- Renoncer à la CPAP pendant les vacances ?
Le syndrome d’ apnée obstructive du sommeil (SAOS) est en hausse en raison de l’ épidémie croissante d’ obésité dans le monde occidental. L’ assistance ventilatoire à l’ aide d’ une CPAP (Continuous Positive Airway Pressure) nocturne constitue le traitement standard pour les patients souffrant d’ un SAOS symptomatique modéré à sévère. Dans cet article, les arguments pour et contre une interruption de cette thérapie, par exemple pendant les vacances, sont discutés de manière critique.
Le SAOS est un trouble respiratoire associé au sommeil, avec une obstruction intermittente au niveau du pharynx conduisant à une apnée (interruption du flux d’ air) ou une hypopnée (réduction significative du flux d’ air), associées à une baisse intermittente de la saturation en oxygène, ainsi que des micro-éveils (arousals) corticaux. La tendance au rétrécissement et à l’ obstruction des voies aériennes supérieures, le tonus musculaire et son contrôle autonome ainsi que les mécanismes de régulation respiratoire et les volumes pulmonaires à des degrés divers jouent un rôle. L’ ampleur des symptômes et les conséquences cardiovasculaires varient considérablement, individuellement et sans corrélation avec la gravité mesurée par l’ index d’ apnée-hypopnée. L’ indication pour un traitement du SAOS est avant tout symptomatique, dépendant en particulier de l’ impact sur la qualité de vie. Des études de population montrent que la prévalence d’ un SAOS au moins modéré (plus de 15 apnées/hypopnées par heure) chez les adultes d’ âge moyen est de 10 à 17 % (1). Une récente étude de population réalisée en Suisse estime que cette prévalence atteint 50 % chez les hommes et 23 % chez les femmes (2). Cependant, seule une partie des personnes concernées souffrent de fatigue ou de somnolence diurne. Toutefois, des symptômes tels que des troubles de la concentration, du sommeil et des nycturies peuvent également survenir comme conséquence d’ un SAOS. On estime que la prévalence du SAOS est nettement plus élevée chez les patients atteints de maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires que dans la population générale, en particulier chez les patients souffrant d’ hypertension artérielle résistante aux traitements. Chez ces patients, l’ indication à traiter peut être donnée par le contrôle insuffisant de la pression artérielle.
La CPAP comme traitement de référence
Le traitement de référence pour les cas de SAOS symptomatique modéré à sévère repose sur l’ administration d’ une pression positive continue à l’ aide d’ une CPAP. Cette forme de thérapie empêche l’ obstruction des voies aériennes supérieures et réduit ainsi les apnées et hypopnées qui, autrement, entraîneraient des réactions d’ éveil, d’ activation sympathique et une hypoxie intermittente. Outre l’ influence positive sur la pression artérielle et la fonction endothéliale, la thérapie par CPAP améliore la qualité de vie, les fonctions neurocognitives et la somnolence diurne subjective des patients atteints du SAOS (3). La question de savoir si et dans quelle mesure cela se produit dépend, entre autres, de l’ adhérence des patients à la thérapie. Alors qu’ on suppose généralement qu’ il faut au moins 4 heures pendant au moins 70 % des nuits pour bénéficier pleinement du traitement CPAP, par exemple avec une réduction de la somnolence diurne, des résultats d’ études plus récentes suggèrent plutôt qu’ il n’ y a pas de fenêtre temporelle standard pour la CPAP (4).
Renoncer à la CPAP pendant les vacances ?
Même les patients qui suivent le traitement de manière optimale peuvent se retrouver dans des situations où ils aimeraient se passer d’ un appareil CPAP, du moins pendant une courte période, par exemple classiquement pendant leurs vacances. Les médecins généralistes, les pneumologues et les spécialistes du sommeil sont en conséquence souvent confrontés à la question de savoir si la suspension temporaire du traitement CPAP peut avoir un effet négatif sur la santé. Un certain nombre de travaux s’ intéressant aux conséquences du SAOS ont inclus des périodes de deux semaines d’ interruption de la CPAP, dans le but de comprendre les effets physiologiques du traitement. Ces études permettent donc aussi de répondre à la question des conséquences négatives d’ une interruption temporaire de la CPAP. Chez la majorité des patients, le SAOS réapparaît rapidement après l’ arrêt du traitement par CPAP. Ainsi, même un court arrêt de la CPAP de deux semaines a été associé à une détérioration des fonctions psychomotrices, à une augmentation de la pression artérielle et du rythme cardiaque, voire même une détérioration de la fonction endothéliale périphérique. En revanche, aucune détérioration de la perfusion myocardique n’ a pu être détectée, ce qui indique que la fonction endothéliale coronaire n’ était pas influencée (5). Bien qu’ une hyoxémie cérébrale cliniquement significative ait été démontrée chez des patients souffrant d’ apnée du sommeil grave avec une désaturation en oxygène importante pendant l’ interruption de la CPAP (6), aucun effet négatif du retrait à court terme de la CPAP sur la réactivité cérébrovasculaire n’ a été démontré dans un groupe plus important de patients atteints du SAOS (7). Il en découle que la microcirculation dans les organes critiques comme le cœur et le cerveau ne subit aucun effet négatif pendant l’ interruption de la CPAP.
