- Mesures limitatives de liberté en psychiatrie de la personne âgée
Les mesures limitatives de liberté (MLL) comprennent les mesures limitant la liberté de mouvement et le traitement sans consentement (TSC), conformément au code civil suisse (CC). En psychiatrie de la personne âgée hospitalière, on traite souvent des patientes et des patients incapables de discernement qui, outre leur maladie psychique, sont multimorbides sur le plan somatique. Dans ce groupe de patients, on recourt de manière répétée à des mesures limitant la liberté de mouvement pour prévenir les chutes et à des isolements en raison des consignes d’ hygiène en cas de maladies infectieuses. On réalise des TSC qui sont tolérés par les personnes concernées sans refus apparent, mais qui doivent néanmoins être saisis comme TSC en raison de l’ absence de consentement. L’ Association nationale pour le développement de la qualité dans les hôpitaux et les cliniques (ANQ) a introduit la psychiatrie de la personne âgée comme une nouvelle catégorie de cliniques. Cette différenciation doit également être considérée comme une opportunité et une invitation à considérer de manière différenciée les MLL dans cette catégorie.
Measures restricting freedom include physical restraints restricting movement and treatment without consent according to the Swiss Civil Code. Patients incapable of consenting to treatments and other measures of care and who are somatically multimorbid in addition to their mental illness are frequently encountered in the geriatric psychiatry inpatient setting. In this group of patients, physical restraints are repeatedly used to prevent falling and to quarantine patients due to infectious diseases. Frequently, treatment is conducted with the apparent agreement of the patient but which are to be recorded as measures restricting freedom due to the inability to give informed consent. The National Association for Quality Development in Hospitals and Clinics (ANQ) has introduced geriatric psychiatry as a separate hospital category; this differentiation should also be seen as an opportunity and invitation to take a differentiated look at measures restricting freedom in geriatric psychiatry.
Key Words: geriatric psychiatry, measures restricting freedom, treatment without consent, quality
Introduction
Dans le domaine de la psychiatrie de la personne âgée (PPA) en milieu hospitalier, de nombreux patients sont traités – en particulier en soins médicaux de base figurant sur les listes hospitalières cantonales – qui sont incapables de discernement de manière globale et durable en raison de troubles cognitifs importants. Une agitation associée à une agressivité dans le cadre d’ un état confusionnel aigu est régulièrement à l’ origine d’ une hospitalisation en psychiatrie aiguë. Souvent, il existe en même temps une forte tendance à la chute due à la maladie et/ou aux médicaments, dont les patients ne peuvent pas suffisamment ou pas du tout évaluer le risque en raison de leur incapacité de discernement. Pour les raisons précitées, il faut souvent décider chez ces patients de l’ utilisation de mesures limitant la liberté de mouvement et de les traiter sans consentement (TSC). Les deux attitudes sont regroupées sous le terme de mesures limitatives de liberté (MLL). En raison de l’ absence de consentement juridiquement valable, la saisie en tant que mesure limitant la liberté a lieu même en l’ absence de refus verbal ou physique reconnaissable. Ces mesures, très hétérogènes du point de vue de leur caractère invasif, sont discutées ici dans la perspective de la PPA.
Définitions des termes et bases juridiques
Sur le plan juridique, les directives médico-éthiques «Mesures de contrainte en médecine» (2015) de l’ Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) en plus du CC, sont contraignantes par l’ intermédiaire du code de déontologie médicale («droit mou») et ceci – malgré leur statut juridique différent.
Dans ce texte, nous utilisons le terme de MLL conformément à la définition de l’ Association nationale pour le développement de la qualité dans les hôpitaux et les cliniques (ANQ)1. Les hôpitaux et les cliniques ont adhéré volontairement à un contrat avec l’ ANQ, contrat établi sur des bases légales dans le but de recenser les MLL conformément aux directives de l’ ANQ. La terminologie de l’ ANQ est donc fortement présente dans les institutions. Des termes tels que «mesures de contrainte» ne sont toutefois utilisés ni dans le CC ni par l’ ANQ.
La notion de MLL doit ici être considérée moins comme un terme générique au sens juridique formel que comme un regroupement des mesures à saisir. En PPA, la base juridique ou le cadre d’ une MLL est typiquement le placement à des fins d’ assistance (PAFA). Le CC contient une section avec les articles 426 à 439 qui règlent le PAFA. En principe possible et pertinent pour la PPA, un PAFA peut également être justifié par un grave état d’ abandon, auquel cas il est effectué sans objectif de traitement et donc uniquement à des fins d’ assistance (art. 426, al. 1), pour autant que la proportionnalité soit donnée (et qu’ une aide à domicile ou un placement dans un établissement de soins ne soient pas plus appropriés).
