Forum des soins infirmiers

Les besoins psychologiques ne sont pas non plus à négliger

Problèmes et besoins des personnes âgées après une hospitalisation

La préparation au retour à domicile pendant l’ hospitalisation est un processus clé pour assurer la continuité des soins et réduire les problèmes rencontrés par les personnes âgées après la sortie de l’ hôpital. Alors que les durées de séjours hospitaliers diminuent, les patients quittent l’ hôpital de plus en plus précocement, sans être toujours suffisamment prêts, et terminent leur rétablissement à domicile. Les problèmes rencontrés pendant les premiers jours après la sortie peuvent être la conséquence d’ un manque d’ informations reçues durant l’ hospitalisation, mais surtout d’ un manque d’ adéquation entre les informations transmises et les besoins des patients.



Les prévisions à l’ horizon 2040 pour le canton de Vaud montrent que la proportion des journées d’ hospitalisation bénéficiant aux personnes âgées va passer, pour les scénarios les plus probables, de 55  % en 2015 à une part comprise entre 67 % et 69 % d’ ici 20 ans (1). La contingence de l’ augmentation de la complexité des soins en milieu aigu, de la diminution du temps disponible pour préparer les personnes âgées à sortir de l’ hôpital requiert des solutions pour améliorer les soins de transition et réduire les problèmes après la sortie de l’ hôpital. Lorsque la préparation au retour à domicile est inadéquate, les réadmissions à l’  hôpital sont fréquentes et coûteuses (2). A l’ hôpital, les réponses apportées par les soignants aux besoins d’ informations des personnes âgées contribuent à une meilleure gestion de leur auto-soins à domicile (3, 4). Ces informations et l’ enseignement sont souvent transmis de façon trop condensée avant que le patient ne retourne chez lui (5). En plus d’ avoir peu de temps, la compréhension des informations par les patients n’est pas systématiquement évaluée (6). Les patients se souviennent difficilement des informations reçues, voire les oublient après la sortie de l’ hôpital (7). Une compréhension erronée ou insuffisante des informations par les patients peut limiter les auto-soins et une gestion efficace de la santé (8). Il y aurait donc un écart entre la croyance des professionnels de transmettre des informations qui répondent aux besoins des patients et la pertinence et la manière dont ces informations sont transmises aux patients (4, 9, 10).

Identifier les problèmes rencontrés par les patients après la sortie de l’ hôpital

Pour prévenir les problèmes rencontrés par les patients à domicile, il est d’ abord nécessaire de déterminer la prévalence et la nature des problèmes et des besoins non satisfaits des patients après leur sortie de l’hôpital. Le questionnaire « Problems After Discharge Questionnaire » (PADQ) de Mistiaen & al (1997) a été développé et validé dans ce but (11). Le PADQ est un questionnaire auto-reporté pour évaluer les problèmes et les besoins non satisfaits dans huit domaines : besoins d’information, soins personnels, activités domestiques, mobilité, utilisation des équipements et suivi des instructions, plaintes physiques et plaintes psychologiques.

Problèmes et besoins insatisfaits des patients en Suisse romande après la sortie de l’ hôpital

En 2018, le questionnaire PADQ a été soumis à 109 patients avec plusieurs maladies chroniques, hospitalisés dans des services de médecine et de réadaptation en Suisse romande. Ceux-ci ont complété le questionnaire une semaine après leur retour à domicile afin de connaître les problèmes et les besoins qu’ ils avaient rencontré après la sortie. L’âge moyen de ces patients était de 74 ans, la moitié étant des femmes et vivant en couple. Près des deux tiers avaient été hospitalisés au cours des deux dernières années (n = 70). Trois patients sur dix bénéficiaient de soins à domicile.
Les problèmes rencontrés par les participants à domicile concernaient surtout les tâches domestiques, telles que le ménage (63 %), les courses (56  %), ou le changement des draps de lit (50 %). Un peu plus d’ un tiers avaient des problèmes somatiques, dont principalement la dyspnée (58 %), la fatigue (50 %) et les douleurs (46 %). La mobilité était également problématique pour un autre tiers d’ entre eux, notamment pour se promener à l’ extérieur (53 %), monter les escaliers (44 %) et utiliser les moyens de transports (30 %). Un quart des patients ont rapporté des plaintes psychologiques, et la moitié d’ entre eux souffraient plus spécifiquement d’ anxiété, d’ inquiétude, et de tristesse (31 %). Un participant sur trois a rencontré des problèmes pour réaliser certains soins personnels comme prendre une douche ou un bain et s’ habiller ou se déshabiller.
De manière générale, plus de la moitié (57 %) des participants ont rapporté un manque d’ informations une fois rentrés à domicile. Ces besoins concernaient prioritairement des informations sur les effets secondaires de leurs traitements, les prestations d’ assurance, ainsi que leur processus rétablissement (Fig. 1).

