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Un update sur le traitement du trouble obsessionnel compulsif

Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) est une des maladies psychiatriques les plus invalidantes. Il se caractérise par la présence d’ obsessions, c’ est à dire des pensées vécues comme intrusives (du latin obsidere – assièger), et des compulsions qui correspondent à des actes rituels nécessaires pour réduire l’ intensité des obsessions.



Obsessive-compulsive disorder (OCD) is one of the most disabling psychiatric illnesses. It is characterised by the presence of obsessions, i.e. thoughts experienced as intrusive (from the Latin obsidere – to besiege), and compulsions, which correspond to ritual acts necessary to reduce the intensity of the obsessions.
Key words: TOC, Neuromodulation, Pathologie résistante, DBS, Thérapie cognitivo-comportementale

Introduction

Selon l’ OMS, ce diagnostic figure parmi les dix premières conditions pathologiques ayant un retentissement sur l’ autonomie et la qualité de vie de la personne qui en est atteinte [1]. En Europe, la prévalence dans la population générale se situe entre 1 et 2% [2], les données sur l’ épidemiologie de la personne âgée sont très fragmentaires. L’ idée répandue d’ une réduction de la prévalence associée à l’ âge [3] et des données anciennes rapportant une prévalence de 0.8% dans la population de plus de 65 ans [4], est contredite par des investigations plus récentes sur la prévalence à un mois dans une population âgée non démente qui retrouvent un taux de 1.3% chez les hommes et 4.3% chez les femmes [5]. Le TOC est une maladie avec des spécificités de traitement souvent peu connues par les professionnels [6], situation qui est probablement due à la résistance à chercher de l’ aide des personnes qui en souffrent [7]. L’ instrument principal d’ évaluation clinique du TOC est l’ échelle YBOCS (Yale Brown Obsessive Compulsive Scale), qui évalue sur 5 items les obsessions et sur 5 les compulsions. Le résultat peut varier entre 0 et 40, avec un seuil pathologique à 8 et une intensité sévère à partir de 24. Bien que cette échelle soit devenue le gold-standard pour évaluer la sévérité des TOC, elle a été parfois critiquée car son administration demande beaucoup de temps et est exigeante tant pour les cliniciens que pour les patients. De plus, pour que l’ entretien soit valide et fiable, les cliniciens doivent avoir une expérience consolidée à la fois de la maladie et de l’ instrument. [8] Cet article se propose de réviser les différents traitements actuellement indiqués, en proposant un schéma de traitement par étape selon les meilleures évidences dans la littérature.

Traitements de première ligne

Psychothérapie

La psychothérapie cognitivo-comportamentale (TCC) avec exposition et prévention de la réponse est le traitement de première ligne pour le TOC [9]. Elle consiste en l’ exposition du patient aux stimuli anxiogènes avec une inhibition conséquente de l’  obsession. Le « number needed to treat » (nombre de sujets à traiter ou NST) avec une psychothérapie est égale à trois, contre 5 patients nécessaires pour une pharmacothérapie avec ISRS [10]. Cependant, la résistance du patient, les coûts d’ un tel traitement et les taux de dropout constituent de fortes limitations dont il convient de tenir compte lors d’  une prise en charge, notamment des cas les plus sévères.

Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine – ISRS

Les ISRS sont recommandés en première ligne dans le traitement aussi bien que la psychothérapie dans les guidelines [9]. En règle générale, il faut considérer ces molécules plutôt comme des anti-obsessionnels et non pas des antidépresseurs dans cette indication, ce qui implique des différences autant sur le plan posologique (cf. Tableau 1) que sur celui du délai d’  efficacité. Une méta-analyse portant sur la question de la corrélation entre le dosage et la réponse clinique a conclu que la réduction des symptômes du TOC était de 7 à 9 % plus élevée chez les patients du groupe recevant la dose la plus élevée [11]. Il faut garder à l’ esprit que le NST en monothérapie avec une dose standard est de 5, alors que le NST pour observer une amélioration en passant à une dose moyenne ou élevée varie de 13 à 15 [12]. Le délai de réponse minimal entre l’ instauration d’ un ISRS à dose efficace et son impact clinique est de 10 à 12 semaines [13]. Cependant, les premiers résultats statistiquement significatifs de réduction des symptômes sont observés après seulement 2 semaines de prescription des ISRS, et l’ amélioration suit une courbe logarithmique selon laquelle les effets les plus importants du traitement sont observés dans la phase initiale.