Les MLL selon la définition de l’ ANQ englobent les mesures limitant la liberté de mouvement selon les art. 383 ss et 438 CC et les TSC selon les art. 434 CC (avec PAFA) et 379 et 435 CC (sans PAFA, par ex. lorsque la décision ne peut être prise qu’ à postériori après une intervention d’ urgence).
Si une personne capable de discernement donne son consentement à une MLL, cela n’ est pas considéré comme une mesure de contrainte. Il convient toutefois de noter que le consentement d’ une personne incapable de discernement ne doit pas être considéré comme juridiquement valable. Toutefois, d’ un point de vue éthique, un tel consentement d’ une personne incapable de discernement joue un rôle.
La TSC est considérée comme la MLL la plus forte. Le traitement ne peut donc être administré qu’ à des personnes incapables de discernement. Il faut en outre qu’ il y ait une menace sérieuse et que la mesure soit proportionnée. La plupart du temps, la TSC est également effectuée dans le cadre d’ un PAFA ou en cas d’ urgence. Si ce traitement d’ une maladie psychique a lieu dans un établissement psychiatrique, les décisions ne sont pas prises par les personnes habilitées à représenter la personne concernée, mais par le médecin-chef traitant2. Un plan de traitement est toutefois nécessaire (art. 433). Il doit être établi avec la participation de la personne concernée et, le cas échéant, de sa personne de confiance. Le plan de traitement constitue la base d’ un TSC. Les exigences légales concernant le plan de traitement sont élevées et comprennent les raisons, le but, la nature, les modalités, les risques et les effets secondaires de la mesure médicale prévue, ainsi que des indications sur les conséquences d’ une absence de traitement et sur d’ éventuelles possibilités de traitements alternatifs. Il s’ en suit que de nombreux patients en PPA n’ ont pas le discernement pour donner leur consentement au plan de traitement.
La définition de la contrainte est d’ une grande importance pour l’ évaluation juridique. Dans le contexte des traitements médicaux, le terme «contrainte» n’ est pas utilisé dans le CC. Or, pour une évaluation éthique et compte tenu du caractère invasif de la mesure, la distinction entre le traitement avec consentement de la personne concernée incapable de discernement et sa résistance active est très importante. La nécessité du consentement a des conséquences importantes pour la PPA, car les personnes incapables de discernement souffrant de graves déficits cognitifs ne peuvent pas le donner de manière juridiquement valable ni dans le sens d’ une manifestation de volonté claire. Cela commence dès l’ entrée à l’ hôpital qui, en raison de l’ absence de consentement clair, se fait souvent dans le cadre d’ un PAFA. Il en va de même pour une admission dans une unité fermée ce qui constitue également une restriction de la liberté personnelle. Ces patients ne peuvent donc pas non plus consentir à d’ autres mesures de contention, comme l’ immobilisation sur une chaise au moyen d’ une ceinture souple pour prévenir les chutes. Par conséquent, ces mesures doivent également être saisies en tant que MLL bien qu’ elles ne soient souvent pas remarquées par les patients.
Documentation des MLL
Les établissements psychiatriques hospitaliers sont légalement tenus de documenter les MLL. L’ ANQ est responsable de la saisie centrale. Les MLL suivantes sont saisies et évaluées pour un benchmarking.
• L’ isolement (psychiatrique vs. Infectieux / somatique)
• L’ immobilisation
• La médication forcée (orale vs. injection)
• Le maintien ferme
• Les limitations du mouvement à la chaise
• Les limitations du mouvement au lit
Pour chaque mesure, le début et la fin doivent être saisis (uniquement le moment pour la TSC). Il existe encore de nombreuses autres mesures qui ne sont pas prises en compte par la définition de la MLL de l’ ANQ. Ces mesures, comme la prise en charge 1:1 ou les restrictions de sortie, portent également atteinte à la liberté personnelle. En tant que mesures limitatives de liberté, elles correspondent à une définition plus large de la MLL3.
