- RETO KRAPFs Medical Voice (août)
Dernières parutions
La chirurgie bariatrique meilleure que les médicaments pour la stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD/NASH) – encore peut-être ?
Dans un passé récent, diverses interventions médicamenteuses ont été évaluées pour la stéatose hépatique non alcoolique. De nombreux résultats sont prometteurs. Il est donc intéressant de savoir si l’effet des médicaments peut être comparable à celui de la chirurgie bariatrique. En plus d’une réduction de poids conservatrice, les médicaments utilisés dans cette étude étaient la pioglitazone, une thiazolidinedione, et le liraglutide, un agoniste du récepteur de GLP-1. Les médicaments ne sont pas ou pas encore en mesure de battre la chirurgie bariatrique, car les taux de rémission de la stéatose hépatique non alcoolique ou de la stéatohépatite étaient presque 4 fois plus élevés après une opération de l’estomac par voie basse ou par tube que dans le groupe traité par médicaments. Les patients examinés étaient tous en surpoids et la plupart d’entre eux présentaient un diabète sucré de type 2. Comme il semblerait qu’en Suisse jusqu’à 25% de la population présente une stéatose hépatique non alcoolique, la question de l’effet des nouveaux médicaments, qui n’ont pas encore été testés ici, éventuellement aussi en combinaison et soutenus par une consommation accrue de café, est d’une très grande importance pour le système de santé. Une histoire avec une suite nécessaire et importante…. !
The Lancet 2023, doi.org/10.1016/S0140-6736(23)00634-7, redigé le 9.05.2023
Comment diagnostiquer le “long covid” ?
Long Covid est une conséquence syndromique à long terme des maladies Covid-19. La maladie est difficile à diagnostiquer, par exemple à distinguer des séquelles à long terme d’une maladie aiguë grave en soi ou d’un syndrome de burn-out, entre autres. Dans la plus grande cohorte prospective de patients adultes (la cohorte “RECOVER”, qui compte actuellement près de 10 000 participants), on essaie de regrouper les symptômes afin de rendre le diagnostic de “long-covid” plus reproductible. Ceci est important pour l’évaluation future de l’efficacité des essais de traitement de ce syndrome parfois très éprouvant pour les personnes concernées et leur entourage. Un “score”, pour l’instant réservé à la recherche clinique, a permis de mieux définir la maladie. Les symptômes individuels les plus fréquents du syndrome (6 mois après le début de la maladie aiguë) étaient les suivants : Malaise après un effort physique (environ 90%), fatigue et lassitude (environ 85%), sensation de brouillard dans la tête (environ 65%), palpitations, vertiges et symptômes gastro-intestinaux (60% chacun). Les maladies de Long-Covid avec les variantes précédentes d’Omikron étaient ou sont généralement plus longues et plus graves. Le travail a en outre constaté que parmi les patientes et les patients admis dans la cohorte à partir du 1er décembre 2021 dans un délai maximal de 30 jours après une infection aiguë à Covid-19, le long-Covid est apparu dans 10% des cas. Cette fréquence, la durée de la maladie et la gravité des symptômes font de Long-Covid un défi médical majeur pour la prévention, le traitement et la rééducation !
JAMA 2023, doi:10.1001/jama.2023.8823, redigé le 31.05.2023
Stress émotionnel et maladies inflammatoires de l’intestin
On sait depuis longtemps qu’il existe un lien temporel entre les phases de vie stressantes (perte d’emploi, problèmes de couple, crises familiales, par exemple) et les poussées et l’intensité des symptômes des maladies inflammatoires de l’intestin, et de nouvelles études ont permis d’établir un lien de cause à effet. Comme pour d’autres formes de stress, ces personnes souffrent d’une augmentation chronique des concentrations de cortisone. L’effet de la cortisone, généralement anti-inflammatoire, n’est toutefois pas direct. En effet, des taux de cortisone endogènes chroniquement élevés entraînent des poussées inflammatoires par un mécanisme indirect. L’inflammation est médiée par les monocytes, le TNF (le tumor necrosis factor) et enfin le CSF-1 (colony-stimulating factor 1). Ces deux dernières cytokines sont produites par les cellules neuro-entériques. Bien entendu, ce travail est aussi un rappel pour que les médecins s’occupent encore mieux de la santé mentale de ces patients. Mais comme les situations émotionnelles difficiles à long terme peuvent toucher tout le monde et sans avertissement, il serait important d’évaluer les antagonistes des récepteurs des glucocorticoïdes à action topique entérale ou ceux du CSF-1 ou de son récepteur. Cela permettrait peut-être de contrôler plus rapidement et mieux les exacerbations des maladies inflammatoires de l’intestin induites par un stress émotionnel chronique.
Cell 2023, doi.org/10.1016/j.cell.2023.05.001, redigé le 29.05.2023
Pontages numériques en cas d’aphasie et de syndrome médullaire
Différents travaux montrent qu’une sonde implantée dans du tissu cérébral sain permet de déduire l’activité neuronale et de la transmettre pour analyse à un ordinateur haute performance. Sur cette base, celui-ci peut transmettre un signal à des parties de la moelle épinière restées saines et présentant une réaction motrice. Le récent rapport selon lequel un patient paraplégique a retrouvé sa capacité à marcher, y compris à monter des escaliers, est fascinant. C’est aussi un succès de la recherche médico-physique à l’EPFL et au CHUV à Lausanne (1). Des progrès neurotechnologiques similaires peuvent également rendre la parole à des patients aphasiques, par exemple en cas de sclérose latérale myatrophique ou d’accident du tronc cérébral, et ce à une vitesse d’élocution respectable de 60 mots par minute ! Cette technique est désormais utilisée à titre expérimental dans la rééducation après un accident vasculaire cérébral. (2).
