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Soins en fin de vie à domicile

Le nombre de patients vivant à domicile en soins palliatifs augmentent du fait du vieillissement de la population, de l’ augmentation de la prévalence des pathologies chroniques et de l’ augmentation des offres de soins disponibles. Lorsque l’ on interroge les personnes dans la population générale sur le lieu où elles souhaiteraient terminer leur vie, les trois quarts mentionnent leur domicile. En réalité, une minorité des personnes décèdent à leur domicile. Bien sûr, lorsque que la personne est souffrante et se retrouve face à la réalité des soins à domicile, à la présence de symptômes ou à l’ impact de la maladie sur les proches, une hospitalisation peut être rassurante et désirée. Mais pour les patients qui le souhaitent, notre système de santé doit pouvoir offrir une prise en charge de bonne qualité pour une fin de vie à domicile en prenant en compte les désirs du patient et les limites.



The number of patients living at home in palliative care is increasing due to the aging of the population, the increase in the prevalence of chronic pathologies and the increase in available care offers. When people in the general population are asked where they would like to end their lives, three quarters mention their place of residence. In reality, a minority of people die at home. Of course, when the person is unwell and faces the reality of home care, the presence of symptoms or the impact of the disease on loved ones, hospitalization can be reassuring and desired. But for patients who want it, our health system must be able to offer good quality end-of-life care at home, taking into account the patients wishes and limitations.
Key Words: soins palliatifs, fin de vie, domicile

Identification des patients en soins palliatifs

Il convient tout d’ abord d’ identifier les patients en situation palliative. Des outils de détection sont à disposition, tel que P-CaRES (1). La première question que l’ on peut se poser est la question surprise « serais-je surpris si mon patient décédait dans les 12 prochains mois ? ». Si non, d’ autres items comprenant la présence d’ une maladie évolutive, d’ un déclin fonctionnel, d’ une instabilité avec hospitalisations non programmées, de symptômes non soulagés, d’ une souffrance psycho-sociale ou existentielle, d’ incertitudes concernant les objectifs de soins, d’ une détresse des proches aidants ou la demande du patient de recevoir des soins de confort orientent vers la nécessité de débuter une prise en charge palliative. Celle-ci est axée sur la gestion des symptômes, l’ évaluation des besoins psychologiques et spirituels des patients et des proches, la connaissance des souhaits du patient concernant l’ objectif de sa prise en charge et l’ élaboration d’ un projet de soins anticipés (ProSA) et, si possible, de directives anticipées. Elle nécessite d’ instaurer une bonne communication qui s’ établit grâce à des échanges répétés, d’ où le besoin d’ identifier suffisamment tôt les patients dans le cours de la maladie, parfois parallèlement à la poursuite des traitements pouvant prolonger la vie. Malheureusement, encore trop souvent, les situations palliatives ne sont reconnues que dans les derniers jours de vie. Non seulement, les prises en charge se font alors dans l’ urgence, parfois sans avoir connaissance des volontés du patient, ce qui crée anxiété et inconfort pour les malades, les proches et les soignants.

Conditions de succès d’ une fin de vie à domicile

La volonté du patient est la première condition. Avoir un proche aidant qui soutient ce projet avec une faculté d’ adaptation est un atout pour le succès d’ une fin de vie à domicile. Le patient et ses proches doivent être informés de la maladie et de son évolution. Les implications pratiques doivent être discutées, les attentes et les craintes de chacun abordées.

Les autres facteurs déterminant du succès d’ une fin de vie à domicile sont :

  • une prise en charge palliative, multidisciplinaire et précoce ; elle augmente les chances de maintien à domicile, améliore le soulagement des symptômes, diminue le nombre d’ examens et réduit le risque d’ hospitalisation, y compris dans les services d’ urgence et de soins intensifs (2, 3, 4).
  • le soutien des proches
  • l’ anticipation des complications avec la réalisation d’ un projet de soins anticipé régulièrement actualisé et transmis aux différents intervenants.