Comme la PPA ne constitue une catégorie de cliniques propre dans le système ANQ que depuis 2023, on dispose de peu de données sur les fréquences des MLL en PPA. En moyenne, environ 11% des patients en traitement hospitalier en psychiatrie de premier recours sont concernés par une MLL (1). L’ ANQ ne recueille pas de données sur la MLL en soins aigus. Les données recueillies en Suisse dans le cadre d’ études n’ indiquent que des taux légèrement inférieurs si l’ on tient compte du séjour nettement plus court en moyenne à l’ hôpital somatique (2).
Mesures limitant la liberté de mouvement
Comme mentionné, la notion de MLL englobe la TSC et les mesures limitant la liberté de mouvement. Par ces dernières, on entend des mesures mécaniques qui ne servent pas en premier lieu au traitement, mais à la prévention de dommages corporels pour le patient ou des tiers. Ce groupe de mesures est régi par l’ article 383 du CC, qui a été formulé en premier lieu pour les établissements médico-sociaux. Parmi les conditions d’ utilisation de ces mesures, on compte le danger menaçant la vie ou l’ intégrité corporelle de la personne concernée ou d’ un tiers ainsi que l’ absence d’ alternatives moins invasives. La personne concernée doit être informée au préalable et la mesure doit être aussi brève que possible. En outre, l’ article 384 CC règle les obligations en matière de documentation. Au sens du droit de la protection de l’ adulte ou du CC, les limitations de mouvement occasionnées par des médicaments ne font pas partie des limitations de mouvement selon l’ art. 383 CC, mais constituent une mesure médicale.
Restriction de mouvement pour prévenir les chutes
Les chutes chez les personnes âgées sont fréquentes et ont différentes causes. Celles-ci comprennent des troubles sensoriels (les obstacles sont ignorés ; les inégalités du sol sont moins bien ressenties etc.), de l’ appareil locomoteur (l’ atrophie musculaire empêche des mouvements compensatoires rapides) et, en outre, les maladies cérébrales (par ex. les démences) provoquent des troubles de la coordination. Les troubles cognitifs augmentent non seulement la fréquence des chutes, mais aussi le risque de se blesser en tombant (3). Ces facteurs sont persistants, mais peuvent être atténués par exemple par la physiothérapie, les aides visuelles etc. D’ autres facteurs viennent s’ ajouter, en particulier dans le cadre de la psychiatrie aiguë hospitalière: Parmi eux, la maladie psychique aiguë qui, associée par exemple à un besoin de bouger irrépressible, à un état confusionnel aigu ou à des hallucinations, augmente le risque de chute. A cela s’ ajoutent de nombreux médicaments psychotropes dont l’ effet indésirable peut être la chute. Des études observationnelles menées dans le domaine de la psychiatrie aiguë des personnes âgées montrent par conséquent une fréquence élevée atteignant 17 chutes pour 1000 jours de soins (4). Les recommandations internationales proposent une évaluation multifactorielle du risque de chutes. Cela comprend par exemple le relevé des antécédents de chutes, l’ impression clinique et l’ utilisation de questionnaires sur la peur de tomber (5). Sur le plan préventif, il est fait référence à des formations qui s’ adressent en premier lieu à l’ entourage des personnes souffrant de troubles cognitifs. Mais l’ aménagement de l’ environnement (éviter les risques de trébuchement, bon éclairage), l’ activité physique et la physiothérapie ont également une grande importance.
Outre les approches thérapeutiques mentionnées, des mesures de limitation de la mobilité sont également utilisées pour réduire le risque de chute. Les limitations mécaniques de la mobilité, telles que les ceintures souples et les planches de fixation des fauteuils roulants, revêtent une importance particulière dans la PPA. Les barrières de lit ne sont plus que rarement utilisées, car elles augmentent la hauteur de chute. Un tapis de sonnette est placé devant le lit des patients et alerte l’ équipe soignante (par exemple par radio) dès que quelqu’ un marche dessus. L’ utilisation de tapis de sonnette montre de manière exemplaire à quel point les points de vue sur de telles mesures sont différents. Dans certaines institutions, elle est enregistrée comme MLL. Pour l’ ANQ, elle n’ entre cependant pas dans cette catégorie, car cette mesure est considérée comme peu invasive et permet en outre d’ éviter des mesures plus invasives (en particulier l’ immobilisation au lit). Le tapis de sonnette n’ est pas une restriction de mouvement s’ il sert uniquement à aider les patients à se lever. L’ utilisation de chaises et de canapés profonds ainsi que de poufs et de lits au sol, qui peuvent rendre impossible le lever des patient-e-s fragiles, doit donc être considérée dans le cas concret comme des mesures limitant la mobilité au sens du CC.