1. Nature 2023, doi.org/10.1038/s41586-023-06094-5 (2023), 2. Journal of Neurorestarautology 2023, doi.org/10.1016/j.jnrt.2023.100054, redigé le 31.05.2023
C’est aussi bon à savoir
Quels sont les patients qui répondent le mieux à la perte de poids induite par les agonistes du GLP-1 ?
Dans l’étude dont il est question ici, l’obésité est divisée en 4 types cliniques principaux : La sensation de satiété n’apparaît qu’après l’ingestion de grandes ou trop grandes quantités de calories (ce que l’on appelle le “cerveau affamé”) ou les patients se sentent rassasiés après des repas normaux, mais ont à nouveau faim peu après (ce que l’on appelle l'”intestin affamé”). En outre, le travail délimite les formes d’obésité en cas de faim induite par les émotions en raison d’un stress psychique et une forme d’obésité en cas de métabolisme lent avec une consommation de calories plus faible (ou un métabolisme de base plus faible). Les agonistes du GLP-1, notamment le sémaglutide, le liraglutide et le tirazépatide*, semblent être particulièrement efficaces dans le cas de l’obésité avec “intestin affamé”, puisque la perte de poids après un an de traitement était presque deux fois plus importante que pour les autres formes. Les auteurs supposent que dans cette forme d’obésité, les taux de GLP-1 endogènes sont bas pour des raisons qui restent à élucider, et que les médicaments mentionnés correspondent donc pour ainsi dire à une thérapie de substitution. Les agonistes du GLP-1 sont également de plus en plus prescrits en cas d’obésité sans diabète et de complications induites par l’obésité, comme la stéatose hépatique non alcoolique. Ils peuvent être nécessaires à vie. Du moins, l’obésité réapparaît dans les mêmes proportions en l’espace de quelques mois après leur arrêt. La sécurité à long terme de ces médicaments doit donc encore faire l’objet d’une attention détaillée dans des études correspondantes, par exemple dans des études de cohorte contrôlées.
Nature 2023, doi: https://doi.org/10.1038/d41586-023-01712-8, redigé le 26.05.2023 Nature 2023, doi: https://doi.org/10.1038/d41586-023-01712-8, redigé le 26.05.2023
* Le tirazépatide est un agoniste double. Il imite le GLP-1 (glucagon-like peptide 1) et le peptide insulinotrope dépendant du glucose (GIP).
Toujours et encore controversé
Pneumonie acquise en ambulatoire : les glucocorticoïdes, oui ou non ?
Il semble que nous devions encore vivre avec des incertitudes dans ce domaine après de très nombreuses années. Le point de vue de base était qu’en cas de pneumonie grave, une réponse immunitaire excessive à l’infection pouvait conduire à une inflammation contre-productive, nuisible à l’hôte. Les preuves permettant de limiter efficacement cette inflammation à l’aide de glucocorticoïdes au profit des patients étaient maigres, mais aussi variables : parfois oui, parfois non. Deux études récentes ne parviennent pas aux mêmes conclusions : En cas de pneumonie sévère acquise en ambulatoire, l’administration de glucocorticoïdes, concrètement de méthylprednisone, n’a pas permis d’améliorer l’évolution dans une population américaine (1). Une étude multicentrique française a toutefois montré que l’hydrocortisone réduisait de manière impressionnante la mortalité à 28 jours chez ces patients, soit de près de 12 à plus de 6%. De même, le nombre de patients nécessitant une intubation ou des médicaments vasoactifs était nettement inférieur sous hydrocortisone (2). L’éditorial d’accompagnement n’est pas concluant sur la question de savoir pourquoi les résultats étaient si différents (3). Alors que faire maintenant ? Ne rien faire et dire qu’il n’y a pas de preuves ou donner de l’hydrocortisone et espérer que les patients aient de la chance ? Je recommande d’administrer de l’hydrocortisone (200 mg per infusionem par jour pendant 4 à 7 jours) aux patient(e)s qui ont besoin d’un traitement médical intensif. Ceci également en raison de la bonne tolérance du traitement à l’hydrocortisone choisi. En même temps, il faut garder à l’esprit que tout n’a pas encore été clarifié de manière indubitable et que des surprises et de nouveaux concepts pourraient bien nous arriver.
Intensive Care Medicine 2022, doi.org/10.1007/s00134-022-06684-3, 2. NEJM 2023, doi: 10.1056/NEJMoa2215145, 3. NEJM 2023,
DOI: 10.1056/NEJMe2302544
La médecine au-delà de ses frontières
Depuis quand s’embrasse-t-on ?
Ce n’est peut-être pas une question qui fait le tour du monde, mais il semble important de savoir que la science distingue deux formes de baisers : Le baiser familial et amical et le baiser romantique et érotique. Cette dernière habitude est plus ancienne qu’on ne le pensait jusqu’à présent : Le premier baiser érotique documenté date de 2500 ans avant J.-C. en Mésopotamie. Le baiser ne se limite pas aux humains, même si la plupart des espèces animales se reniflent plutôt qu’elles ne s’embrassent. Le baiser a également servi et sert encore de phase de test pour initier des partenariats. Secondairement, il pourrait également y avoir eu un échange, au moins du microbiome oropharyngé. La propagation d’infections en est une conséquence négative, bien que celle-ci ait pu ou puisse encore induire une stimulation immunitaire et donc un renforcement des défenses immunitaires.
Science 2023, doi: 10.1126/science.adf0512, redigé le 04.06.2023
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