En regard d’ une étude similaire conduite avec le questionnaire PADQ aux États-Unis, les patients hospitalisés en Suisse romande ont un besoin d’ information concernant les traitements médicamenteux trois fois supérieur et davantage de problèmes après la sortie de l’ hôpital (12). Le manque d’ informations sur les médicaments est un résultat mis en évidence dans plusieurs études et un des problèmes les plus fréquemment rencontré par les patients après l’ hôpital (13-16). Aux États-Unis, la réconciliation médicamenteuse systématique pourrait expliquer que ce besoin soit davantage satisfait pour les patients (17).
L’ âge moyen des participants à cette étude étant de 74 ans, les problèmes rencontrés après la sortie pour réaliser les tâches ménagères ou se mobiliser pourraient être expliqués par le déclin fonctionnel engendré par l’ hospitalisation chez les personnes âgées (15). La diminution des durées de séjours implique également que les patients sortent parfois de l’ hôpital sans avoir toujours récupéré leurs capacités fonctionnelles, ce qui pourrait avoir été le cas pour les participants de la présente étude (18). Les patients ont également exprimé des besoins importants liés aux difficultés psychologiques (19). Les souffrances psychologiques peuvent être générées par l’ incertitude liée au manque d’ informations sur le processus d’ évolution de la maladie, du rétablissement ou des traitements (20). Le besoin d’ information exprimé par les participants de cette étude pourrait en partie être un moyen de réduire leur anxiété par exemple. Alors que l’ attention des soignants est souvent centrée sur les problématiques somatiques, ces résultats mettent en lumière l’ importance d’ investiguer de manière tout aussi prioritaire les besoins psychologiques des patients.

Implications pour la pratique

Recevoir une grande quantité d’ informations ne garantit pas pour autant que le patient ait compris ces informations ni qu’ elles répondent à ses besoins, surtout si celles-ci sont transmises à un moment inopportun ou d’ une manière inadaptée à son niveau de connaissances ou de compétences (4, 21). De plus, les besoins d’ information peuvent varier tout au long du processus de rétablissement. Le séjour à l’hôpital est souvent une période de crise pour traiter des problèmes de santé aigus. Les patients ne sont donc pas toujours prêts à recevoir des enseignements et se sentent souvent submergés par un flot d’informations. Adapter le type d’ informations et la manière de les transmettre à partir des besoins évalués avec les patients plutôt que selon des recommandations prédéterminées et spécifiques à des pathologies, donnerait davantage de sens et de pertinence à ces informations pour les patients (22). Pour évaluer pendant l’ hospitalisation quels sont ces besoins, les patients eux-mêmes doivent participer à définir ce qu’ ils connaissent déjà et quelles sont les informations qu’ils jugent importantes pour leur situation de vie à domicile, qui diffère assurément de celle de l’ hôpital. Lorsque les informations répondent à leurs besoins, les patients sont plus attentifs, ce qui améliore leur compréhension et le rappel de ces informations une fois rentrés chez eux (6, 22). Ils se sentent aussi davantage prêts à rentrer car capables de répondre eux-mêmes à des questions qu’ ils pourraient se poser après la sortie ou faire face à des problèmes concernant la gestion de leur santé (22).

Conclusion

Les résultats de cette étude mettent en évidence qu’ une semaine après la sortie de l’ hôpital, les patients estiment ne pas avoir reçu suffisamment d’ informations pour la gestion de leur santé à domicile. Ils ont été également confrontés à de nombreux problèmes dans les activités de la vie quotidienne et en lien avec des inconforts physiques. Évaluer les besoins d’ information des patients pour la gestion de leur santé à domicile permettrait d’ augmenter la qualité des informations transmises et de contribuer à réduire la survenue de problèmes après la sortie de l’ hôpital.

Joanie Pellet, PhD(c), joanie.pellet@unil.ch
Alessia Camponovo, MScSI
Nishalini Gunalingami, MScSI
Dr sc. Cédric Mabire, PhD, cedric.mabire@unil.ch
Institut de formation et de recherche en soins – IUFRS, Faculté de
Biologie et Médecine, Université de Lausanne, Lausanne, Suisse

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Joanie Pellet, PhD(c)

Institut de formation et de recherche en soins – IUFRS
Faculté de Biologie et Médecine
Université de Lausanne, Lausanne, Suisse

joanie.pellet@unil.ch

Dr sc. Cédric Mabire, PhD

Institut de formation et de recherche en soins – IUFRS
Faculté de Biologie et Médecine
Université de Lausanne, Lausanne, Suisse

cedric.mabire@unil.ch

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’ intérêt réel ou potentiel en lien avec le contenu de cette publication.

  • Suite à une hospitalisation, les patients à domicile manquent d’ informations sur la gestion de leur santé au quotidien
  • La transmission standardisée d’ informations avant la sortie de l’ hôpital ne suffit pas à répondre à leurs besoins pour leur situation de vie
    à domicile
  • En adaptant le type et la quantité d’ informations, la manière de les transmettre et le moment pour le faire, les infirmières pourraient mieux répondre aux besoins des personnes âgées rentrés à domicile

Les auteurs souhaitent remercier les patients et les professionnels de la santé pour leur participation à l’ étude.