Restrictions de sortie et autres mesures limitant la liberté de mouvement
Les restrictions de sortie sont des mesures fréquentes en psychiatrie hospitalière, par exemple lorsqu’ un-e patient-e suicidaire n’ est pas autorisé-e à quitter le service sans accompagnement approprié ou seulement avec une limitation de temps. En PPA, les restrictions de sortie et les unités de soins fermées («protégées») en permanence sont souvent utilisées lorsque les patient-e-s ne peuvent pas retrouver seuls leur chemin vers l’ unité de soins en raison d’ une désorientation ou qu’ ils/elles peuvent s’ égarer, ou encore lorsqu’ il faut partir du principe qu’ il existe un risque élevé de chutes lors de la sortie. Comme cette forme de MLL n’ est pas explicitement recensée par l’ ANQ, elle fait moins l’ objet de discussions. Pour la partie des patients et patientes n’ ayant pas conscience de leur maladie, cette mesure constitue toutefois une restriction réelle. Cela vaut également pour d’ autres mesures énumérées par l’ ASSM, telles que la limitation des possibilités de visite, l’ accès à des substances nocives pour la santé ou encore le retrait du téléphone portable. Les mesures limitant les mouvements sont plus fréquentes en médecine somatique, mais aussi en psychiatrie hospitalière, et visent d’ empêcher par exemple le retrait d’ une perfusion, d’ une sonde nasale ou d’ un cathéter urinaire.
Mesures limitant la liberté de mouvement en raison d’ aspects infectieux
La pandémie de COVID n’ est pas la seule raison nécessitant l’ isolement de patients qui ne comprennent pas le sens de la mesure à cause de leur incapacité de discernement. Il en est de même pour d’ autres maladies infectieuses (p. ex. norovirus) pour lesquelles il convient de saisir une MLL. Contrairement aux restrictions de mouvement d’ un point de vue psychiatrique, celles-ci sont prescrites sur la base d’ une indication infectieuse et ne peuvent généralement pas être évitées par d’ autres mesures. Il existe ici des recoupements avec la limitation de sortie mentionnée plus haut, par exemple lorsque des unités de soins entières doivent être isolées.
Conséquences des mesures limitant la liberté de mouvement pour les personnes âgées
Lors de l’ utilisation de mesures de limitation de mouvement pour éviter les chutes, il convient de mettre en balance les conséquences des chutes (blessures, peur de tomber) et les inconvénients psychiques et somatiques de la mesure. Dès qu’ une mobilité habituelle n’ est plus possible en raison de la restriction (p. ex. se lever en cas d’ immobilisation avec une ceinture souple), cela peut entraîner un sentiment d’ insécurité et d’ inquiétude. La participation sociale peut également être menacée lorsque les personnes sont fixées à l’ écart de l’ activité du service. Il faut également tenir compte des conséquences négatives directes de l’ immobilisation. Celles-ci vont des thromboses à l’ atrophie musculaire et à la perte de force, en passant par une tendance accrue à la chute à long terme faute d’ entraînement. En psychiatrie aiguë, où les changements de médicaments sont souvent rapides, il faut tenir compte du fait que la tendance aux chutes peut être considérablement accrue à court terme. Il n’ existe cependant pas de données issues du setting aigu qui prouvent l’ utilité à long terme des mesures de restriction de l’ activité physique pour la mobilité (6). Elles peuvent plutôt être un facteur de risque de chutes (7). Les chutes sont certes fréquentes en PPA en raison des caractéristiques des patients et de leur état aigu, mais les conséquences des chutes ne semblent pas être graves dans la plupart des cas (8). De plus, les chutes surviennent souvent lors des transferts et dans la propre chambre (8, 9), ce qui ne peut être évité que de manière limitée par des mesures de limitation de mouvement.
Ce sont souvent les infirmiers/infirmières qui recommandent aux médecins de prendre ou non des mesures de limitation de mouvement (10). L’ accent est mis sur le sentiment de responsabilité pour la sécurité immédiate des patient-e-s et moins sur les conséquences à moyen et long terme (11, 12).