Traitements de deuxième ligne

Clomipramine

Plusieurs méta-analyses [14, 15] ont mis en évidence une plus grande efficacité de la clomipramine par rapport aux ISRS, mais les essais individuels [16, 17] qui la comparent directement aux ISRS n’ étayent pas ces données. Bien que la clomipramine reste un traitement de deuxième intention selon l’ APA [9], les données les plus récentes suggèrent que le passage d’ un ISRS à la clomipramine n’ est pas obligatoire [18].

Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN)

La venlafaxine est la molécule de cette classe sur laquelle on a le plus de données [19, 20], mais dont l’ interprétation reste limitée par les définitions divergentes de la réponse chez les différents auteurs. Son efficacité est probablement comparable à celle de la clomipramine, avec un profil d’ effets secondaires qui la rend préférable à cette dernière [20].

Traitement adjuvant

3.1 Combinaison d’  antidépresseurs

Bien qu’ il y ait peu de preuves à l’ appui, l’ ajout de la clomipramine en association avec des ISRS est toujours à envisager [9].

Molécules antidopaminergiques

D’ après les connaissances les plus récentes, les prescriptions les plus efficaces sont de faibles doses d’ aripiprazole (1-5 mg/j) ou de rispéridone (0,5-1 mg/j) [21, 22, 23].
L’ ajout d’ un antipsychotique aux ISRS est efficace chez environ un tiers des patients, en particulier en présence de tics, avec un NST d’ environ cinq [12].
La clozapine n’ est pas recommandée, car il existe suffisamment de preu­ves de son rôle dans l’ aggravation possible des symptômes du TOC [24].

Molécules glutamatergiques

L’ efficacité de la mémantine, un antagoniste des récepteurs NMDA qui régule les effets d’ un taux de glutamate pathologiquement élevé dans le traitement de la maladie d’ Alzheimer, a été étudiée dans le TOC dans un petit essai, en complément de la fluvoxamine pendant 8 semaines. 89 % des patients traités à la mémantine correspondaient aux critères de de rémission, définis par un score YBOCS inférieur ou égal à 16, contre 32 % dans le groupe placebo [25].

La kétamine est un antagoniste des récepteurs NMDA et un agent non sélectif ciblant les systèmes opioïdes, cholinergiques et monoaminergiques, ce qui peut contribuer à son efficacité dans le TOC [26, 27, 28]. Elle est utilisée dans la pratique clinique, sans indications officielle, comme stratégie d’ augmentation lorsque les approches mieux éprouvées ont échoué [29, 30]. La plupart des essais indiquent un effet rapide mais de courte durée (de quelques jours à quelques semaines) et très hétérogène allant de la rémission complète à l’ absence de bénéfice [31].

Vers la psychiatrie interventionnelle

Un patient répond aux critères de TOC résistant lorsqu’ il présente une réduction inférieure à 25 % à l’ YBOCS malgré un essai d’ au moins 12 semaines à la dose la plus élevée tolérée d’ ISRS ou de clomipramine, en association avec au moins 30 heures de TCC. Le TOC réfractaire est défini comme une non-réponse après 3 à 6 mois à au moins trois antidépresseurs (y compris la clomipramine), et au moins deux essais d’ appoint avec des antipsychotiques atypiques [14]. Même dans les cas où un traitement adéquat est proposé au patient, on peut observer une persistance chez 10 % des patients d’ handicap sévère du TOC [32].

