l’ on descend en dessous de 120-130 mmHg.
Les lignes directrices doivent tenir compte des nouvelles données probantes et individualiser les valeurs cibles pour la tension artérielle systolique.
Reprise de la dénervation rénale
Le traitement de l’ hypertension à l’ aide d’ un appareil comprend l’ expansion du bulbe carotidien, la dénervation de l’ artère carotide, la stimulation des barorécepteurs, la stimulation de l’ arc aortique, la stimulation par stimulateur cardiaque, la stimulation du nerf médian, la fistule artério-veineuse et la dénervation rénale (RDN) a déclaré le Pr Felix Mahmmoud Homburg/Saar.
Certaines études sur la dénervation rénale ont échoué (Bhatt DL, NEJM2014). Le paramètre d’ innocuité a été atteint dans cette étude, mais ce n’ est pas le cas du paramètre primaire d’ efficacité. Dans une autre étude, le paramètre primaire d’ efficacité a été atteint (Azizi M, Lancet 2015). Après des études expérimentales et de validation de principe, les études Simplicity HTN 1 et 2 ont atteint un sommet. L’ optimisme a disparu avec l’ étude Simplicity HTN 3, qui n’ a montré aucune différence significative entre le groupe RDN et le groupe fictif. Les facteurs confondants peuvent être le médicament concomitant, la population à l’ étude ou l’ intervention elle-même. Le conférencier a fait référence à trois études de validation de principe, SPYRAL HTN-OFF MED, SPYRAL HTN-ON MED et RADIANCE-HTN SOLO, qui ont toutes donné des résultats positifs. SPYRAL HTN-OFF MED et RADIANCE SOLO : faible risque, hypertension modérée, aucun traitement antihypertenseur concomitant, SPYRAL-HTN ON MED : hypertension modérée, 1-3 antihypertenseurs courants. SPYRAL OFF a montré une réduction de 5 mmHg après 3 mois, dans SPYRAL ON la tension artérielle a été abaissée de 9.0 mmHg après 6 mois. Dans RADIANCE SOLO (2 mois), la tension artérielle a été abaissée de 8,5 mmHg par rapport au traitement simulé. La dénervation rénale a entraîné une réduction de la tension artérielle et de la fréquence cardiaque. Le RDN après 3 mois a entraîné une réduction de la fréquence cardiaque de -2,5bpm comparée à 0,2bpm pendant un traitement simulé (p = 0,003). La réduction de la tension artérielle a augmenté avec le temps, comme l’ a montré le conférencier. Après 6 mois, la réduction de la tension artérielle systolique sur 24 heures était de 6,6 après un an de 7, 2, après 2 ans de 8, 2, après 3 ans de 8,0 et la tension artérielle au bureau est passée de -11,7 (6 mois) à -16,5 après 3 ans. Enfin, le conférencier a mentionné 4 études décisives en cours: SPYRAL-OFF MED pivotal, RADIANCE SOLO, toutes deux sans médicament concomitant, ainsi que SPYRAL ON MED pivotal, et REQUIRE pivotal, toutes deux avec médicaments.
Que se passe-t-il dans le futur ?
Des études clés internationales sont en cours afin de fournir des données supplémentaires sur l’ innocuité et l’ efficacité du produit. Les résultats sont attendus en 2019/2020.
Les préférences des patients entrent en jeu.
Les principaux sujets de recherche sont : la rétroaction intra-opératoire, l’ identification des intervenants, la durabilité de l’ effet. Avec les nouvelles études, un certain enthousiasme pour la dénervation rénale en vue d’ abaisser la tension artérielle est également revenu.
Source : Hypertension Redefined, Session au Cardiology Update, Davos 18.2. 2019
riesen@medinfo-verlag.ch