Les enquêtes sur l’ observation rétrospective des limitations de mouvement chez les personnes atteintes de démence sont par nature difficiles. Les enquêtes menées auprès de patients de moins de 65 ans non atteints de démence indiquent au moins que les personnes plus âgées voient les restrictions de mouvement d’ un œil plus critique que les jeunes (13). Ces enquêtes sont importantes, car elles permettent d’ évaluer si les mesures prises vont dans le sens du patient.
Alternatives aux mesures limitant la liberté de mouvement
En raison des conséquences négatives des mesures mécaniques de limitation de mouvement, il est important de prendre en compte les alternatives. La préférence est donnée aux méthodes moins invasives que les restrictions de mouvement au lit ou au fauteuil. Il s’ agit par exemple des différentes approches de stimulation sensorielle de base (massage, arômes, mouvements réguliers). Toutefois, l’ évidence ne repose souvent que sur l’ expérience clinique. En particulier en cas de risque aigu de chute, il faut souvent recourir à la prise en charge 1:1 comme alternative. Dans ce cas, le patient est accompagné en permanence par du personnel qui peut intervenir, par exemple lorsqu’ il se lève de son fauteuil roulant. Cela implique des efforts organisationnels et financiers élevés pour la clinique. Pour une partie des patients, cette mesure est en outre désagréable en raison de l’ observation permanente par une personne physiquement présente et est perçue comme invasive. L’ ANQ ne considère toutefois pas cette situation comme une MLL. C’ est pourquoi il est important d’ impliquer l’ entourage, en particulier lors de l’ utilisation de la limitation des mouvements pour prévenir les chutes. Ceci, d’ une part, afin de clarifier la préférence supposée du patient (dans la mesure où l’ observation du comportement ne permet pas déjà de la déduire) et, d’ autre part, afin d’ avoir une sécurité juridique en cas de blessures graves dues à une chute. Dans ce contexte, il convient de mentionner la campagne «Laufen Lassen» («Laisser courir») de la Société des soins en gérontologie (14).
Traitement sans consentement
Alors que les mesures de limitation de la liberté de mouvement servent en premier lieu à prévenir une mise en danger de soi ou d’ autrui, un traitement d’ une maladie peut également être effectué sans le consentement du patient. Comme déjà expliqué, les exigences légales sont particulièrement élevées dans ce cas. Du point de vue de l’ ASSM, il est possible de distinguer dans la pratique entre une médication à des fins thérapeutiques et une administration de médicaments visant à prévenir la mise en danger d’ autrui.
Administration de médicaments
Les traitements médicamenteux chez les patients incapables de discernement se distinguent par leur caractère invasif (de la persuasion à l’ administration par voie intramusculaire, voire intraveineuse, contre résistance physique). En PPA, il s’ agit souvent de traitements administrés sans consentement explicite ou légalement valable, mais acceptés par le patient sans refus évident. Un exemple est la prise autonome d’ un comprimé proposé par un patient incapable de discernement. Dans certaines circonstances, il n’ est pas clair pour ce patient ou cette patiente qu’ il s’ agit d’ un comprimé. Comme il s’ agit d’ un TSC, le plan de traitement présenté plus haut est d’ une importance capitale. L’ administration dissimulée de médicaments, par exemple sous forme liquide ou en granulés avec la nourriture, constitue également un défi éthique. Conformément aux directives de l’ ASSM (15), il faut faire la distinction entre les situations dans lesquelles le patient donne son accord ou peut être supposé donner son accord, et celles dans lesquelles le refus du médicament a été déclaré ou doit être supposé. Dans ce cas, il y a, outre la «tromperie à des fins d’ assistance», une mesure de contrainte qui doit être justifiée soit par une décision d’ urgence soit par une décision élective (nécessité de traitement donnée selon l’ art. 434 CC). Les consentements nécessaires pour les traitements médicamenteux d’ une maladie somatique et d’ une maladie psychique dans le secteur hospitalier d’ un établissement psychiatrique sont réglés de manière différente. Le droit de représentation médicale ne s’ applique qu’ aux traitements somatiques. Dans les deux cas, il convient toutefois de tenir compte des directives anticipées du patient.
Prises de position sur les défis
La mise en œuvre de mesures contre la volonté représente une atteinte considérable aux droits de la personnalité et est donc, à juste titre, liée à des exigences élevées. Une délimitation des mesures exécutées sans consentement mais aussi sans refus semble judicieuse. La question se pose toutefois de savoir si une telle délimitation peut être maintenue dans la pratique, car il existe des transitions (par exemple en cas de persuasion ou si le consentement est lié à des avantages pour le patient). De nombreuses associations et initiatives ont pris position sur le sujet. Deux prises de position qui nous semblent particulièrement pertinentes pour la PPA sont présentées.
