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La perforation de la cloison nasale – quand ça siffle dans le nez



Présentation de cas

Un plâtrier de 49 ans, qui gère sa propre entreprise et qui est constamment pressé par le temps et se présente à votre consultation parce que depuis longtemps, il a de plus en plus de mal à respirer par le nez. De plus, il doit régulièrement se moucher pour enlever de grosses croûtes, parfois sanguinolentes. Actuellement, ce qui le dérange le plus, c’ est qu’ en buvant, il doit à chaque fois obturer son palais avec un morceau de chewing-gum, sinon le liquide s’ écoule dans son nez …
Antécédents personnels: septoplastie nasale il y a 25 ans. Reflux gastro-œsophagien. Pas d’ allergies connues. Fume ½ – 1 paquet de cigarettes par jour depuis de nombreuses années.
Médicaments: pantoprazole 40 mg le matin.
Paramètres vitaux: TA 162/97, pouls 84, régulier. SO2 92 %, température 36,2 °C.
État clinique: la rhinoscopie antérieure montre des croûtes muqueuses sanguinolentes de tous les côtés et une énorme perforation de la cloison nasale qui se perd en profondeur. En direction du sinus maxillaire droit, on constate un défaut avec des conditions très confuses. Dans la cavité buccale, on constate une perforation au niveau du palais droit contre le nez.
L’ inspection du tégument révèle un ulcère cutané d’ environ 4 cm de diamètre dans le dos, que le patient n’ a pas remarqué.

Questions
1. Quelle est la cause présumée de la perforation de la cloison nasale ?
A. Postopératoire après septoplastie
B. Mécanique après des manipulations régulières
C. Granulomatose
D. Post-infectieuse

Réponse : La bonne réponse est C. Les causes les plus fréquentes d’ une
perforation du plancher nasal sont d’ une part la manipulation constante du doigt dans le nez, c’ est-à-dire la «rumination nasale», d’  autre part, postopératoire après une septoplastie nasale. L’ anamnèse, avec la présence régulière de l’ écoulement de croûtes sanguinolentes et l’ examen clinique avec des muqueuses nasales recouvertes de croûtes sanguinolentes en plus de la perforation du septum et du palais plaident cependant dans cette situation en faveur d’ une maladie systémique telle qu’ une granulomatose.

2.  Quelles sont les mesures diagnostiques que vous prenez?
A. Orientation vers un spécialiste ORL pour une biopsie.
B. Compléter l’ anamnèse
C. Tomodensitométrie du nez et des sinus
D. Laboratoire: ANCA

Réponse: Toutes les réponses sont correctes. Par l’ anamnèse complémentaire vous apprenez, en posant des questions plus précises, que le patient consomme régulièrement de la cocaïne. En cas de suspicion de granulomatose, vous demanderez, lors des examens de laboratoire, de déterminer, entre autres, le taux d’ ANCA. Comme les rapports dans le nez sont très confus et qu’ il existe de grandes destructions, vous demandez une imagerie, qui peut inclure un scanner; une IRM serait aussi possible. Pour prélever des biopsies muqueuses ciblées sous contrôle endoscopique en anésthesie topique, vous adressez le patient à un spécialiste ORL avec lequel vous travaillez régulièrement.

Dix jours plus tard, le patient vient vous voir comme prévu pour discuter des résultats. Vous lui expliquez le résultat de la radiologie et l’ informe des résultats de laboratoire. Ici, les c-ANCA positifs sautent aux yeux. L’ histologie montre une inflammation chronique avec granulomes.

3. Quel est le diagnostic le plus probable?
A. Sarcoïdose
B. Granulomatose avec polyangéite
C. Vascularite induite par la cocaïne et associée aux ANCA
D. Adénocarcinome des sinus en cas d’ abus de nicotine

Réponse : La réponse correcte est la réponse C. En cas d’ abus régulier de cocaïne, une vascularite induite par la cocaïne et associée aux ANCA est la plus probable (appelée “cocaine induced midline destructive lesion”).

Discussion

Le diagnostic différentiel des lésions destructrices de la ligne médiane dans le nez est présenté dans ce tableau :

Chez notre patient, qui consomme régulièrement de la cocaïne, il s’ agit d’ une cause toxique de ces destructions étendues dans le nez, du sinus maxillaire et du palais. Comme le montrent des études récentes sur les eaux usées en Suisse, la consommation de cocaïne est très répandue et doit faire l’ objet d’ une enquête ciblée en cas de lésions dans le nez. D’ une part, la cocaïne provoque elle-même une vascularite associée aux ANCA qui est souvent difficile de distinguer d’ une granulomatose avec polyangéite. En effet, les deux présentent en laboratoire des c-ANCA positifs. Dans ce cas, outre l’ anamnèse, la détermination des anticorps anti-élastase peut aider. D’ autre part, la cocaïne est souvent coupée avec du lévimasol. Le lévamisole est un anthelminthique, utilisé en médecine vétérinaire. Il a en outre un effet immunomodulateur et est censé avoir également un léger effet euphorisant. Comme effet secondaire, il peut provoquer des nécroses de la peau et des muqueuses. Ainsi, notre patient présente également, en plus des résultats impressionnants dans le nez, une nécrose de la peau dans le dos.

Traduction de «der informierte arzt – die informierte ärztin» 01_2024

Copyright chez Aerzteverlag medinfo AG

Dr Christoph Schlegel-Wagner

Hôpital cantonal de Lucerne
Clinique d’ oto-rhino-laryngologie,
Chirurgie de l’ oreille et du visage (ORL)
Spitalstrasse
6000 Luzern 16

christoph.schlegel@luks.ch

l’ auteur n’ a pas déclaré de conflits d’ intérêt en rapport avec cet article.

Références chez l’ auteur

la gazette médicale

  • Vol. 13
  • Ausgabe 8
  • Dezember 2024