Outre les conséquences pathophysiologiques d’ une interruption limitée de la CPAP, les patients craignent avant tout le retour de la somnolence diurne. Young et al. ont montré chez 42 patients atteints du SAOS que la somnolence diurne peut revenir aux valeurs d’ avant le traitement par CPAP dès le deuxième jour après la pause de cette dernière (8). En plus d’ éventuels troubles cognitifs et d’ une influence négative sur la qualité de vie qui risquent de compromettre finalement le bénéfice des vacances, l’ augmentation de la somnolence diurne est également associée à un risque accru d’ accidents de voiture. Mais la somnolence, revient-elle vraiment chez tout patient atteint d’ un SAOS qui interrompt son traitement de CPAP pendant quelques jours ? Une analyse post-hoc de 132 patients atteints du SAOS qui ont été sans leur appareil CPAP pendant deux semaines a pu montrer que particulièrement les patients jeunes présentant une somnolence diurne subjective élevée (mesurée par l’ échelle de somnolence d’ Epworth) et une forme grave du SAOS risquent d’ être fatigués même pendant les courtes vacances de CPAP (9). Il convient de noter que la plupart des essais contrôlés randomisés sur le sujet ont suivi un protocole bien établi de « CPAP Withdrawal », qui implique un arrêt de la CPAP pendant exactement deux semaines. Ainsi, par exemple, il est difficile de répondre à des questions comme celle de savoir à quel moment les changements physiopathologiques du SAOS reviennent, si c’ est le cas après un jour ou seulement après deux semaines.
Il n’ est pas possible de donner une réponse définitive et générale à la question de savoir si une brève renonciation au traitement par CPAP entraînerait une détérioration de la santé cliniquement significative. Une évaluation individuelle des symptômes du SAOS avant le début du traitement, de la gravité du SAOS sur la base de l’ indice d’ apnée-hypopnée et de l’ étendue de l’ hyox-
émie nocturne ainsi que des comorbidités et de la situation psychosociale du patient doit certainement précéder l’ évaluation du risque lié à une interruption de la CPAP. Cependant, face au risque d’ un retour potentiel de la somnolence diurne, en particulier aussi d’ un risque accru d’ accidents de voiture, les interruptions de la CPAP devraient être réduites au minimum chez les patients symptomatiques bénéficiant clairement du traitement. Des appareils CPAP plus petits, adaptés aux exigences d’ un voyage et qui prennent moins de place dans les bagages, peuvent également être utiles dans ce contexte. On observe également une évolution vers des concepts de thérapie adaptés à chaque individu, qui peuvent inclure, en plus de la thérapie CPAP, par exemple une attelle de protrusion mandibulaire comme alternative lors des voyages.
A la base il reste à dire qu’ il existe différents phénotypes du SAOS avec différents tableaux cliniques. Dans l’ ensemble on peut cependant retenir que plus les patients sont symptomatiques et plus ils bénéficient du traitement par CPAP, plus le risque d’ un retour rapide des symptômes après une interruption même courte du traitement est élevé.
Article traduit de « der informierte arzt » 02_2021
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Oberarzt
Klinik für Pneumologie
Universitätsspital Zürich
Rämistrasse 100
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MR n’ a déclaré aucun conflit d’ intérêts en rapport avec cet article. ES déclare avoir reçu des honoraires de la société Novartis pour des conférences données au cours des 5 dernières années.
◆ L’ apnée obstructive du sommeil revient chez la majorité des patients en quelques jours si le traitement par CPAP est interrompu.
◆ Cela s’ accompagne d’ une augmentation progressive des symptômes qui peuvent exister avant le début de la thérapie (fatigue diurne, tendance accrue à s’ endormir, problèmes de concentration ou même problèmes de sommeil pendant la nuit).
◆ Chez certains patients, on observe également une augmentation cliniquement pertinente de la pression artérielle systémique.
◆ Un concept de thérapie axé sur le phénotype et adapté à chaque individu devrait permettre d’ éviter des interruptions de thérapie plus longues dans les cas d’ apnée du sommeil obstructive symptomatique et cliniquement pertinente.
Références :
1. Peppard PE, Young T, Barnet JH, Palta M, Hagen EW, Hla KM. Increased prevalence of sleep-disordered breathing in adults. Am J Epidemiol 2013; 177(9): 1006-14.
2. Heinzer R, Vat S, Marques-Vidal P, et al. Prevalence of sleep-disordered breathing in the general population: the HypnoLaus study. Lancet Respir Med 2015; 3(4): 310-8.
3. Bakker JP, Weaver TE, Parthasarathy S, Aloia MS. Adherence to CPAP: What Should We Be Aiming For, and How Can We Get There? Chest 2019; 155(6): 1272-87.
4. Gaisl T, Rejmer P, Thiel S, et al. Effects of suboptimal adherence of CPAP-therapy on symptoms of obstructive sleep apnea: a randomised, double-blind, controlled trial. European Respiratory Journal 2019: 1901526.
5. Schwarz EI, Stradling JR, Kohler M. Physiological consequences of CPAP therapy withdrawal in patients with obstructive sleep apnoea-an opportunity for an efficient experimental model. J Thorac Dis 2018; 10(Suppl 1): S24-s32.
6. Schwarz EI, Furian M, Schlatzer C, Stradling JR, Kohler M, Bloch KE. Nocturnal cerebral hypoxia in obstructive sleep apnoea: a randomised controlled trial. Eur Respir J 2018; 51(5).
7. Thiel S, Lettau F, Rejmer P, et al. Effects of short-term CPAP withdrawal on cerebral vascular reactivity measured by BOLD MRI in OSA: a randomised controlled trial. European Respiratory Journal 2018: 1801854.
8. Young LR, Taxin ZH, Norman RG, Walsleben JA, Rapoport DM, Ayappa I. Response to CPAP withdrawal in patients with mild versus severe obstructive sleep
apnea/hypopnea syndrome. Sleep 2013; 36(3): 405-12.
9. Roeder M, Sievi NA, Kohler M, Schwarz EI. Predictors of changes in subjective daytime sleepiness in response to CPAP therapy withdrawal in OSA: A post-hoc analysis. J Sleep Res 2020: e13078.
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- Vol. 10
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- März 2021