La position de l’ Académie Suisse des Sciences Médicales
Selon l’ ASSM (15), la contrainte comprend les mesures qui sont appliquées «en dépit du fait que la personne concernée manifeste ou a manifesté par le passé son désaccord par l’ expression de sa volonté ou par la résistance». Dans l’ annexe à la directive, l’ ASSM définit quatre dimensions de la contrainte (15). Selon la première dimension, il y a contrainte lorsque l’ on agit contre la volonté d’ une personne (volonté libre d’ une personne capable de discernement ou volonté préétablie ou présumée d’ une personne incapable de discernement). La deuxième dimension évalue le comportement de la personne face à la mesure. La contrainte est ici définie comme le fait de surmonter un refus verbal ou une résistance physique. L’ examen de ces deux dimensions permet de distinguer déjà quatre situations dans lesquelles il y a ou non contrainte dans l’ une ou l’ autre dimension ou dans les deux. Les autres dimensions concernent le but (thérapie ou prévention d’ un danger aigu pour soi-même ou pour autrui) et le caractère invasif de la mesure (de la persuasion à l’ utilisation de la force physique). Conformément à la définition de l’ ASSM, de nombreuses restrictions de mouvement et TSC en PPA ne remplissent pas le critère de contrainte.
La position de la Société suisse de psychiatrie de la personne âgée
Du point de vue de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie de la personne âgée (SPPA), dont les deux auteurs font partie, la considération des quatre dimensions de l’ ASSM est très utile pour l’ évaluation des restrictions de mouvement et de la TSC en PPA. Jusqu’ à présent, la saisie de l’ ANQ ne différencie pas les MLL selon qu’ elles sont contraires à la volonté présumée ou qu’ elles se heurtent à une résistance verbale ou physique, ou encore selon que la personne concernée ne s’ exprime pas du tout à ce sujet quelle qu’ en soit la raison. Dans ce dernier cas, il s’ agirait effectivement d’ une «mesure sans consentement» au sens du CC, mais une mesure que le patient ou la patiente tolère sans aucune indication qu’ il ou elle n’ est pas d’ accord. Du point de vue de la SPPA, cette thématique nécessite une discussion substantielle d’ un point de vue médical, juridique et éthique. Les mesures de prévention des chutes sont fréquemment utilisées, en particulier dans les phases de changement rapide de médicaments, et sont souvent peu invasives (par exemple ceinture souple lors de la participation à des thérapies de groupe). En partie, par exemple dans la ligne directrice S3 allemande «Verhinderung von Zwang» (prévention de la contrainte), cela est également souligné sur le plan conceptuel, en faisant la distinction entre les mesures «limitatives de liberté» et les mesures «privatives de liberté» (16).
Dans la perspective de la SPPA, la réduction des mesures de contrainte invasives en particulier est un critère de qualité important (17).Dans ce contexte, la saisie indifférenciée des mesures de contrainte ne suffit pas pour être adaptée à des systèmes d’ incitation basés sur la qualité. Les données des registres allemands montrent que le pourcentage de cas avec des mesures de contrainte, par exemple, n’ est pas un indicateur de qualité approprié, car il dépend trop, entre autres, de la proportion de patients ayant le statut de PAFA, de la présence d’ autres cliniques et d’ offres ambulatoires dans les environs, des mandats de prestations cantonaux et de la structure de la population locale (p. ex. fréquence des minorités ethniques) (18).Comme les patients incapables de discernement doivent généralement être traités en PAFA, le nombre de PAFA n’ est pas non plus un indicateur de qualité approprié. D’ autre part, de nombreux facteurs infrastructurels peuvent être modifiés et sont susceptibles de réduire le recours aux MLL. En font partie, outre un aménagement adéquat des espaces intérieurs et extérieurs (absence de barrières / «conception universelle», aides à l’ orientation / environnement lisible, incitations au mouvement et à l’ activation, concept d’ éclairage, mains courantes continues), mais aussi les nouveaux systèmes numériques de prévention des chutes et le monitoring des patients basé sur des capteurs. Les chutes et la peur de tomber sont une thématique importante en médecine gériatrique et devraient faire l’ objet d’ une plus grande attention (19). Cela inclut également le manque de financement direct et le recours à davantage de physiothérapie et de thérapie par le mouvement et le sport en PPA hospitalière.