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS)

La stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS) est un traitement de neuromodulation basé sur l’  induction ciblée d’  un courant électrique dans le système nerveux central à travers l’  exposition d’  un champ magnétique variable. La rTMS bilatérale à basse fréquence ciblant l’ aire motrice supplémentaire (SMA) réduit significativement les symptômes obsessionnels avec un effet durable après 6 semaines de suivi [33]. Une autre étude a montré la supériorité d’ une stimulation de 1 Hz du cortex préfrontal dorsolatéral (DLPFC) par rapport à une stimulation similaire de 10 Hz et au placebo [34]. La rTMS est considérée comme une alternative viable aux essais de médicaments de deuxième et troisième ligne relativement risqués, tels que les antipsychotiques, les opioïdes, les benzodiazépines et les agents glutamatergiques [35]. Ces données suggèrent qu’ il est indiqué de planifier un traitement par rTMS avant de poser une indication à la DBS (cf. ci-dessous), compte tenu de la balance risques-bénéfices.

Stimulation cérébrale profonde (DBS)

La DBS est une technique de neuromodulation dont l’ application dans les TOC est basée sur une efficacité bien documentée [36]. Une revue systématique a montré qu’ en ce qui concerne la cible il n’ y avait pas de différences significatives entre la partie antérieure de la capsule interne (ALIC) et le noyau sous-thalamique (STN), et que jusqu’ à 60% des patients opérés avaient une réduction d’ au moins 35% à l’ YBOCS [37]. Le mauvais positionnement des électrodes ou l’ infection intracrânienne sont les principales causes de retrait et de réimplantation du dispositif. L’ hémorragie intracrânienne est un effet secondaire grave dans environ 5% des cas. L’ effet secondaire le plus fréquent lié à la stimulation est l’ hypomanie, bien qu’ il disparaisse généralement après ajustement des paramètres de stimulation. Des crises d’ épilepsie, quel que soit le site de stimulation, ont été occasionnellement décrites dans les cinq années suivant l’ opération. Les autres effets indésirables liés à la stimulation sont la prise de poids, les troubles du sommeil, les troubles subjectifs de la mémoire et l’ augmentation de l’ anxiété [38].

Conclusion

On estime que moins de 10% des patients atteints par un TOC reçoivent un traitement adapté peut-être en lien avec la réticence chez le patient de chercher de l’  aide et des symptômes constituent rarement une menace urgente pour soi-même ou autrui ce qui est susceptible de limiter le contact de ces patients avec les professionnels et, par voie de conséquence, les compétences de ces derniers. Dans la population âgée, la situation est aggravée par un manque de données spécifiques, autant sur le plan épidémiologique que sur celui de la prise en charge clinique adaptée. Le consensus actuel encourage les professionnels à adopter la meilleure stratégie thérapeutique disponible pour les patients âgés, en évitant au maximum que la vieillesse constitue un obstacle à l’  accès aux soins. Des recherches ultérieures sont nécessaires pour assurer à ces patients un traitement optimisé à leur état de santé, souvent marqué par des complexités qu’  on ne retrouve pas chez les jeunes et les adultes jeunes.

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Dr Kevin Swierkosz-Lenart
Dre Beatriz Pozuelo Moyano
Dre Marie-Thérèse Clerc
Pr Armin von Gunten
Service universitaire de psychiatrie de l’ âge avancé (SUPAA), CHUV
Rue du Bugnon 46, 1011 Lausanne

Dr Kevin Swierkosz-Lenart

Service universitaire de psychiatrie de l’ âge avancé (SUPAA)
CHUV
Rue du Bugnon 46
1011 Lausanne

kevin.swierkosz-lenart@chuv.ch

Dre Beatriz Pozuelo Moyano

Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV)
Route de Cery 60
1008 Prilly

Pr Armin von Gunten

Service universitaire de psychiatrie de l’âge avancé (SUPAA),
Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne.

Les auteurs n’ ont pas déclaré de conflits d’  intérêts en rapport avec cet article.

 Si l’ entourage médical et familial proche offre aux personnes âgées un environnement privilégié pour parler de leurs douleurs chroniques, les amis sont également cruciaux, notamment pour leur soutien émotionnel. La banalisation parfois âgiste des douleurs des aînés et le stoïcis
 me très répandu parmi les 3èmes et 4èmes âges actuels sont des facteurs inhibiteurs essentiels de l’ expression des vécus douloureux.
 Dans le travail clinique, une réflexivité est de mise, pour permettre
d’ éviter des blocages communicationnels superflus tout en respectant
 le besoin des aînés de ne pas faire de leurs douleurs chroniques une thématique prenant trop de place.