Equipe multidisciplinaire

Les multiples aspects d’ une prise en charge palliative nécessitent obligatoirement le soutien d’ une équipe interprofessionnelle. Pour chaque situation à domicile, une nouvelle équipe se crée. Les partenaires de cette équipe multidisciplinaire sont :

Médecin

Le médecin traitant joue habituellement le rôle de coordinateur. Ce temps de coordination, souvent long, est nécessaire à une prise en charge réussie. D’ autre part, une disponibilité médicale 24h/24 est nécessaire. Si le médecin ne peut être toujours joignable, il peut être soutenu par une équipe spécialisée ou collaborer avec d’ autres structures médicales à qui les informations médicales et le projet de soins anticipé doivent être transmis.

Infirmier / aide-soignant

Une équipe infirmière également disponible 24h/24 est indispensable pour les fins de vie à domicile. Les infirmiers(ères) sont les soignants les plus disponibles et présents au chevet du patient. Ils évaluent les symptômes, les besoins et soutiennent le patient et ses proches. Le ProSA, l’ attitude en cas de complication, l’ indication aux réserves de médicaments doivent leur être transmis par écrit, de même que les coordonnées du médecin répondant.

Physiothérapie/Ergothérapie

Aider les patients à vivre aussi activement que possible jusqu’ à la mort fait partie intégrante des soins palliatifs. La physiothérapie favorise, tant que cela est possible, le maintien d’ une autonomie qui participe à la qualité de vie. Elle peut aussi apporter son aide dans la gestion de la douleur ou au bien-être.
L’ ergothérapeute aide à l’ aménagement du domicile, habituellement nécessaire pour aider à maintenir dans un premier temps l’ autonomie du patient, puis pour son confort en fin de vie avec souvent l’ installation d’ un lit médicalisée et d’ un matelas adapté.

Autres

Selon les situations, de multiples autres professionnels peuvent intervenir au domicile pour améliorer la qualité de vie : diététicien, assistant social, psychologue, psychiatre, dentiste, etc, ainsi que des thérapeutes pour des approches complémentaires telles que massage, sophrologie, réflexologie, etc

Equipe spécialisée en soins palliatifs

Lorsqu’ un ou plusieurs symptômes persistent, en cas d’ incertitude ou de désaccord sur les soins, de persistance de souffrance psycho-sociale ou toutes autres difficultés, le soutien d’ une équipe spécialisée de soins palliatifs peut être demandé. L’ outil ID-PALL permet d’ identifier les patients qui est bénéficieraient.

Les proches

Prendre soin des proches est indispensable à une prise en charge palliative réussie. De leur bien-être dépend le confort du patient et son maintien à domicile. L’ encadrement doit être régulièrement adapté afin de les soulager des tâches dont les soignants peuvent se charger. Ils sont encouragés à sortir durant la présence des soignants et peuvent bénéficier de l’ intervention de bénévoles ou des gardes de nuits afin de leur libérer du temps et de diminuer leur fardeau.

Anticipation

En situation de fin de vie, l’ apparition ou l’ exacerbation de symptômes est habituelle. Le soulagement des symptômes tels que douleur, dyspnée, nausées/vomissements, anxiété, confusion est une urgence et un traitement symptomatique doit pouvoir être rapidement administré. Pour cela, les médicaments doivent être disponibles au domicile ; le patient, ses proches ou l’ équipe infirmière, doivent être informés de leur indication et du mode d’ administration. Les médicaments essentiels pour assurer le contrôle des symptômes les plus fréquents en fin de vie comprennent opiacé (douleur et dyspnée), benzodiazépine (anxiété, agitation), halopéridol (confusion, nausées/vomissements) et anticholinergique (sécrétions trachéo-bronchiques) (5). En fin de vie, les troubles de la vigilance sont habituels et empêchent toute prise orale; les traitements à visée symptomatique doivent cependant être poursuivis et un relai par voie parentérale, le plus souvent sous-cutanée, doit être pris sans délai. L’ utilisation de PCA (Patient Controlled Analgesia) facilite l’ administration du traitement opiacé.