Perspectives
La définition de la PPA comme type de clinique propre à l’ ANQ est à saluer. Elle pose la première pierre d’ une saisie appropriée de la MLL. Il faut s’ assurer qu’ il soit possible de distinguer les MLL en fonction de leur caractère invasif. Du point de vue des patient-e-s, il est très important de savoir si une MLL est réalisée contre la volonté déclarée du patient, voire contre résistance, ou si elle est acceptée, mais saisie comme MLL en raison de l’ absence de capacité à consentir en cas d’ incapacité de discernement. A cet effet, il convient de trouver des moyens appropriés d’ objectivation afin que les transitions (persuasion, association avec des avantages etc.) soient représentées de manière adéquate. La proportionnalité exigée par la loi d’ une MLL découle des attentes de la société en matière de traitement des malades psychiques. Cela concerne également le financement des prestataires de soins psychiatriques de base, car un personnel plus nombreux et une infrastructure adéquate contribuent à prévenir la MLL. A l’ avenir, il serait souhaitable d’ uniformiser la terminologie. La terminologie de l’ ANQ est très présente dans la plupart des institutions. De plus, on peut facilement avoir l’ impression que la liste des MLL à saisir pour l’ ANQ est exhaustive. En revanche, la terminologie juridique est beaucoup moins utilisée.
Importance des innovations techniques
Les développements techniques peuvent aider à rendre les MLL moins invasives à de nombreux endroits. Cela concerne par exemple le remplacement des tapis de sonnette par des systèmes de capteurs qui signalent le lever du patient et allument simultanément l’ éclairage ambiant, d’ une part pour prévenir les chutes et d’ autre part pour alerter l’ équipe soignante. Il en va de même pour les systèmes de localisation qui garantissent que les patients désorientés peuvent être retrouvés rapidement en cas de besoin. D’ un point de vue éthique, il convient de trouver un équilibre entre l’ augmentation souhaitable de la sécurité des patients et les exigences de la protection des données. Ce n’ est donc qu’ une question de temps avant que les systèmes de localisation, basés par exemple sur l’ analyse de la marche et la reconnaissance faciale, puissent identifier avec précision la position de toutes les personnes présentes dans un service. Ces systèmes pourraient en outre aider à mieux évaluer une tendance à la chute et à ne recourir à des restrictions de mouvement pour prévenir les chutes que là où elles sont nécessaires. Les freins à l’ utilisation d’ une telle technique devraient également varier considérablement au niveau international, comme le montre déjà l’ utilisation de caméras vidéo dans les services de psychiatrie aiguë. Ici aussi, le débat social est donc nécessaire.
Remerciements: Nous remercions Armin von Gunten et Dan Georgescu pour la traduction de la version allemande (20).
Copyright Aerzteverlag medinfo AG
Cet article est une traduction de PRAXIS_13_2023: Stefan Klöppel, Dan Georgescu: Freiheitsbeschränkende Massnahmen in der Alterspsychiatrie
– Société Suisse de psychiatrie et
psychothérapie de la personne âgée (SPPA)
– Service universitaire de psychiatrie et
psychothérapie de la personne âgée,
Universitäre Psychiatrische Dienste AG (UPD),
Université de Berne, Suisse
Société Suisse de psychiatrie et
psychothérapie de la personne âgée (SPPA)
Service de psychiatrie de liaison,
de psychiatrie gériatrique et de neuropsychiatrie,
Psychiatrische Dienste Aargau AG (PDAG), Windisch, Suisse
Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflit d’ intérêts en rapport avec cet article.
- Les mesures limitatives de liberté (MLL) couvrent un large spectre.
- Les MLL ne sont pas nécessairement contraires à la volonté présumée de la personne incapable de discernement.
- En cas d’ incapacité de discernement due, par exemple, à une démence ou à un état confusionnel, le traitement psychiatrique hospitalier doit être effectué sous un titre juridique approprié.
- Le nombre de placements à des fins d’ assistance (PAFA) dépend de différents motifs de l’ hospitalisation et n’ est donc pas un indicateur de qualité pertinent pour la PPA.
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la gazette médicale
- Vol. 13
- Ausgabe 5-6
- September 2024