Selon les situations, des complications peuvent être attendues (douleur, dyspnée, infection, hémorragie, épilepsie, compression médullaire) ; leur prise en charge doit être discutée afin de pouvoir les préparer. Ceci a pour objectif non seulement de soulager rapidement, mais aussi de diminuer l’ anxiété du patient, des proches et des soignants et d’ éviter un transfert inapproprié dans un service d’ urgence.

Echec du maintien à domicile

Malheureusement, le maintien à domicile parfois échoue en raison du changement de volonté du patient, de symptômes difficilement gérables ou de l’ épuisement des proches. Le lieu de soins le plus adapté devrait être préalablement discuté, par exemple unité ou maison de soins palliatifs. En absence de problème médical nécessitant en urgence un plateau médicotechnique, les transferts dans les services d’ urgence sont souvent inappropriés avec des délais d’ attente anxiogènes, une prise en charge des symptômes souvent multiples non idéale et la pratique facile d’ examens inutiles.

Conclusion

Une fin de vie doit pouvoir être offerte aux patients qui le souhaitent. Les clés de son succès sont l’ identification des situations palliatives, la prise en charge précoce par une équipe multidisciplinaire coordonnée, la disponibilité du médecin et de l’ équipe infirmière, le soutien des proches et l’ anticipation des symptômes et complications. Des équipes spécialisées peuvent être appelées en soutien dans les situations difficiles.

Dre Catherine Weber, catherine.weber@hcuge.ch
Médecin-adjoint, service de médecine palliative,
département de réadaptation et gériatrie, HUG
Mme Nathalie Pinon, nathalie.pinon@hcuge.ch
infirmière spécialisée chez Imad, consultation de soins palliatifs à domicile
Mme Aline Savalli, aline.savalli@hcuge.ch
infirmière spécialisée chez Imad, consultation de soins palliatifs à domicile
Pre Sophie Pautex, sophie.pautex@hcuge.ch
service de médecine palliative, département de réadaptation et gériatrie, HUG

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Dre Catherine Weber

Médecin-adjoint, service de médecine palliative,
département de réadaptation et gériatrie, HUG

catherine.weber@hcuge.ch

Mme Nathalie Pinon

infirmière spécialisée chez Imad, consultation de soins palliatifs à domicile

nathalie.pinon@hcuge.ch

Pre Sophie Pautex

service de médecine palliative, département de réadaptation et gériatrie, HUG

sophie.pautex@hcuge.ch

Il n’ y a aucun conflit d’ intérêt.

◆ L’ utilisation d’ outils permet d’ identifier les patients pouvant bénéficier d’ une prise en charge palliative.
◆ Une prise en charge palliative nécessite l’ intervention précoce d’ une équipe multidisciplinaire coordonnée et quelques fois d’ une équipe spécialisée.
◆ La rédaction d’ un projet de soins anticipé, régulièrement réactualisé et transmis aux différents intervenants, permet de coordonner les soins et d’ éviter des interventions et/ou des hospitalisations inappropriées.

1. Tan A. Design and implementation of a clinical decision support tool for primary palliative Care for Emergency Medicine (PRIM-ER). BMC Med Inform Decis Mak. 2020 Jan 28;20(1):13. doi: 10.1186/s12911-020-1021-7
2. Maetens A. Impact of palliative home care support on the quality and costs of care at the end of life: a population-level matched cohort study. BMJ Open. 2019 Jan 21;9(1):e025180.
3. Effectiveness and cost-effectiveness of home palliative care services for adults with advanced illness and their caregivers. Gomes B, Calanzani N Cochrane Database Syst Rev. 2013 Jun 6;(6):CD007760.
4. Gaertner J. Effect of specialist palliative care services on quality of life in adults with advanced incurable illness in hospital, hospice, or community settings: systematic review and meta-analysis. BMJ. 2017 Jul 4;357:j2925.
5. Lindqvist O. Four essential drugs needed for quality care of the dying: a
Delphi-study based international expert consensus opinion. J Palliat Med. 2013 Jan;16(1):38-43. doi: 10.1089/jpm.2012.0205.